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M. Cabet parle comme saint Paul ; il dit à ses néophytes : Je ne sais qu'une
chose, c'est la fraternité[15]. » Mais, chez ces socialistes, la fraternité n'est pas
une idée fixe pour de futiles raisons rhétoriques ou pour d'infantiles prétentions
religieuses ; l'idéal flou, mais évocateur, de la fraternité leur permet d'exprimer la
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Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales
Paris La recomposition de l'unité sociale Etude des tensions démocratiques
chez les socialistes fraternitaires (1839-1847)
thèse présentée en vue d'obtenir
le titre de Docteur en Etudes Politiques
par Andrea LANZA soutenance le 7 novembre 2006
Membres du jury : M. Jean-Claude CARON, Professeur à l'Université Blaise-Pascal Clermont-
Ferrand II
M. Patrice GUENIFFEY, Directeur d'études à l'EHESS
M. Jean-Luc MAYAUD, Professeur à l'Université Lumière Lyon II
Mme Françoise MÉLONIO, Professeur à l'Université Paris IV Sorbonne
M. Pierre ROSANVALLON, Professeur au Collège de France (directeur de
thèse)
Sommaire 0 Introduction : pour une étude des tâtonnements 9
0.1 La fraternité, ou la démocratie comme recomposition totale 13 0.2 « Il ne sera jamais écouté par des hommes sérieux » 15 0.3 Le discours politique 18 0.4 Le discours et les textes 22 0.5 L'enracinement social 25 0.6 Des ententes et des équivoques : l'architecture du discours 28 0.7 Le discours comme configuration historiquement circonscrite 32 0.8 Les langages socialistes sous la monarchie de Juillet 39 0.9 Le photogramme d'un film : le discours et les transformations
historiques 43 1 Débris et fondements 51
1.1 Des horizons nouveaux 54
1.1.1 La grande ville : un lieu symbolique et réel sous-estimé 55
1.1.2 Une nouvelle condition existentielle : l'individu et le passant
65
1.1.3 L'enracinement géographique de la dichotomie ordre / désordre
71 1.2 La société, l'histoire et la formation du discours socialiste
fraternitaire 76
1.2.1 L'espace public et les ouvriers 77
1.2.1.1 La parole publique 81
1.2.1.2 Propagande et éducation 84
1.2.1.3 L'espace public et le langage : les limites d'un
universalisme 89
1.2.2 L'émergence des mouvements sociaux 96 1.3 Les socialistes fraternitaires face à une sphère économique autonome
102
1.3.1 Une harmonie en dehors du marché 103
1.3.1.1 Contre une synonymie monstrueuse 111
1.3.2 Travail et citoyenneté 121
1.3.2.1 Industrie et démocratie 123
1.3.2.2 Indépendance et responsabilité du citoyen-producteur 131
1.3.3 Privé et public. Rôle fondateur du travail et statut social de
la femme 133
1.3.4 Société démocratique et classes sociales 146
1.3.4.1 L'identité ouvrière et l'identité de la classe ouvrière
152
1.3.4.2 Avant l'opposition entre capital et travail 160
1.3.4.3 Eléments de l'identité de la classe ouvrière 163 1.4 Le progrès et l'attente. Une religion de l'autonomie ? 167
1.4.1 Le progrès 167
1.4.2 La religion du progrès 174
1.4.3 Le statut de la religion socio-progressiste 180 2 Le pouvoir social et son ambiguïté 183
2.1 Le mystère du pouvoir social 186
2.1.1 Trois éléments structurants de l'idée socialiste fraternitaire
du pouvoir 186
2.1.1.1 Ordre / désordre 186
2.1.1.2 Progrès et raison. Du principe d'égalité 190
2.1.1.2.1 Egalité et uniformité 192
2.1.1.2.2 Egalité et complémentarité 197
2.1.1.3 III. Une soif d'autorité 200
2.1.2 Théories de la souveraineté 203
2.1.3 La raison et les individus 213
2.1.3.1 Les deux niveaux de la représentation 214
2.1.3.2 L'organisation rationnelle des élections 218
2.1.3.3 Le comité scientifique 219
2.1.4 Le pouvoir social : mépris naïf et sacralisation du politique
221
2.1.5 Après l'Etat 223
2.1.6 La réalisation de l'unité : incorporation de l'autorité 227
2.1.7 La réalisation de l'unité : extension de la généralité 237
2.1.8 Une unité méconnue par Rousseau et par les jacobins 240
2.1.9 Une liberté illimitée et vide 245
2.1.10 Une liberté sociale indéfinie 248 2.2 L'association 254
2.2.1 La démocratie, l'association et le contrat 255
2.2.2 Une série de dichotomies formant l'idée d'association 257
2.2.3 L'entrelacement des dimensions poltique et sociale 261
2.2.4 Le concept d'association chez les républicains orthodoxes 264
2.2.5 Le concept d'association chez les ouvriers des années 1830. 271
2.2.5.1 Pratiques ouvrières d'association 272
2.2.5.2 Idées ouvrières d'association 277
2.2.6 Une première complémentarité 280
