RFDA RFDA 2016 p.927 Le délai raisonnable de recours contre une ...

Le dispositif expérimental « 6e bilangue » est proposé dans 196 collèges (soit
dans tous les collèges de Moselle et de Meuse et dans plus de 1 collège sur 2
..... quelle partie sera consacrée au cours (bilans lexicaux, grammaticaux,
fonctionnels, méthodologiques ?) ? Aux exercices ? On pourra consacrer une
séance à ...

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RFDA |RFDA 2016 p.927 |
|Le délai raisonnable de recours contre une décision individuelle |
|irrégulièrement notifiée |
|Conclusions sur Conseil d'État, assemblée, 13 juillet 2016, M. Czabaj, n° |
|387763 |
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|Olivier Henrard, Maître des requêtes au Conseil d'État, rapporteur public |
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|Le destinataire d'une décision administrative individuelle, qui a eu |
|connaissance de celle-ci bien qu'elle ne lui ait pas été notifiée avec la |
|mention des délais et des voies de recours, doit-il pouvoir en contester |
|indéfiniment la légalité devant le juge administratif ? |
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|La question que pose la présente affaire vous conduira à faire franchir une|
|nouvelle étape à la dialectique qui oppose le principe de légalité et |
|l'exigence de stabilité des situations juridiques. |
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|*** |
|I. - Il est difficile d'imaginer, pour illustrer la dialectique en |
|question, meilleur cas de figure que celui qui donne lieu au présent |
|pourvoi en cassation. |
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|Le requérant, ancien brigadier de police, aujourd'hui âgé de 80 ans, s'est |
|vu concéder une pension de retraite en 1991. Vingt-trois années devaient |
|s'écouler avant qu'il ne décide, en 2014, de saisir le tribunal |
|administratif de Lille d'un recours dirigé contre l'arrêté de concession de|
|sa pension. Il souhaite en effet obtenir une bonification d'ancienneté d'un|
|an au titre de chacun de ses enfants, c'est-à-dire le bénéfice de la règle |
|énoncée par la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) en 2001, |
|puis par le Conseil d'État en 2002, dans la désormais fameuse affaire |
|Griesmar [pic](1). Le tribunal a rejeté cette demande comme manifestement |
|tardive. |
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|Vous ferez droit au moyen de cassation, tiré de la dénaturation des pièces |
|du dossier. En effet, le juge a relevé que l'arrêté de pension mentionnait |
|les voies et délais de recours et considéré que le délai de deux mois était|
|opposable à l'intéressé. En réalité, la notification mentionnait bien |
|l'existence d'un recours juridictionnel et le délai de deux mois pour |
|l'exercer, mais pas l'ordre de juridiction ni a fortiori le tribunal |
|compétent. |
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|Après cassation, vous réglerez l'affaire au fond et examinerez la fin de |
|non-recevoir soulevée par le ministre, tirée du caractère tardif de la |
|requête. |
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|II. - Le délai du recours contentieux est l'un des points névralgiques où |
|s'équilibrent le principe de légalité et la stabilité des situations |
|juridiques. |
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|Comme l'écrit le président Odent : « L'existence d'un délai de recours |
|correspond à une double idée ; d'une part, il faut laisser aux justiciables|
|un laps de temps qui leur permette (...) de réfléchir, de se renseigner, de|
|se faire une opinion sérieuse sur la valeur juridique de cette décision et |
|sur les chances qu'ils peuvent avoir d'en obtenir la réformation ou |
|l'annulation. (...) Mais d'autre part, l'intérêt général exige que la |
|stabilité des situations administratives ne puisse être discutée que |
|pendant un bref délai : le fonctionnement normal des services publics |
|risquerait d'être entravé si les menaces d'annulation pesaient trop |
|longtemps sur l'administration »[pic](2). |
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|Le délai de recours est à l'origine une construction largement prétorienne.|
|En effet, le décret du 2 novembre 1864 relatif à la procédure en matière |
|contentieuse n'ayant rien prévu à ce sujet, c'est le Conseil d'État qui |
