I. L'échange est le fondement de la société - Cours de philosophie

Valeur d'usage et valeur d'échange (Aristote, Smith, Marx). 2. ... Platon pensait
ainsi que l'échange est la première raison d'être de toute société : ...
Remarquons bien que cette division fondamentale du travail n'est pas celle dont
parlera ... La communauté se caractérise par des relations étroites entre les
individus, un lien ...

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La société et les échanges
Introduction 1 I. L'échange est le fondement de la société 2 A. L'échange permet de satisfaire les besoins individuels (Platon) 2 B. Communauté et société (Durkheim) 3 C. L'économie est imbriquée dans la société (Polanyi) 4 II. Les limites de l'échange 5 A. Le don (Mauss) 5
1. Don et contre-don 5
2. Le potlatch (le pouvoir de donner) 5 B. Les types d'échanges 6
1. Les biens, les femmes et les mots (Clastres) 6
2. Mariage et échange (Lévi-Strauss, De Singly) 6
3. Les quatre types de capitaux (Bourdieu) 7
4. L'extension du domaine de l'échange (Houellebecq) 7 C. Le concept d'échange 8
1. Donner pour recevoir 8
2. L'échange oblige 8
3. Peut-on tout échanger ? 8 III. Echange, valeur et justice 9 A. Les théories de la valeur 9
1. Valeur d'usage et valeur d'échange (Aristote, Smith, Marx) 9
2. La théorie de la valeur travail (Smith, Ricardo, Marx) 9
3. La loi de l'offre et de la demande 10 B. A qui profite l'échange ? 10
1. L'idée d'un profit asymétrique (Aristote) 10
2. L'échange profite aux deux contractants (Smith) 11
3. Critique : nécessité de prendre en compte les conditions de l'échange
11 C. Echange et aliénation : le fétichisme de la marchandise (Marx) 11
1. L'échange est déséquilibré 11
2. Le fétichisme de la marchandise 12 Conclusion 12 Annexe 12 Quelques idées supplémentaires 12
Le droit de propriété (Locke) 12
L'échange et la paix 13
L'échange et la propriété privée sont à l'origine de l'inégalité 13
L'échange est la condition de la survie 13
La loi de Gresham 14
Références et exemples 14 Sujets de dissertation 14
Introduction
Nous avons conclu le cours sur autrui par l'ambivalence du rapport à
autrui. D'un côté, autrui m'est nécessaire ou en tout cas extrêmement utile
pour satisfaire mes besoins, grâce au gain d'efficacité que constitue la
division du travail et l'échange : d'où le marché, et plus généralement la
dimension économique de toute société. D'un autre côté, la coexistence avec
autrui ne va pas sans difficultés en tous genres, notamment à cause de la
rivalité pour les richesses ou le pouvoir : d'où les conflits et la
nécessité d'institutions - étatiques ou autres - afin de les réguler et
peut-être d'établir une justice, ou au moins une loi commune.
L'échange et l'Etat seront les deux angles sous lesquels nous aborderons
le concept extrêmement riche de société. Ce premier cours sera donc centré
sur les rapports entre la société et les échanges. Nous verrons d'abord en
quoi l'échange est la condition de l'existence humaine et de toute société.
La prise en compte de types d'échanges extrêmement divers nous amènera à
nous demander si tout acte social ne constitue pas, au fond, une forme
d'échange. Enfin, nous étudierons l'échange du point de vue de la valeur et
de la justice, afin de déterminer les conditions d'un échange équitable.
I. L'échange est le fondement de la société
A. L'échange permet de satisfaire les besoins individuels (Platon)
L'échange est le fondement de la société car il permet de satisfaire les
besoins individuels. L'homme ne peut survivre isolément, car seul il serait
incapable de satisfaire ses besoins vitaux. En s'associant à d'autres,
l'homme parvient à satisfaire ses besoins grâce à la division du travail et
à l'échange. On peut donc dire que la société est la condition de
l'existence individuelle, grâce aux échanges qu'elle permet. Il semble donc
que l'essence de la société, c'est-à-dire ce qu'il y a de plus nécessaire
et fondamental dans toute société, ce soit l'échange. Platon pensait ainsi
que l'échange est la première raison d'être de toute société : Ce qui donne naissance à une cité, c'est, je crois, l'impuissance où
se trouve chaque individu de se suffire à lui-même, et le besoin qu'il
éprouve d'une foule de choses ; ou bien penses-tu qu'il y ait quelque
autre cause à l'origine d'une cité ?
