La leçon de Jacques Cartier à Québec - La Bibliothèque ...

Et le tremplin d'où s'élance, d'où doit monter notre effort vers l'avenir, c'est la vertu
...... être chez nous des milieux où se corrige, se rectifie, le langage des enfants.
... faire sans des exercices précis qui apprennent à l'élève à ouvrir la bouche, ...
ne pouvait s'abstraire de préoccupations économiques légitimes et renoncer à ...

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Mgr Camille Roy Pour conserver notre héritage français
[pic] BeQ
Mgr Camille Roy (1870-1943) Pour conserver notre héritage français La Bibliothèque électronique du Québec
Collection Littérature québécoise
Volume 163 : version 1.0
Ordonné prêtre, Camille Roy poursuit ses études à Paris, puis enseigne
la philosophie et la littérature au Séminaire de Québec, et à l'Université
Laval, dont il sera recteur pendant plusieurs années. Il a écrit de
nombreux livres, notamment de critique littéraire. En 1925, il est couronné
par l'Académie française pour l'ensemble de son ?uvre. On a dit souvent que
son approche était trop complaisante, mais il a le mérite d'avoir aimé
cette littérature et d'être à l'origine du discours critique au Québec.
Pour conserver notre héritage français Édition de référence : Éditions Beauchemin, Montréal, 1937.
Pour notre héritage de vie française
Nos raisons canadiennes de rester français
La survivance de la race française au Canada britannique est un
phénomène qui ne cesse de provoquer à l'étranger, et surtout en France, une
sympathique curiosité. On peut, même au pays de nos ancêtres, du moins en certains milieux
moins informés des choses du Canada, ne pas se rendre un compte exact de ce
fait historique. Depuis si longtemps, depuis 1760, le Canada est séparé de
la France et développe sous une allégeance britannique ses institutions et
sa fortune. Ce n'est pas seulement l'océan qui nous en sépare, c'est toute
une histoire longue de près de deux siècles, c'est une suite d'événements
où notre vie s'est trouvée mêlée à d'autres vies que la française, et où
des influences de toutes sortes ont nécessairement modifié le type premier
du Canadien-Français, auraient pu même le détruire. Cependant, nous sommes encore Français, par le sang, par l'esprit, par
toutes nos ambitions les plus hautes, et nous voulons rester demain ce que
nous sommes aujourd'hui. Et ce sont justement nos raisons canadiennes de
vouloir rester Français que je voudrais ici rappeler.
* * *
Mais, auparavant, donnons quelques précisions sur notre situation comme
race française au Canada. Sur une population de 10,376,786[1], qui est la population totale du
Canada, nous sommes près de 3,000,000, exactement 2,927,990, d'origine
française. Sur ces 2,927,990, 2,270,059 habitent la province de Québec ;
près de 300,000, exactement 299,732, sont dans la province de l'Ontario ;
204,590 dans les provinces acadiennes du Nouveau-Brunswick et de la
Nouvelle-Écosse ; 151,609 dans les provinces de l'Ouest, Manitoba,
Saskatchewan, Alberta, Colombie, Territoires du Nord-Ouest. Le Canada comprend neuf provinces confédérées, qui ont chacune leur
gouvernement distinct avec Chambre des députés, gouvernement qui a
juridiction sur tous les intérêts locaux et en particulier sur l'éducation.
Au-dessus de ces gouvernements provinciaux, il y a le gouvernement central
ou fédéral d'Ottawa, qui, lui, a juridiction sur les intérêts généraux et
sur les services publics d'ordre national, comme la milice, les chemins de
fer, les postes, les douanes, la politique étrangère. De toutes les provinces, celle de Québec est la plus ancienne ; c'est
celle-là que la France a colonisée. Elle est grande comme trois fois la
France. Elle compte 2,270,059 habitants de langue française, sur une
population totale de 2,874,255. Nous y sommes l'immense majorité. C'est
d'elle que sont sortis, comme du foyer surabondant de la race, les groupes
français qui se sont répandus dans les autres provinces, sauf les groupes
acadiens qui, eux, furent originairement formés par la France. Quelle est maintenant, vis-à-vis du groupe français survivant,
l'attitude du groupe anglais ? Affirmons tout de suite qu'il y a entente cordiale, officielle et
habituelle, entre ces deux groupes. S'il y eut, après la conquête anglaise,
bien des heurts, bien des conflits pénibles, et si parfois encore il y a,
de la part de certains éléments assimilateurs, des sursauts d'intolérance,
les Anglais bien pensants acceptent aujourd'hui le fait français comme un
fait inévitable, et ils essayent de créer une atmosphère de plus en plus
favorable de tolérance mutuelle. D'autre part, dans la vie sociale canadienne, les groupes anglais et
français restent assez étrangers l'un à l'autre, la différence des langues
