Jeu sportif, rêve et fantaisie - Spiral
Les « exercices d'écriture » de Strau adoptent volontiers cette posture « écrivante
». Les coquilles non-corrigées, l'absence de majuscules (mais sans respect .... et
Véronique Dabin éd., Marcel Broodthaers, Galerie du Jeu de Paume, Paris, .... La
température des mots », Cahiers du Musée national d'Art moderne, hiver ...
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Piste noire : Jeu sportif, rêve et fantaisie.
P Parlebas.[1] Le jeu est un rêve. L'acte de jeu n'est pas réductible au
fonctionnement d'une machine biologique qui dépenserait un surplus
d'énergie. il n'est pas non plus assimilable à un futile délassement in-
signifiant. Jouer a un sens. Et le sens ludique est de même ordre-ou de
même désordre- que le sens onirique.
Freud lui-même a largement indiqué la voie; on connaît le cas de
l'enfant à la bobine qui lançait cet objet au loin puis le faisait
réapparaître pour se « dédommager » du départ de sa mère (S Freud, 1966);
par le jouet, par le jeu, l'enfant tente ainsi de maîtriser la situation,
symboliquement. Sur la bobine de ce bambin se déroule le fil d'Ariane qui
relie le rêve au jeu. Mélanie Klein (1967)fut certainement la meilleure
filandière qui réussit à sous-tendre le jeu de la même trame que le rêve.
« Nous ne pouvons pleinement comprendre ce langage, écrit-elle au sujet du
jeu, que si nous l'abordons par la méthode mise au point par Freud pour
démêler les rêves » , Soulignant la «remarquable analogie» (M Klein,1967)
des procédés de représentation du jeu et du rêve, elle débouche sur une
idée-force: le jeu est l'accomplissement d'un désir inconscient.
L'activité ludique-manipulation d'objets, lancer de balle, bousculade
d'un partenaire- s'actualise par des comportements manifestes qui voilent
un contenu latent. Le jeu est l'expression déguisée des fantasmes
inconscients qui hantent secrètement le joueur. Il manifeste des conflits
internes: les désirs profonds ~seraient souvent intolérables aux yeux de
tous; ils deviennent tolérés avec le travestissement ludique soumis aux
propres défenses du sujet. Lancer violemment le ballon sur son adversaire,
faire la nique au gendarme, affronter le loup, se moquer du chat ou frapper
la mère Garuche, cela. est beaucoup plus confortable que d'agresser son
père ou sa mère.
Pour reprendre un terme de Daniel Lagache (1963), le jeu est fantaisie
. D'une part scintille une fantaisie consciente, explicite, qui accompagne
la création des thèmes, des rôles et. des situations à l'abondante imagerie
animale et sociale; il s'agit d'une fiction très apparente et qui enchante
souvent l'adulte. D'autre part une fantaisie inconsciente, profondément,
enfouie sous le paysage ludique et que l'analyste peut débusquer, notamment
dans la relation transférentielle. Cette fantaisie inconsciente est la
grande fresque fantasmatique qui anime secrètement les conduites ludiques:
elle est la clef du désir, la clef du « joué ».Dévoilée, cette fiction fait
apparaître de fantasmes sexuels, des fantasmes de morcellement, de
destruction, de métamorphose, de dépeçage; elle révèle souvent une angoisse
et une culpabilité précoces. Pour le sens commun qui se plaît à reconnaître
en l'enfant l'innocence originelle ces scénarios imaginaires sont
effrayants, inacceptables et inacceptés. L'hypothèse analytique a mauvaise
presse: on préfère Greuze à Bosch.
Poussant à leur terme les implications de sa démarche, Mélanie Klein
affirme que pour comprendre le jeu des enfants « nous devons tenir compte
non seulement du symbolisme qui s'y manifeste avec évidence, mais aussi des
moyens de représentation et des mécanismes utilisés dans l'élaboration des
rêves ». Il ne s'agit donc pas d'une banale ressemblance mais d'une
analogie fondamentale. On pourrait écrire aujourd'hui une « Interprétation
du jeu »qui serait la reprise fidèle mutatis mutandis, de l'interprétation
du rêve: il n'y aurait que peu à modifier. Il n'est donc plus nécessaire
d'insister outre mesure: les éléments fondamentaux dégagés par Freud au
niveau du rêve: désirs et fantasmes inconscients, contenus manifeste et
latent, mécanismes de défense, principes de plaisir et de réalité... se
retrouvent au niveau du jeu. L'accent est mis sur l'activité de
transformation symbolique, sur l'élaboration en fantaisie de l'activité
ludique. Par une nouvelle ironie du langage, ce qui devient capital dans le
jeu, c'est son « travail ».
