Les raisons du succès politique d'une politique en échec - Hal-SHS

6 oct. 2008 ... 12- CLOTURE de l'EXERCICE 2007 ? Mise en conformité du ... Vente par OISE
HABITAT des 10 logements de la résidence aux locataires ...... et de paysager les
aires de stationnement avec des sujets végétaux et des fosses ...

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|ANRU : MISSION ACCOMPLIE ? | |
|Renaud Epstein | |
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|[in Jacques Donzelot (dir.) (2012) A quoi sert la | |
|rénovation urbaine ?, Paris : PUF] | |
Le 1er mai 2003, Georges W. Bush se posait sur le porte-avions USS Abraham
Lincoln pour y proclamer, sous la bannière « Mission accomplie » et devant
une armée de caméras, la victoire des troupes américaines en Irak. Trois
mois plus tard, les parlementaires français votaient la loi d'orientation
et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine (dite loi
Borloo), structurée autour d'un objectif de réduction des inégalités
sociales et des écarts de développement entre les territoires. A cette fin,
un Programme national de rénovation urbaine (PNRU) devait permettre « le
rétablissement des conditions d'habitat décent dans les quartiers
prioritaires de la politique de la ville, leur désenclavement et le
développement des activités et des services », présenté dans l'exposé des
motifs de la loi comme « une étape essentielle pour la sortie de ces
territoires de la spirale de l'exclusion économique et sociale ». Depuis ce
jour, les responsables politiques français ont offert un spectacle
comparable à celui proposé par l'ancien président américain, célébrant sans
relâche et contre toute évidence le succès de la rénovation urbaine. Pas
plus que les rapports annuels de l'ONZUS, qui établissent année après année
l'accroissement des écarts territoriaux que la loi Borloo prétendait
réduire, les émeutes qui ont embrasé les quartiers rénovés ou en cours de
rénovation ne semblent être parvenues à faire douter les maires rénovateurs
et les journalistes de la pertinence et de l'efficacité du PNRU. Au
contraire, le constat d'échec de la politique de la ville qui a servi de
justification à la réforme radicale opérée en 2003 a été régulièrement
réaffirmé, accompagné d'une célébration continue de la rénovation urbaine,
alors même que la première tendait à se réduire à la seconde. Contrairement à ce qu'affirment les responsables de l'Agence Nationale pour
la Rénovation Urbaine (ANRU), dirigeants du monde HLM, élus locaux,
urbanistes et autres laudateurs du PNRU lorsqu'ils sont confrontés à des
recherches et études qui remettent en cause leurs discours, il n'est pas
prématuré de formuler un jugement sur un programme qui devait initialement
s'achever en 2008 et dont l'Acte II est déjà annoncé à défaut d'être
financé. Mais nous n'avons pas ici pour objectif d'établir un bilan
raisonné du « plus grand programme civil de l'histoire française », suivant
l'expression de Jean-Louis Borloo. Si la présente contribution s'inscrit
bien dans une perspective évaluative, c'est en ce qu'elle vise à ouvrir une
discussion sur un programme jusqu'à présent indiscutable, du moins dans la
sphère politico-administrative, dont les réalisations sont si visibles
qu'elles semblent aveugler les observateurs en occultant la faiblesse des
résultats obtenus. Il s'agit donc moins ici d'évaluer le PNRU que de
s'interroger sur les raisons du succès politique d'un programme en échec,
lesdites raisons étant en grande partie les causes de cet échec.
