La place de la rationalité dans les comportements économiques
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La place de la rationalité dans les comportements économiques
(Corrigé de dissertation)
Alain Beitone Introduction Le recours au thème de la rationalité est constant dans tous les
registres de discours économiques. Dans le registre scientifique, on
soulignera que l'attribution du Prix Nobel de Sciences Économiques à K.
Arrow en 1972, à H. Simon en 1978, à Gary Becker en 1992, à R. Lucas en
1995 est révélatrice de l'importance du concept de rationalité. Dans le
registre médiatique, on notera les références fréquentes à l'irrationalité
des marchés financiers, la stigmatisation des comportements de
surendettement des ménages, l'indignation provoquée par les placements
aventureux de certaines grandes banques, les commentaires sur les
mouvements de grèves de novembre et décembre 1995 considérés par certains
comme la manifestation d'un refus irrationnel des contraintes de la
mondialisation.
Mais que faut-il entendre par " rationalité " ? Selon M. Allais, " un
homme est réputé rationnel lorsque a) il poursuit des fins cohérentes avec
elles-mêmes; b) il emploie des moyens appropriés aux fins poursuivies ".
On peut aussi retenir la définition de F. Hahn : " Étant donné un ensemble
d'actions possibles, l'agent choisit rationnellement s'il n'y a pas
d'action possible pour lui dont il préférerait les conséquences à celles
résultant de son choix. "
Au delà de ces définitions très générales, il importe tout d'abord de
souligner une première divergence sur la signification et le statut de la
rationalité.
Certains auteurs considèrent que la rationalité est inhérente à l'action
humaine dans la mesure où toute action est intentionnelle et où chaque
individu va rechercher les moyens les plus adaptée d'atteindre les
objectifs qu'il s'est fixé. C'est ce qui conduit L. von Mises à considérer
que : " L'agir humain est nécessairement toujours rationnel ". Dans cette
même veine, la définition de la science économique par Lionel Robbins
(" l'économie est la science qui étudie le comportement humain en tant que
relation entre des fins et des moyens rares à usages alternatifs ")
identifie la discipline économique et la rationalité. La rationalité occupe
donc de ce point de vue une place centrale dans les comportements
économiques et dans les discours économiques qui visent à rendre compte de
ces comportements.
Pour d'autres auteurs la rationalité n'est qu'une hypothèse :
" La rationalité économique constitue l'hypothèse centrale de la théorie
économique "
Le choix de cette hypothèse est lié à l'histoire du discours économique
dominant (classique puis néo-classique) et à la fécondité de la
construction axiomatique qui repose sur elle (cette hypothèse se prête bien
à la formalisation). Cependant les auteurs qui adoptent ce point de vue
relativisent la portée de leur choix :
" ...rares sont les économistes qui seraient prêts à défendre l'idée que
l'hypothèse de rationalité est très réaliste. Tout le monde n'est pas
rationnel et il est probable que personne n'est rationnel en toute
circonstance et en permanence. "
Mais en dépit de ces précautions oratoires, l'hypothèse de rationalité joue
bien un rôle essentiel.
Si le débat sur ce sujet (au premier abord assez abstrait) est aussi vif et
aussi durable, c'est qu'il a des enjeux normatifs importants. S'il est
inhérent à l'homme d'être rationnel et si cette rationalité conduit à un
optimum social dans une économie de marché et de propriété privée, alors on
dispose d'un critère permettant d'affirmer la supériorité de ce type
d'économie.
Si, au contraire, on considère que les individus ne sont pas nécessairement
en mesure de faire des choix rationnels et que, de plus, la combinaison des
décisions individuelles ne conduit pas nécessairement à l'intérêt général,
on sera conduit à remettre en cause les mécanismes de marchés et à
préconiser des formes diverses d'intervention de l'État.
Nous montrerons dans une première partie que ce rôle de l'hypothèse de
rationalité a permis de construire un édifice théorique qui se caractérise
par sa cohérence interne et son élégance (modèle Arrow-Debreu) mais que,
cependant, la portée heuristique de ce modèle est remise en cause. Nous
montrerons ensuite que si des tentatives ont été opérées (notamment par H.
