Partie 1 Le train de vie - sisbos
D'une longue enjambée, je parviens à poser mon pied droit sur l'une des barres,
..... D'après le petit panneau indigo qui jouxte la portion de rails, nous sommes
rangés ...... je veux juste retrouver ma s?ur, et repartir ensuite, je tente de
corriger. ..... mais un pavé plus sec et plus rugueux, cerné des deux côtés par des
cubes ...
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le train de vie
Roman
Tom Bossis
75524 mots
429765 caractères (espaces compris)
Tom Bossis
1, Rue Apollon
69230, SAINT GENIS LAVAL
06 70 55 16 88
sisbos@free.fr
Partie 1 Le train de vie 2
La descente 9
Partie 2 Les repères 10
Partie 3 La déviance 19
Partie 4 Les apparences 26
Partie 5 L'ordre des choses 34
Partie 6 Le regard des autres 41
Partie 7 L'identité 48
Partie 8 L'habitude 56
Partie 9 La conscience 62
La remontée 70
Partie 10 Les limbes 71
Partie 11 L'introspection 80
Partie 12 La mémoire 88
Partie 13 La question 97
Partie 14 La réponse 105
Partie 15 La délivrance 115
Partie 16 La reconquête 123
Partie 17 La fuite du temps 131
Partie 18 La croisée des chemins 140
Partie 19 Le train de vie 145
Le train de vie
La vie serait peut-être moins pénible en sens inverse.
On part à peu près de rien, et puis progressivement, on apprend. On
apprend de plus en plus. Au bout d'un certain temps, à force d'apprendre,
soudain, on comprend. On comprend ses erreurs.
Et ça, parfois, c'est douloureux.
Il vaudrait mieux partir d'à peu près tout, et puis progressivement,
oublier. Oublier de plus en plus. Jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien. Et
ce serait la mort.
Parce qu'avant de comprendre, parfois, il arrive qu'une vie entière
soit nécessaire. Alors, on aimerait en demander une autre. Mais il n'y en a
pas d'autre.
Une fois parvenu au terminus, il faut descendre...
Tout en haut de la feuille, par habitude, j'ai inscrit mon nom. En attaché,
avec des lettres rondes qui s'enroulent les unes autour des autres. Puis,
j'ai posé le titre. J'ai choisi pour lui des majuscules carrées, parce
qu'il est au centre, et que cela lui donne un air de chef. Un peu plus
loin, le grand un. En fait, c'est l'introduction. Les lettres sont belles,
bien distinctes, bien claires, bien lisibles. Ensuite, le grand deux.
L'encre bave un peu, les mots s'étirent et les boucles s'allongent. Puis le
grand trois. Les phrases se confondent, s'enjambent, se recoupent. Le grand
quatre, c'est le champ de bataille, quelques soldats ont essuyé des tirs de
missiles, dont le sang tracé au Bic rouge déborde sur la table. Les pertes
sont nombreuses tant chez les alliés que chez les ennemis, lesquels ont
subi de larges ratures qui ont eu raison d'eux. Là, maintenant, j'en suis
au grand cinq. La maîtresse, elle, au grand sept.
Posé au second rang contre la fenêtre, je ne me mêle pas trop à
l'euphorie ambiante. Ce n'est pas que je ne sois pas content, je le suis,
mais c'est que je ne suis pas tout à fait avec eux. Mon regard est
ailleurs, accoudé à la vitre, il traverse le verre pour prendre l'air
dehors, parmi les promeneurs et les passants pressés. Ils avancent devant
eux sans quitter du regard leurs deux pieds fatigués, ils passent
simplement, sans autre sentiment. Ils ne doivent pas sentir ce parfum de
vacances qui lévite dans la salle comme si la planche de verre qui les
sépare de nous était un mur sans fin. Je me fais la promesse de ne pas
devenir comme eux. Mon regard remonte jusqu'au clocher qui surplombe la
rue, la pointe dans les nuages - le soleil me fait cligner les yeux - puis
redescend sur les grands bâtiments intermédiaires. Cette fois-ci, malgré
tout, la grisaille de mon paysage quotidien n'affecte pas ma bonne humeur,
et de toute façon, il me suffit d'en détacher les yeux pour me replonger
dans la chaleur de la classe.
Mon copain m'interrompt pour me demander si je veux passer chez lui
après les cours pour fêter le début des vacances. Je lui réponds que non et
que ce soir même, je prends le train pour chez mes grands-parents. Il est
déçu.
La sonnerie finit par marquer la véritable fin des cours et même s'il
est nécessaire de tendre l'oreille pour la distinguer du brouhaha ambiant,
tout le monde l'a bien entendue. Lorsqu'il est temps de s'en aller,
l'ouragan des élèves balaye la salle entière. Après un ballet de sacs, de
jambes, de cheveux, de rires et de cris, je sors avec les autres, porté par
le courant.