« Un succès incontestable » Avant d'examiner sa mise en ?uvre, un bref retour sur les conditions de la
mise en place du PNRU s'impose. Lorsqu'il entre dans le gouvernement
Raffarin en mai 2002, comme ministre délégué à la Ville et à la Rénovation
urbaine, Jean-Louis Borloo trouve sur son bureau un rapport de la Cour des
Comptes sur la politique de la ville. Reprenant les critiques qu'ils
avaient déjà formulées dans un rapport de 1995, les magistrats financiers y
dénonçaient l'imprécision et l'instabilité des objectifs poursuivis, la
complexité des procédures partenariales et des montages financiers, le
saupoudrage des crédits, l'absence d'évaluation et -non sans contradiction
avec le point précédent- la faible efficacité et l'absence d'impact de la
politique de la ville. Autant de critiques anciennes que Jean-Louis Borloo
avait fait siennes dans un livre-programme publié pendant la campagne
présidentielle de 2002[1], dans lequel il prenait appui sur son expérience
valenciennoise pour dénoncer les blocages administratifs qui entravaient
l'action des maires engagés dans des Grands Projets de Ville (GPV) et des
Opérations de Renouvellement Urbain (ORU). Le rapport de la Cour des
comptes ne se réduisait cependant pas à ces critiques. Il les prolongeait
par une série de préconisations, qui dessinaient un cahier des charges pour
une réforme d'ampleur de la politique de la ville : clarification et
quantification des objectifs ; déclinaison de ces objectifs dans des
indicateurs de résultats ; identification plus précise des programmes
étatiques y contribuant, ainsi que des ressources budgétaires et extra-
budgétaires qui leur sont consacrés ; amélioration des systèmes de suivi
budgétaire et d'observation statistique des quartiers. Autant de demandes
que la Cour avait déjà été formulées en 1995, mais qui se sont muées en
impératif sept ans plus tard, dans le contexte de l'entrée en application
de la Loi Organique relative aux Lois de Finances (LOLF) qui obligeait
l'exécutif à décomposer toutes les politiques de l'Etat en programmes,
assortis d'objectifs précis et d'indicateurs de performance. La loi du 1er aout 2003 ne découle pas directement de la loi organique,
mais cette dernière a pesé dans l'élaboration de la première, qui a été
façonnée de telle manière qu'elle se conforme, par anticipation, aux
exigences de la « nouvelle constitution financière » de l'Etat français. La
loi Borloo a en effet mis fin à l'indéfinition nationale des objectifs
d'une politique de la ville dont les cibles, les finalités et les actions
étaient jusqu'alors déterminés localement, oscillant entre des stratégies
de remise à la norme de quartiers définis par leurs handicaps, de
valorisation des ressources des quartiers populaires et de réforme des
politiques publiques à l'origine des mécanismes d'exclusion dont ces
quartiers sont les symptômes[2]. Pour la période 2003-2008, la loi a
assigné à la politique de la ville un objectif univoque de réduction des
inégalités sociales et des écarts de développement entre les territoires
(en l'occurrence, entre les 751 ZUS et leur environnement), décliné dans
une batterie d'indicateurs suivis par un observatoire national. L'opération
de clarification s'est prolongée des objectifs aux moyens : la loi Borloo a
tourné le dos à l'approche transversale et remontante de la politique de la
ville, qui s'incarnait depuis le début des années 1980 dans un couple
instrumental projet territorial/contrat global au travers duquel devait
s'opérer la territorialisation des politiques de toutes les institutions
signataires, pour privilégier la déclinaison locale de deux programmes
sectoriels nationaux -le PNRU et les Zones Franches Urbaines-, dont la mise
en ?uvre ne dépend plus des contributions de plusieurs ministères, mais
s'appuie sur des lignes parfaitement identifiées dans le budget de l'Etat.
Les options organisationnelles retenues pour le PNRU témoignent de ce souci
de conformation anticipée à « l'esprit de la LOLF », avec la création d'une
agence autonome responsable de la mise en ?uvre du PNRU, bénéficiant d'une
liberté managériale quasi-totale dans l'utilisation des ressources
consacrées à ce programme par l'Etat, le 1% logement et la Caisse des
Dépôts et Consignations. En même temps qu'elle a orienté d'importants moyens vers ces deux
programmes qui visent à transformer les grands ensembles (banalisation
urbaine par la démolition-reconstruction, diversification fonctionnelle par
l'exemption fiscale), la loi Borloo a amorcé un désengagement étatique des
contrats de ville dont les actions bénéficiaient aux habitants des
quartiers prioritaires, pour les renvoyer vers les politiques de droit
commun ou les laisser à la seule initiative des collectivités locales. S'il
n'est pas parvenu à obtenir les crédits nécessaires pour solder par
anticipation les engagements financiers de l'Etat dans les contrats de
ville 2000-2006, comme il l'avait initialement envisagé, le ministre
délégué à la ville a clairement fait comprendre aux acteurs de la politique
de la ville que ces contrats seraient les derniers du genre[3]. A défaut
d'être dénoncés, ceux-ci ont été passés sous silence dans la loi du 1er
août 2003 et les budgets de l'Etat qui transitaient par ces contrats ont
rapidement décru sous l'effet de la remontée des crédits d'investissement
vers les caisses de l'ANRU et des régulations budgétaires qui ont touché
leurs crédits de fonctionnement. Des raisons multiples expliquent la priorité ainsi donnée au levier urbain
pour résoudre les problèmes sociaux des quartiers prioritaires. Ce choix
tient d'abord à l'expérience valenciennoise du ministre, qui s'était appuyé
avec succès sur un Grand Projet de Ville (GPV) et une ZFU pour réaménager
et attirer des entreprises dans sa ville[4]. Il s'explique aussi par des
raisons partisanes, l'option urbaine permettant à la fois d'obtenir le
soutien d'une majorité parlementaire de droite qui n'a jamais été avare de
critiques vis-à-vis du volet social de la politique de la ville, et de
neutraliser l'opposition de gauche en inscrivant le PNRU dans le
prolongement du programme