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6 juin 2008 ... ... Canada avait autorisé l'expulsion de Léon Mugesera à l'issue d'une longue ....
Le gouvernement attend qu'ils seront corrigés dans les futurs rapports ». ... Mais
cet exercice révèle surtout, de façon officielle, à quel point des ...

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CHRONIQUE POLITIQUE DU RWANDA
ET DU BURUNDI, 2007-2008 par Filip Reyntjens Abstract In both Rwanda and Burundi, the political evolution has been marked by
continuity during 2007-8. The Rwandan regime has maintained its firm grip
on state and society, but it is increasingly threatened by developments
beyong its control, in particular judicial proceedings against its
leadership in France and Spain, as well as potential indictments before the
ICTR. While the country's human rights record remains poor, the way in
which political space has been successfully closed makes visible repression
unnecessary. Rwanda continues to be involved in the instability and
violence in eastern DRC, both through the FDLR rebellion and its support of
the insurgency of Congolese Tutsi General Nkunda.
Burundi's politics continue to be marked by the dual phenomena of
deficient governance and institutional stalemate due in part to the
fragmentation of the political landscape. After the sacking, arrest and
trial of its former chair, the ruling CNDD-FDD has split in two wings,
leading to further paralysis. There is no real progress in the area of
transitional justice, and the human rights situation has not improved.
Negotiations with the last remaining rebel group, Palipehutu-FNL, have met
with many obstacles, including renewed fighting in the Spring of 2008, but
seemed to resume in May 2008.
Despite the appearance of relatively good governance in Rwanda, prospects
are worrying in the longer term : the exclusion of the vast majority of the
population leads to deep-seated resentment and a widespread feeling of
marginalisation. This structural violence will, one day, again transform
into acute violence. This is not the case (yet) in Burundi, where the
perspectives are probably better than they look today. 1. INTRODUCTION Tant au Rwanda qu'au Burundi, l'évolution politique en 2007-2008 a été
marquée par la continuité. Au Rwanda, l'emprise du FPR est forte, à tel
point que les élections législatives, prévues pour septembre 2008, ne
seront qu'une formalité. La position apparemment intouchable du régime se
combine paradoxalement avec une remise en cause internationale. En effet,
malgré des visites de haut niveau à Kigali[1] qui semblent apporter autant
de cautions, le FPR est de plus en plus rattrapé par son passé criminel.
Après le juge Bruguière en France, fin 2006, le juge espagnol Andreu
Merelles lance des mandats d'arrêt internationaux contre des officiers de
l'APR au début de 2008. Même si le TPIR doit, en principe, fermer ses
portes à la fin de cette même année, le procureur Jallow est confronté à la
nécessité de remplir « la seconde partie du mandat » qui concerne les
crimes commis par le FPR en 1994. Le régime flaire le danger et réagit de
façon fort nerveuse à la montée de ces menaces qui, comme nous le verrons,
commencent à générer des effets gênants. A l'intérieur du pays, il poursuit
et intensifie même l'ingénierie sociale, à la fois volontariste et
totalitaire, que j'ai décrite dans l'Annuaire de l'année dernière. Alors
qu'elle s'inscrit dans la logique de la transformation modernisante
contenue dans la « Vision 2020 » du gouvernement, elle constitue également
une mise en coupe des habitants auxquels elle impose de nombreuses
contraintes. Enfin, la lutte contre l'« idéologie génocidaire » à
l'intérieur et à l'extérieur peut paraître légitime, mais elle fait en même
temps partie d'une stratégie visant à sauvegarder le monopole de la vérité
sur le passé, le présent et l'avenir du Rwanda. Le contrôle du discours est
ainsi devenu un important instrument politique.