et des tempéraments élevant entre eux une barrière toute naturelle,
difficile à franchir. Notre province française apparaît nécessairement à
beaucoup d'Anglais comme un territoire d'exception, comme un pays, non pas
étranger, mais peu facile à fréquenter à cause de la langue de ses
habitants. Les Canadiens-Français instruits, ceux des classes dirigeantes,
ont sur leurs compatriotes anglais l'avantage inappréciable de pouvoir, en
général, parler les deux langues. Pourquoi faut-il ajouter qu'un certain nombre de Canadiens-Anglais,
loyalistes exagérés, et plus anglais que le roi, plus bruyants que
nombreux, considèrent notre province de Québec comme un contresens
ethnique, un contresens qui va à l'encontre de nos obligations envers la
patrie commune ? Chaque nation tend naturellement vers l'unité totale de ses éléments :
unité matérielle du territoire, unité politique et économique, unité morale
et spirituelle, unité religieuse, unité de langue, et, si possible, par le
mélange des sangs, unité de race. Une telle unité, difficile à réaliser chez les peuples anciens comme les
Européens, pose des problèmes plus compliqués encore dans les pays neufs
comme nos pays d'Amérique, comme celui du Canada en particulier. Il y a, en Amérique, tant d'éléments nouveaux, tant d'apports étrangers,
et incessants, qu'il faudrait mélanger et assimiler. Sans doute, il y a le Melting Pot américain, le creuset de fusionnement
qui fonctionne activement aux États-Unis. Mais chez nous, au Canada, si
nous voulons bien jeter dans le creuset tous les immigrants nouveaux, tous
les groupes épars et déracinés qui nous arrivent des vieux continents, du
centre de l'Europe surtout, et si un fusionnement réel se fait en
définitive et au profit de la majorité anglaise, il n'en reste pas moins
que nous, Canadiens-Français, nous croyons bien n'être pas voués à cette
trituration commune ; nous ne sommes pas entrés dans le malaxeur ; nous
gardons notre individualité ethnique, surtout dans notre province française
de Québec ; et c'est cette individualité persistante que plus d'un, trop
ignorant de nos origines, estime être un obstacle à l'unité nationale. Songez donc ! Quand tout un groupe d'origine britannique s'obstine à
définir le patriotisme canadien par cette formule brève et impérieuse :
« Un pays, une langue, une religion, un drapeau », nous nous obstinons,
nous Canadiens d'origine française, à n'accepter qu'une moitié de la
formule, nous continuons à parler le français, à pratiquer notre religion
catholique romaine, et nous réclamons au besoin toute notre place dans la
vie canadienne. Il y a quelques semaines encore (janvier 1933), par une campagne de
presse, de discours et de requêtes, nous réclamions du gouvernement fédéral
d'Ottawa une plus juste proportion dans les nominations au haut
fonctionnarisme. Il y a quarante ans, et depuis quarante ans, à l'occasion
de l'ostracisme du français dans les écoles du Manitoba, et dans les écoles
d'autres provinces de majorité anglaise, celles de l'Ouest et de l'Ontario,
à l'occasion de cette violation des droits scolaires du français, nous
avons soutenu des luttes pénibles qui ont fait se heurter, se combattre des
concitoyens qui devaient s'entendre. Nous luttons encore actuellement pour
le bilinguisme complet dans tous les services fédéraux ; il existe déjà en
grande mesure ; il n'est pas encore complet. Il y a quelques années, nous y
avons gagné le timbre postal bilingue ; nous pressons maintenant Ottawa de
nous donner la monnaie bilingue. Nous estimons que ce bilinguisme complet
dans les services publics fédéraux n'est que la conséquence légitime du
fait que la constitution canadienne de la Confédération décréta, en 1867,
que la langue française est au Canada, et au même titre que la langue
anglaise, une langue officielle de la nation. Il a fallu, il faut encore du temps pour faire passer dans les faits,
dans toute la vie publique fédérale, cette reconnaissance officielle de la
langue française. Nous y mettrons tout le temps qu'il faudra, aidés,
d'ailleurs, de plus en plus, par des concitoyens anglais, par toute une
élite de langue anglaise, élite politique, universitaire, sociale, qui voit
une harmonie plutôt qu'une difformité dans la c?xistence, au Canada, de
deux langues, de deux races, de deux cultures, de deux civilisations. Cette élite comprend mieux cette harmonie quand elle étudie davantage la
vie sociale, intellectuelle, politique de notre province française de
Québec. Nous y donnons le spectacle du plus large fair play britannique, en
ne privant la minorité anglaise d'aucun de ses droits scolaires et
religieux, et en lui faisant plus que sa part dans la distribution des
deniers, des emplois et de