L'interprétation analytique semble capitale en ce qu'elle permet de
répondre à la question: pourquoi l'enfant joue-t-il? Définir, comme l'a
fait récemment Jean Château(1967), «le sens premier du jeu de l'enfant:
occuper les forces qui bouillonnent dans l'organisme et leur donner
l'occasion de se déployer», semble bien insuffisant; il s'agit «de dominer
les instincts et les pulsions », commente cet auteur qui ajoute que «c'est
toujours le même désir de dépassement qui se retrouve» (p. 61) De telles
affirmations relèvent davantage du précepte moralisant que de l'analyse
psychologique. Ce désir de dépassement n'a-t-il pas de signification plus
profonde que son sens immédiat ? n'est-il pas rattaché à une affectivité
effervescente, à une histoire ? Lorsque Château soupçonne les tests
projectif de contribuer à « pervertir notre psychologie de l'enfant »,
comme si les psychologues « cherchaient avant tout la bête et non l'homme »
(p. 136), l'attitude angélisante n'est plus douteuse. C'est une opinion de
moraliste, ce n'est pas une interprétation de psychologue. Au fond, c'est
un refus de la fantaisie inconsciente.
Pourquoi l'enfant joue-t-il ? L'enfant joue parce que le jeu lui
procure un plaisir. La conception analytique selon laquelle le jeu est la
réalisation substitutive d'un désir inconscient est l'hypothèse qui semble
la plus compatible avec la prodigieuse jubilation manifestée par l'enfant
au cours du jeu. Le joué est enjoué. Que ce désir réponde parfois à «
l'appel de l'Ainé » (p.114), ou au « sentiment de grandissement » (p. 113),
pour reprendre les expressions de Château, nul n'y trouvera redire,
d'autant que des mécanismes tels que l'identification y aideront. Mais la
restriction de l'activité ludique aux « fonctions supérieures
d'intelligence ou de volonté « (p. 138) trahit une attitude normative
difficilement recevable.
Au-delà des apparences, c'est un refus du corps. En tant que telle,
l'expression corporelle profonde est bannie. A vrai dire, encore
aujourd'hui, le corps est le grand interdit de la pédagogie. De façon très
cohérente, Château prône la supériorité d'une «éducation physique
rationnelle», car si le jeu «développe, il ne corrige point» (p. 147).
Voilà le jeu évincé de l'éducation physique et celle-ci vouée avant tout à
devenir correctrice. L'enseignant deviendrait un redresseur de corps.
Plus encore que le jeu en général, le jeu sportif est tenu en suspicion.
Le restreindre à une rationnelle et volontariste n'est-ce pas risquer de le
perdre en voulant le sauver ? Par jeu sportif, nous entendons les
situations motrices d'affrontement codifiées, explicitement désignées sous
le terme de « sport » ou de « jeu » par les instances sociales. Aussi bien
les sports des jeux olympiques ou des championnats du monde (athlétisme,
natation, gymnastique, sports collectifs...) que les jeux traditionnels
(jeux de ballon, cerceau, épervier, quatre coins, balle au prisonnier, les
barres...). Qu'en est-i] donc de ce jeu sportif?
Le jeu sportif :rêve d'une personne. Le jeu sportif est un rêve, le rêve d'une personne. Comme les
conduites verbales, mais avec leurs moyens propres, les conduites motrices
expriment les désirs profonds portés par un imaginaire inconscient. Le jeu
sportif est bien la mise en scène d'un fantasme, de ce « scénario
imaginaire où le sujet est présent», dont parlent Laplanche et Pontalis
(1967) Jouer aux gendarmes et voleurs ou à Loup y es-tu ? n'est pas neutre;
pratiquer le judo, le rugby ou la spéléologie ne va pas sans alerter un
monde d'images et de pulsions toutes prêtes à sourdre. Se hausser au niveau
d'une paroi dangereuse ou s'enfoncer dans des profondeurs sous-marines
inquiétantes, ce n'est, pas un acte in-sensé. Toute la conduite motrice est
happée par le sens qui investit alors le regard ou l'épaule, la main
hésitante, le pied qui recherche l'appui, le corps tout entier à l'affût.
La signification s'est faite action.
C'est encore Mélanie Klein (1967) qui a fait entendre un son neuf et
insolite: «Le jeu à la balle ou au cerceau, le patinage, la glissades sur
un toboggan, la danse, la gymnastique, la natation -en fait, les jeux
athlétiques de toutes sortes-tout cela apparut-il, était libidinalement
investi, et quelque symbolisme. génital y jouait toujours un rôle». L'enjeu
du sport, c'est l'enjeu du corps. Cette mise en scène du corps est bel et
bien une mise en arène du désir. Mise en arène, car il y combat et souvent
mise à mort symbolique. Le jeu est un conflit qui reproduit sur son propre
registre moteur la vie fantasmatique de cet autre conflit opposant le désir
inconscient à la censure déformante.
Le jeu sportif est un fantasme agi. Pas seulement un fantasme parlé.
Il se distingue ici du rêve ou du discours. Il déclenche une praxis, une
actualisation de conduites motrices qui provoque un contact parfois rugueux
avec le monde extérieur. L'obtention du plaisir nécessite d'emprunter un
détour. La réalité de la représentation reprend à son propre compte la
réalité de l'espace, des obstacles et d'autrui. Les règles du jeu sont
souvent présentées sous l'aspect de leurs contraintes; en vrai, elles
interviennent pour beaucoup comme des permissions. La règle instituée
devient la norme qui autorise la mise en jeu corporelle et motrice du désir
au cours de comportements manifestes d'hostilité et d'agression, d'entraide
et de sé