Le Burundi, quant à lui, est confronté à une gouvernance déficiente, sous
la houlette d'un régime qui tente de museler l'opposition et la presse. Si
cette évolution a pu être observée ailleurs en Afrique, elle est
particulièrement regrettable au Burundi. En effet, le CNDD-FDD avait obtenu
un large mandat populaire en 2005, à l'issue d'élections globalement
honnêtes et transparentes. Le parti dominant aurait dès lors pu gouverner
de façon confiante et décontractée. Or c'est l'inverse qui s'est produit :
le CNDD-FDD s'est replié sur lui-même, et il a développé des pratiques qui
inquiètent à l'extérieur et même à l'intérieur du parti. Nous verrons la
paralysie institutionnelle qui en a été le résultat, de même que les
divisions au sein du parti. Ces pratiques affaiblissent le CNDD-FDD, qui
craint la concurrence des FNL au moment où ce mouvement rebelle intégrerait
éventuellement le système politique. Par conséquent, tout comme certains
autres partis, le CNDD-FDD semble avoir déjà entamé la campagne électorale
en vue des échéances de 2010, ce qui à son tour contribue à l'impasse
politique. En outre, même si la réalisation la plus importante de la
nouvelle constellation burundaise est la pacification ethnique, celle-ci ne
saurait être tenue pour acquise. Enfin, les négociations avec la dernière
rébellion piétinent, menaçant ainsi tant la paix civile que la stabilité
des institutions. 2. GOUVERNANCE ET INSTITUTIONS 2.1. Rwanda
La période étudiée a donné lieu à d'intenses polémiques qui montrent bien
que le contentieux rwandais est loin d'être résolu. A l'intérieur du pays,
la lutte contre l'« idéologie génocidaire » a mobilisé la classe politique
et la presse proche du pouvoir. Le débat s'intensifie lorsque, en décembre
2007, une commission parlementaire constate la persistance de cette
idéologie dans 84 écoles secondaires sur 637 visitées. Avec une précision
typiquement rwandaise, le rapport, long de 468 pages, note que « la moyenne
de l'idéologie du génocide » dans ces établissements est de 58%[2], mais
qu'elle dépasse 80% dans onze écoles, avec une extrême incidence dans deux
d'entre elles. Ces constats reposent sur l'existence de tracts ou de
graffiti anti-tutsi, l'attribution à des enfants assistés par le Fonds
d'assistance aux rescapés du génocide (FARG) d'uniformes différents de ceux
des autres élèves, des menaces et des actes de vandalisme. Dans certains
cas, lorsque des enfants hutu sont insultés[3], la commission estime
cependant qu'il s'agit de « division ethnique », mais pas d'une expression
de l'idéologie du génocide. Le débat à la Chambre des députés est intense,
et les parlementaires demandent des sanctions disciplinaires et pénales à
l'encontre des directions et enseignants concernés, ainsi que la suspension
et la rééducation des élèves impliqués dans ces pratiques[4].
La ministre de l'Education, Jeanne d'Arc Mujawamariya, est vivement prise
à partie, et certains députés suggèrent qu'elle partage elle-même
l'idéologie génocidaire ; une commission de suivi doit continuer
l'enquête[5]. Fin décembre, Mujawamariya suspend une cinquantaine de
directeurs d'école, d'enseignants, d'encadreurs pédagogiques et d'élèves,
et elle se fait menaçante : « Un enseignant véhiculant l'idéologie du
génocide ne doit pas être muté, il doit être immédiatement radié et jeté en
prison en vue de poursuites appropriées »[6]. A la mi-janvier 2008, le
parlement se dit insatisfait des mesures préconisées par la ministre, qui
annonce pourtant l'introduction d'une « fiche de situation » pour chaque
élève et enseignant ; elle accepte également la demande de suppression des
manuels d'apprentissage du kinyarwanda. Mujawamariya et le secrétaire
d'Etat à l'Enseignement primaire et secondaire Joseph Murekeraho se voient
menacés d'une motion de censure[7]. Craignant être accusés de véhiculer
l'idéologie génocidaire, privés de manuels d'histoire et de langue, et
redoutant leur inscription sur la liste noire » du ministère, les
enseignants sont paralysés et certains préfèrent abandonner la profession.
Le climat de tension a des répercussions néfastes sur le fonctionnement des
écoles : « Tout au long de ce trimestre, les enfants et les enseignants
faisaient attention à chacun de leurs gestes ou paroles, de peur qu'ils
soient mal interprétés »[8]. Comme il fallait s'y attendre dans ces
circonstances, des enseignants sont accusés de pratiquer la discrimination
lorsque les cotes ne plaisent pas aux enfants ou à leurs parents. Le
malaise touche également l'université nationale, où les autorités
académiques annulent les élections des représentants des étudiants et
dissolvent leurs comités, invoquant notamment le « divisionnisme ethnique »
et l'«idéologie génocidaire »[9].
Même si elles ne sont pas liées à strictement parler aux débats sur la
situation dans les écoles, deux initiatives sont prises début 2008 dans le
même domaine. Le 8 février, la Chambre vote une loi réprimant l'idéologie
du génocide. Ceux qui la nourrissent seront passibles d'une peine de 10 à
25 ans de prison, peine portée à la perpétuité en cas de récidive. Les
associations et organisations politiques et non-gouvernementales coupables
seront dissoutes et astreintes au paiement d'une amende de cinq millions de
FRw au maximum. La loi ne définit pas l'infraction, et -si l'on sait à quel
point la définition de l'idéologie du génocide proposée par le Sénat
rwandais est large et imprécise[10]- les risques d'une chasse aux sorcières
et d'une exploitation politique paraissent évidents[11]. A la mi-mars 2008,
le gouvernement nomme les membres d'une « Commission nationale de lutte
contre le génocide », prévue par la constitution de 2003 mais jamais mise
en place. Présidée par l'ancien ministre de la Justice et