2.2.7 Des conceptions sociales de l'association 281
2.2.7.1 L'association fouriériste 282
2.2.7.2 L'association saint-simonienne. 287
2.2.8 Le modèle de Pierre Leroux 290
2.2.9 Le modèle communiste 293
2.2.10 Le modèle de Louis Blanc 296
2.2.11 Le modèle de Buchez 300
2.2.12 Fusion du politique et du social 308 2.3 La révolution 311
2.3.1 Un paradoxe : la volonté particulière de réaliser une unité
naturelle. 311
2.3.2 I réponse : la fondation d'une Nation nouvelle (l'acte politique
pur) 314
2.3.3 II réponse : la colonisation intérieure (ou l'autonomie sociale
manquante) 319
2.3.3.1 Maîtrise rationnelle vs rationalisation spontanée :
nécessité d'une synthèse politique 324
2.3.4 III réponse : la Révolution sociale républicaine 327
2.3.5 Les deux significations du terme « révolution » 328
2.3.5.1 Révolution et insurrection 330
2.3.5.2 La Révolution sociale républicaine 338 3 L'individu social et sa propriété. 345
3.1 Individu, propriété et la république sociale 348 3.2 Réinterprétations des thèmes du XVIIIe siècle. 353
3.2.1 La Révolution de 1789 et la propriété chez les socialistes
fraternitaires 357 3.3 Dépasser la propriété 363 3.4 I dépassement de la propriété divisée : la communauté 364
3.4.1 Dépassement du désordre et de la division : la communauté morale
365
3.4.2 Dépassement de la propriété privée : production sociale et
propriété sociale 368 3.5 II dépassement de la propriété fermée : la propriété sans
propriétaires 371 3.6 III dépassement de la propriété absolue : la propriété conditionnelle
377 3.7 IV dépassement de la propriété immobile : le crédit 380
3.7.1 Morale du crédit 387
3.7.2 Centralisation et autonomie : le crédit comme moment
d'articulation 390 3.8 Ni individualisme, ni communautarisme : les individus sociaux 394
3.8.1 Le sentiment social et l'intérêt général 395
3.8.2 Le sentiment fraternel et l'unité sociale : la propriété
orientée 399 4 Le conflit social structurant et son dépassement 407
4.1 Une forme de conflit social : la grève 411 4.2 Le nouveau cadre en définition 421 4.3 La responsabilité morale citoyenne 428
4.3.1 La fonction publique de contrôle social délégué aux maîtres 428
4.3.2 Redistribution égalitaire de la fonction publique de contrôle
social 433 4.4 La gestion du conflit social 437
4.4.1 Un instrument de gestion du conflit : le tarif 442
4.4.2 Un exemple : le tarif des typographes 446
4.4.3 Un principe généralisable 450 4.5 Les conseils des prud'hommes 452 4.6 Le rôle du gouvernement et le salariat social 457 4.7 Privé et public 467 5 Chapitre conclusif. L'ordre homogène 475
5.1 Un mot d'ordre : organiser 475 5.2 La simplification et la complexification 478 5.3 La socialisation des connaissances 482
5.3.1 Le paradoxe de l'opinion publique au pouvoir 487
5.3.2 L'unité morale comme présupposé et conséquence 490 5.4 Un espace pour l'homme-citoyen : l'espace public de proximité 491 5.5 La recomposition finale 498 5.6 Le corporatisme républicain 506
5.6.1 La corporation républicaine : une idée cohérente ou un
paradoxe ? 509 5.7 Une combinaison historiquement unique 515
5.7.1 Les corporations reconstituées chez Durkheim 516
5.7.2 L'infrastructure politique de la société autogestionnaire 519 5.8 Une démocratie de l'ordre 523
5.8.1 Une autre histoire 528 6 Fiches biographiques des socialistes fraternitaires 531
7 Sources 535 . Périodiques et almanachs 535
. ?uvres 539
. Pamphlets 543 Autres écrits antérieurs à 1890 cités dans cette thèse 548
. Périodiques 548
. ?uvres et pamphlets 548 8 Bibliographie 553 . Sur les socialistes fraternitaires 553
. Sur le contexte social et culturel 559
. Sur la méthode et autres ?uvres citées 568 Je remercie 568 Introduction : pour une étude des tâtonnements Au milieu des années 1830, les enthousiasmes et les élans suscités par les
Trois Glorieuses ont disparu, « le doute et l'apathie ont remplacé dans les
c?urs les croyances généreuses que la Révolution de juillet y avait
ranimées : on oublie l'avenir pour jouir du présent, et l'immoralité ronge
les nations et corrompt dans leur germe les progrès futurs[1]. » Quelques
années plus tard, le climat parisien est à nouveau en train de changer
profondément : à partir de 1839-1840, on constate une nouvelle prise de
parole collective. Des groupes d'ouvriers fondent des journaux, des
radicaux font paraître une quantité considérable de pamphlets et quelques
?uvres importantes. Il s'agit d'un mouvement plutôt dissimulé, souterrain :
une sorte d'ac