Je suis envahi par une intense sensation de liberté. Partout autour de
moi, les enfants descendent les escaliers en riant, dont les éclats se font
écho par-delà les murs de l'école. Moi, je me laisse glisser le long de la
rambarde, et j'attends que tous les autres passent d'abord. Ce n'est pas
comme un week-end. C'est la sortie, la grande, la vraie, l'irrémédiable. Ce
jour-là, on s'en va par un petit portail, les uns après les autres, et non
par l'entrée principale, déjà condamnée par les grands. Une fois le dernier
d'entre nous évaporé, l'école fermera ses portes jusqu'au bout de l'été. À
la dame de la cantine, qui s'occupe du passage, j'adresse mon plus beau
sourire, et puis je passe le seuil pour de bon.
Pour rentrer chez moi, je dois remonter cette fameuse rue que, par
impatience, je n'ai pas lâché des yeux de la journée. Les enfants du
collège ont répandu un peu de leur humeur légère dans l'air qui nous
entoure. Je m'amuse à coller mes grandes enjambées avec les pieds de la
rambarde du trottoir. Après cinq ou six pas, je réalise que cela me
ralentit, ce qui me contrarie. Alors je me remets à marcher normalement.
Ce soir, je prends le train seul avec ma petite s?ur pour rejoindre la
maison de mes grands-parents. Je le fais fréquemment, les week-ends où mes
parents travaillent. Cela ne m'effraie pas, tout se passe toujours bien
quand ce sont les vacances. D'autant plus que Maman a préparé un sandwich.
J'adore les sandwichs. Je n'en ai pas mangé depuis une éternité. Ce devait
être la fois où nous avons visité le musée de l'aviation avec l'école. Le
musée, c'était nul. Un grand homme en costume nous présentait chaque chose
avec une voix de livre, nous interdisait de nous asseoir sur les rambardes
et m'avait fait recracher mon chewing-gum. En revanche, à midi, c'était
pique-nique. Et pour le pique-nique, je veux bien visiter un musée.
Une fois parvenu au sommet de la rue, il ne me reste plus qu'à me
laisser descendre par le long escalier qui rejoint le square voisin. Je ne
l'aime pas, l'escalier, il porte comme des boules de métal vertes sur sa
rambarde à chaque rupture de pente, si bien que je ne peux pas me laisser
glisser dessus comme celui de l'école. Mais puisque c'est en bas de ses
marches que j'atteins ma maison, je lui pardonne toujours.
Ma maison, c'est celle aux volets rouges qu'on aperçoit là-bas, juste
après les tennis. À l'étage, les deux fenêtres en croix lui donnent un
regard troublant, et la double porte d'entrée, un sourire malicieux. Quand
on pousse le portail, des grelots retentissent, depuis que ma s?ur s'est
amusée à en accrocher un peu partout entre les mailles de la grille de fer.
Un petit chemin de dalles blanches rejoint le porche d'entrée, mais je ne
marche pas dessus, puisqu'il est plus rapide de traverser tout droit au
beau milieu des fleurs. Je trouve le jardin joli comme il est, mais
j'aurais préféré un grand terrain où je puisse jouer au foot. Avant de
rentrer, j'appuie toujours trois fois sur la sonnette, même si je me le
fais reprocher lorsque j'ouvre la porte. Je crois que je ne le fais même
plus exprès. Au moins, cela m'évite l'absurde question lorsque je rentre de
l'école chaque jour à la même heure : « Léo, c'est toi ? »
- Bonsoir, mon chou.
Maman témoigne de sa présence par ce petit message rituel, assise
devant ses papiers à la table du salon.
- Ton train est dans une heure, dépêche-toi de préparer ton sac. N'en
prends pas trop, elle poursuit sans toujours lever les yeux de ses
dossiers, tu ne restes qu'une semaine et tes grands-parents ont déjà plein
d'affaires à toi.
- D'accord, maman.
Je monte quatre à quatre le petit escalier de bois en colimaçon dans le
coin opposé. En haut, ce sont les chambres. À gauche, celle de Louise, ma
petite s?ur. Celle de droite, celle de mes parents. Au fond, la salle de
bains, la chambre d'amis et puis ma chambre, à gauche.
Mon sac se cache entre une pile de vêtements sales et une caisse de
jouets usagés que je dois donner à ma s?ur depuis longtemps. C'est le petit
sac à dos bleu que je prends tout le temps lorsque je vais à la piscine.
Avec hâte, je le soulage de la serviette, du maillot, du bonnet et de la
paire de lunettes qu'il hébergeait pour les remplacer pêle-mêle par
caleçons, tee-shirts, shorts, et quelques livres.
En sortant, je percute Louise,