Introduction - Jelivremonhistoire

Comment leur dire ma douleur ? Mais non, personne ne saurait. La douleur
profonde ne se raconte pas ; il y a de la pudeur qui accompagne ce mal-là.
Combien d'années faudra-t-il, combien d'amour pour pouvoir en parler ? Il faut
approcher doucement la souffrance des êtres. Car même avec beaucoup d'
amour, elle ...

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Introduction Je veux écrire pour nos enfants, pour leur laisser quelque chose de
mieux que les apparences, un sillon, la trace d'un amour défiguré malgré
moi par un lourd passé, la trace d'une vie ravagée par la douleur.
S'il faut créer beaucoup de vide en soi pour naître au recevoir, il
faut avant tout évacuer les douleurs gravées dans sa mémoire. J'avais ce
désir de m'enfanter moi-même en écrivant, poussée par un désir de naître à
la vraie vie. Si d'une douleur l'on peut tirer un livre, je dois pouvoir
arriver à l'écrire. J'écris ma solitude, mes chagrins, mes larmes, afin de
ne pas être écrasée en vieillissant.
Nul ne peut atteindre l'aube sans passer par le chemin de la nuit.
Personne sur terre ne peut avoir plus d'empathie pour ses semblables que
ceux qui ont eu accès à leurs ténèbres intérieures.
À la recherche du paradis bleu : il faut changer de ciel pour changer
d'étoile. L'amour doit être visible immédiatement, ce n'est pas une partie
de cache-cache... Les traces du passé font de moi un oiseau de passage.
Demain, je serai loin. Le silence de la nuit est le lac le plus profond de
la terre ; et la vraie vie est souvent celle que l'on ne vit même pas...
Prisonnière d'un passé qui m'a été imposé, je n'aurai plus que les rêves
pour réinventer mon existence. La littérature m'a permis de respirer,
puisqu'il n'y a pas de hasard mais de nombreux rendez-vous avec soi-même !
Chaque rose rencontrée sur les chemins de ma destinée bien escarpée
ressemblait au rêve d'une nouvelle naissance. Seule au monde, il me fallait
croire au soleil lorsque naissait une rose...
La vraie grandeur consiste à être maître de soi-même.
Exilée de mon pays, la terre-mère, je suis une fleur sans terreau,
privée d'eau, maigrement arrosée par d'uniques larmes de regret. Si souvent
frappée par le froid et la solitude, à l'image de l'oiseau, l'hiver, perché
sur sa branche glaciale. Si un chagrin partagé est un demi-chagrin, je
l'allège pour vous. Ce qui est merveilleux avec l'écriture, c'est de
pouvoir vivre une autre vie. Si l'histoire est écrite, c'est justement pour
ne pas être vaincue. Sachant que ce n'est pas nous qui faisons l'histoire,
mais le contraire : c'est l'histoire qui nous fait.
Ce premier livre de mon histoire m'apparaît comme le visage d'une mère
en images dont j'ai été privée. Seigneur, regarde ces volets clos chaque matin que tu fais ! Regarde
ce mort vivant, en cage par peur de la liberté. Regarde, Seigneur cet
enfant stupide à terme qui ne veut pas naître ! Regarde Seigneur, je t'en
prie.
Ce fils, ces fils, ce sont les miens ; là, couchés à ma porte.
Seigneur je ne peux plus porter, je suis à bout de forces. Seigneur je t'en
prie, donne-leur des ailes, pour aller, voler ailleurs, voleter sans doute.
Mais si Tu existes, soutiens-les dans leurs faibles essais.
Seigneur je suis emplie de douleur, d'inquiétude, rongée par la
culpabilité,
Seigneur, délivre-moi cette année de ce spectacle qui m'enlève tout désir
de vivre. L'automne arrive avec ses couleurs qui engendrent de la
mélancolie et m'entretiennent dans une fatalité dont je ne peux me
dépêtrer. Seigneur, ce sont mes fils. Pose ton regard qui guérit, donne
vie. Seigneur, panse ce que j'ai blessé, raté, abîmé en eux. Seigneur,
interviens aujourd'hui, maintenant, demain sera trop tard. Seigneur, je
t'aime pour ton plan d'amour proposé. Si Tu es vraiment. Je t'aime au-
dessus de tout, même si je t'aime mal dans ma pauvreté, mes incertitudes,
mes doutes si durs parfois.
Seigneur qui es-Tu ? Et qui suis-je ? Seigneur au secours, ne tarde
plus, j'ai besoin de toi. Seigneur je suis seule, viens me rejoindre dans
mon désert, où personne ne peut pénétrer, sinon Toi. Viens mon Roi, mon
époux, viens ! Seigneur, regarde ma volonté de Te connaître, Te rencontrer,
afin de mieux t'aimer. Seigneur, je n'ai jamais désiré naître dans un
jardin sans terre, sans eau. Seigneur je ne désire pas le mal. Seigneur, je
suis aimantée par l'amour, le goût du beau, du vrai ; toutes les valeurs
proposées par ton évangile m'animent.
Seigneur, je t'en prie, tire-moi de la glaise qui m'asphyxie,
m'étouffe, m'encercle. Seigneur, es-Tu tout puissant où petit puissant ?
Seigneur, veux-Tu que je témoigne, que je sois le sel de la terre, où bien
veux-Tu que je m'affadisse, ainsi que ton évangile ?