|décida d'appliquer au recours pour excès de pouvoir le délai de trois mois |
|prévu à l'article 11 du décret du 22 juillet 1806 dont le champ était |
|beaucoup plus restreint[pic](3) - il s'agissait déjà d'un recours contre un|
|arrêté de liquidation d'une pension. |
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|C'est également le Conseil d'État qui décida d'appliquer le même délai à la|
|formation du recours administratif, à l'occasion d'une affaire relative à |
|un arrêté d'alignement contesté devant le préfet quarante-huit ans après |
|son exécution[pic](4). |
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|À la même époque, avec l'avènement de la IIIe République, le Conseil d'État|
|commença à opposer systématiquement la fin de non-recevoir tirée de la |
|forclusion du délai de recours. Il s'en était abstenu jusqu'à la fin du |
|Second Empire, au nom d'une conception moins juridictionnelle du recours |
|pour excès de pouvoir qui avait alors « pour raison d'être, un intérêt |
|politique de premier ordre, la nécessité pour le chef du gouvernement de |
|connaître et de corriger immédiatement les excès de pouvoirs »[pic](5). |
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|Le délai de droit commun allait être ramené à deux mois par l'article 24 de|
|la loi de finances du 13 avril 1900 et sa durée est restée inchangée depuis|
|lors. |
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|III. - Le pendule du droit positif repartait assez vivement en direction du|
|pôle opposé, celui de la légalité, avec le décret du 28 novembre 1983 |
|concernant les relations entre l'administration et les usagers[pic](6), |
|venu compléter le décret du 11 janvier 1965 relatif aux délais de recours |
|contentieux[pic](7). Le pouvoir réglementaire décidait de sanctionner le |
|défaut d'information des administrés sur les modalités d'exercice du |
|recours contentieux. |
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|1° Au sujet des décisions explicites, l'article 9 prévoyait que « Les |
|délais de recours ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été |
|mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la |
|décision ». |
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|Cette règle, ensuite codifiée à l'article R. 104 du code des tribunaux |
|administratifs et des cours administratives d'appel, puis à l'article R. |
|421-5 du code de justice administrative (CJA), est entrée en vigueur le 4 |
|juin 1984. Sa portée dans le temps, aujourd'hui illimitée, sera tout |
|l'objet de notre débat. |
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|2° Au sujet des décisions implicites, l'article 5 du décret de 1983 |
|prévoyait une sanction de même nature : « Les délais opposables à l'auteur |
|d'une demande adressée à l'administration courent de la date de la |
|transmission, à l'auteur de cette demande, d'un accusé de réception |
|mentionnant :/ (...) 3° S'il y a lieu, les délais et les voies de recours |
|contre la décision implicite de rejet./ Les délais visés au premier alinéa |
|du présent article ne courent pas lorsque les indications que doit contenir|
|l'accusé de réception sont incomplètes ou erronées et que l'intéressé se |
|trouve de ce fait empêché de faire valoir ses droits ». |
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|La substance de ce dernier texte a été reprise à l'article 19 de la loi du |
|12 avril 2000[pic](8), que l'article 18 de la même loi rend applicable aux |
|décisions prises à la suite d'un recours gracieux ou hiérarchique. Ce |
|dispositif est désormais codifié aux articles L. 110-1, L. 112-3, L. 112-6 |
|et R. 112-5 du code des relations entre le public et l'administration. |
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|IV. - En sanctionnant le défaut d'information sur les modalités d'exercice |
|du recours par l'inopposabilité de son délai de forclusion, le décret de |
|1983 n'a pas totalement innové. |
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|En fait, le pouvoir réglementaire a étendu au délai de droit commun un |
|mécanisme imaginé à l'article 7 de la loi du 7 juin 1956[pic](9) au sujet |
|des délais de recours spéciaux dont la durée était inférieure à deux mois. |
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|La san