Simon) pour enrichir le concept de rationalité et le rendre plus
" réaliste ", des critiques plus radicales sont formulées qui conduisent à
une remise en cause de l'hypothèse de rationalité. I. La rationalité : une place centrale et contestée A. La rationalité au c?ur des modèles économiques dominants La référence au principe de rationalité est très générale en sciences
économiques. Comme le fait remarquer B. Guerrien :
" Lorsque les détenteurs de capitaux des analyses de Smith, Ricardo et Marx
cherchent à faire des placements qui leur donnent le taux de profit le plus
grand possible, ils appliquent le principe de rationalité. Il en est de
même pour les capitalistes qui, selon Marx, utilisent de nouvelles
techniques dans le but d'augmenter la plus value qu'ils extraient de ceux
qui travaillent pour eux. "
Cependant c'est au sein du paradigme libéral que l'approche fondée sur la
rationalité joue le rôle le plus important. L'idée de rationalité apparaît
déjà chez A. Smith. Par exemple, pour justifier le libre-échange, il fait
référence au comportement individuel rationnel :
" la maxime de tout chef de famille prudent est de ne jamais essayer de
faire chez soi la chose qui lui coûtera moins à acheter qu'à faire. "
De même son analyse de la main invisible ou de la division du travail
reposent sur le comportement maximisateur des individus.
Le courant walrasien, comme le courant autrichien accroissent encore la
place de l'hypothèse de rationalité au sein de la construction théorique
dominante. Ces approches sont en effet beaucoup plus radicalement
individualistes que l'approche classique. Le point de départ de l'analyse
est donc un individu souverain, dont l'information est parfaite, qui classe
toutes les opportunités qui lui sont offertes à partir d'un calcul
coût/avantage.
Ce rôle central de l'hypothèse de rationalité associé à l'individualisme
méthodologique est souligné par A. Wolfelsperger. Selon cet auteur, ce qui
fait l'unité des discours économiques (microéconomiques aussi bien que
macroéconomiques) c'est " un style d'interprétation propre " :
" Ce style se caractérise, entre autres, par les deux hypothèses
d'individualisme (la réalité sociale est le produit de comportements
individuels) et de rationalité (chaque individu utilise des moyens adaptés
aux fins qu'il poursuit)... "
Cette même approche est présentée par B. Guerrien en des termes très
voisins :
" Qu'est-ce qui va amener les individus " libres et égaux " à procéder à
des échanges ? Le principe de maximisation. Les agents, munis de
" fonctions-objectif " mesurant un " plaisir " ou un profit, vont chercher
à maximiser cet objectif, en tenant compte de leur contrainte en ressources
ou technologiques. Ainsi, dans l'optique néo-classique, la société serait
formée d'individus qui agissent en étant soumis à certaines " forces "
(plaisir, profit) résultant du principe de maximisation (ou de
rationalité). "
Cette conception de l'individu rationnel repose sur une séparation radicale
entre les décisions économiques et le contexte social et historique, comme
le montre P. Cahuc :
" En économie, le principe de rationalité signifie que les individus
agissent en utilisant au mieux les ressources dont ils disposent, compte
tenu des contraintes qu'ils subissent. (...) l'individu rationnel, ou
encore homo oeconomicus, est égoïste : il tient compte uniquement de son
propre intérêt. Il constitue en outre une unité de décision autonome : son
comportement n'est pas déterminé par des habitudes sociales consciemment ou
inconsciemment assimilée. Son comportement est défini indépendamment de
toute contrainte macrosociale. La définition de la rationalité est donc
ahistorique. Enfin, l'individu rationnel est maximisateur, il effectue des
choix qui maximisent sa satisfaction. "
L'influence de l'hypothèse de rationalité doit donc être mise en relation
avec le mouvement d'autonomisation de la sphère économique et du discours
économique qui caractérise la modernité (cf. les analyses de K. Polanyi et
de L. Dumont).
La rationalité individuelle doit être reliée à la rationalité du système.
Dans l'optique néo-classique, cette rationalité est liée au choix d'un
critère normatif, l'optimum de Pareto. Ce critère (cohérent avec l'optique
individualiste) une fois retenu, on montre que tout équilibre de
concurrence pure et parfaite est un optimum de Pareto. Les mécanisme du
marché concurrentiel conduisent dont bien à l'utilisation optimale des
ressources (c'est-à-dire à la maximisation de la production sous la
contrainte des ressources rares).
Cependant, si l'on admet avec E.S. Phelps, que l'hypothèse de rationalité
et les modèles qui reposent sur elles sont peu réalistes, on peut
s'interroger sur la place qu'occupe cette hypothèse dans le discours
économique.
La place centrale de l'hypothèse de rationalité est sans doute liée aussi
au fait que cette hypothèse permet de produire des théories et des modèles
qui se prêtent bien à la formalisation. C'est ce que souligne H. Brochier :
" La rationalité supposée des agents fonde ainsi un modèle fortement
structuré, qui fait ressortir l'interdépendance des décisions économiques,
qui est apte au traitement