Seigneur, Tu as dit : « Je suis ». Montre-toi, prends-moi au sérieux
ce matin où je m'adresse à Toi. Seigneur délivre-moi de tous liens qui
m'empêchent d'être vraiment libre. Seigneur, sois ma force, ma citadelle,
mon guide, mon bien-aimé qui saute sur les montagnes et bondit sur les
collines ! Seigneur, il se fait tard, viens, viens je t'attends. Je me sens
poussée à prendre un virage. Aide-moi à ce qu'il ne soit pas mortel.
Seigneur, prends les rennes de ma vie, et donne-moi de croire que c'est
bien Toi qui agis. Seigneur, mon mal est de ne pas avoir été aimée,
désirée, je ne connais pas la joie des bras tendus, qui vous encerclent et
disent que Tu es Père et Mère à la fois.
Seigneur, fais de mes os desséchés de la vraie vie, qui monte comme de
l'encens vers Toi !
I - Mars
Mercredi 12 mars 2008 Le paradis n'est pas sur la terre, et la férocité humaine dépasse
celle de la nature. En écrivant, je flotte aussi dans le vide. Mais écrire,
c'est passer aux choses sérieuses. Il est bon d'avoir quelque chose à soi,
pour le donner. Quelque chose au plus intime de moi-même, pour mes enfants,
mon psychanalyste, ma s?ur Rose-Marie, « la Marquise ». Un c?ur pour aimer,
chercher des mains pour l'accueillir. S'il y a des roses dans le monde pour
chacun de nous, je n'ai plus d'yeux pour les voir. J'écris contre l'oubli,
j'écris pour oublier. L'écriture est une insurrection contre la bêtise
humaine et la folie des hommes. L'intelligence vient principalement du
c?ur, et je rêve d'un endroit semblable au paradis, puisqu'au royaume de
l'espoir il n'y a pas d'hiver...
Les apparences trompeuses : une belle façade, afin de mieux dissimuler
ce vide que rien ne peut combler. Cependant, un seul petit bonheur aplanit
cent malheurs. Marcher seule dans la nuit, plonger dans l'oubli, telle fut
ma destinée. J'ai souvent contemplé l'horizon au loin, avec la nostalgie
d'un pays perdu devenu inconnu. L'orage est à l'intérieur de moi, je vis
derrière mes larmes, avec l'impression d'être condamnée, comme si l'on
m'avait supprimé de la terre.
Pour foncer droit devant, je dois raconter. Je veux marcher fière
d'avoir été détruite, mais pas vaincue ! Je n'accouche pas d'une ?uvre avec vous, j'accouche simplement d'une
triste et noire enfance. Demain, un ange ? Seuls les anges peuvent changer
ce monde glacial. Je cherche à être humaine, je veux avoir le monde pour
parents. Je veux être une fleur, un bouquet parfumé. Atteindre cet amour
inaccessible un jour pour être enfin libre. Injustices et mensonges,
ennemis de ma vie. Il est important d'être soi-même. Dans ce monde
interdiction de se situer, d'exister.
Percée, trouée, labourée, arrachée, lacérée, étranglée, j'étais la
terre. Et mon corps et mon esprit n'en pouvaient plus. Une des raisons pour
laquelle j'aspire à cette vie douce, chaude, et immortelle... J'ai appris à
abandonner toute ma vie aux autres, une façon de ne pas être une vaincue de
l'amour. Mais à trop me donner, j'en suis arrivée à m'abandonner.
Mon tombeau, le ventre de ma mère. Toute ma vie aspire à redonner vie
aux os desséchés. Mais puis-je ici-bas vivre une vraie vie ? Savaient-ils,
pourtant, que j'avais toutes les dispositions pour les aimer ? Si seulement
ils m'avaient bien regardée... Jeudi 13 mars 2008 Avoir des enfants, afin d'adoucir ses peines. Mais l'expérience avec
nos deux garçons a rendu mes malheurs plus amers. Cette impression pesante
de marcher sur le sol de mon enfance pour la vie. Toutes les violences ont
un lendemain. Il faut beaucoup lutter afin de déraciner les ravages
produits.
Je presse mon inconscient comme un citron, afin d'immortaliser un seul
bon moment en la présence de ce père. Je ferme les yeux : tout est noir de
violence. Il souffrait d'une mélancolie bien apparente ; sa douleur en
couleur de violence. Il a fait de moi une fille sans père, qui a grandi
dans un couple en guerre. Je ne lui ai fait aucun mal. Lui, il a pris mon
bonheur par malheur !
Il était sans complicité, sans émotion, sans amour à me porter. Si
tout est parole, sachez qu'elle me libère. Ainsi, je trouve mes forces de
vivre et de survivre. Quand j'étais petite, il me haïssait. Je n'étais pas
le garçon tant espéré. Il est la source aujourd'hui de mes angoisses, dans
la relation masculine au sein de ma famille. Il a gâché ma vie de femme.
Seulement aujourd'hui, pouvoir feindre le bonheur, afin de mieux dissimuler
aux enfants, et aux autres, cet immense désert.
Qui était-il ? Nous reverrons-nous un jour aux cieux dans les nuages
bleus ? Encore lové comme une blessure indélébile, au fond de ma mémoire et
dans ma chair : son fantôme ! Personne ne s'en doute, mais sachez qu'être
vivante dépend de la présence d'un ange quelque part. Ce monde du père
tendre qui n'a jamais existé, à peine ai-je cru en voir une ombre dans ma
vie. Le coin où je suis née est fané, triste, lugubre. Je devais m'éloigner
de cette vue plus douloureuse que l'abandon du départ. Percevoir la ruine
de cet homme a cultivé en moi une pitié profonde, maladive, qui m'a
conduite vers le modèle identique dans le mariage.
Violence, inégalité, exclusion, oppression