- Aucune, répondit-il.
- Ainsi donc, une homme prend avec lui un autre homme pour tel emploi,
un autre encore pour tel autre emploi, et la multiplicité des besoins
assemble en une même résidence un grand nombre d'associés et
d'auxiliaires ; à cet établissement commun nous avons donné le nom de
cité, n'est-ce pas ?
- Parfaitement.
- Mais quand un homme donne et reçoit, il agit dans la pensée que
l'échange se fait à son avantage.
- Sans doute.
- Eh bien donc ! repris-je, jetons par la pensée les fondements d'une
cité ; ces fondements seront, apparemment, nos besoins.
- Sans contredit.
- Le premier et le plus important de tous est celui de la nourriture,
d'où dépend la conservation de notre être et de notre vie.
- Assurément.
- Le second est celui du logement ; le troisième celui du vêtement et
de tout ce qui s'y rapporte.
- C'est cela.
- Mais voyons ! dis-je, comment une cité suffira-t-elle à fournir tant
de choses ? Ne faudra-t-il pas que l'un soit agriculteur, l'autre
maçon, l'autre tisserand ? Ajouterons-nous encore un cordonnier ou
quelque autre artisan pour les besoins du corps ?
- Certainement.
- Donc, dans sa plus stricte nécessité, la cité sera composée de
quatre ou cinq hommes.
Platon, République, livre II, 369b-370a Remarquons bien que cette division fondamentale du travail n'est pas
celle dont parlera Adam Smith au XVIIIe siècle. Ici il s'agit de la
division « primitive » du travail, c'est-à-dire que le travail nécessaire à
la survie des individus est divisé en plusieurs métiers. La division du
travail dont on commencera à parler à la fin du XVIIIe siècle est une
division du travail plus poussée, qui se produit au sein de chaque métier
particulier grâce à la mécanisation[1]. (Par exemple, dans une usine
fabriquant des épingles, il s'agit de diviser le processus de fabrication
en tâches élémentaires, chacune étant réalisée par un seul homme, voire par
une machine.)
Deuxième remarque : si l'échange est la condition de toute association,
pour les Grecs il ne saurait suffire à constituer une cité. Aristote,
notamment, exprime l'idée qu'une cité ne consiste pas seulement en
relations marchandes entre des individus : elle vise avant tout à accomplir
de « belles actions », c'est-à-dire qu'elle vise un idéal plus élevé que la
simple survie matérielle[2]. Nous serions peut-être sceptiques,
aujourd'hui, envers cette idée que la cité vise aux « belles actions »,
mais nous reconnaîtrions tout de même que la mondialisation ne suffit pas à
créer une société unique : il existe une différence entre la France et
l'Angleterre, même si ces pays ont des relations commerciales intenses. Les
échanges économiques ne suffisent pas à constituer une société, il faut
leur ajouter toute une dimension culturelle, symbolique et politique. B. Communauté et société (Durkheim)
Les sociologues distinguent classiquement communauté et société. Le
fondateur de la sociologie française, Emile Durkheim, a repris cette
distinction du sociologue allemand Tönnies. La communauté se caractérise
par des relations étroites entre les individus, un lien social fort, et une
division du travail limitée. Dans la société, par opposition, les relations
sociales sont plus distendues, le lien social est moins fort. En réalité,
il est d'une nature différente : la communauté est caractérisée par une
solidarité[3] mécanique : le lien social existe tout simplement parce que
les membres de la communauté, vivant à proximité les uns des autres, se
ressemblent. C'est le cas du village traditionnel, qu'il soit africain,
européen ou autre. La société est caractérisée au contraire par une
solidarité organique : la cohésion résulte de la différenciation, comme
pour les organes d'un être vivant. Bref, dans la communauté les individus
sont liés parce qu'ils sont semblables, dans la société ils sont liés parce
qu'ils sont différents. On parle aussi de société segmentaire pour la
communauté. Un segment est un groupe social où l'individu est étroitement
intégré ; c'est un groupe relativement isolé des autres, ayant peu de
communication avec le dehors.
La vie sociale dérive d'un double source, la similitude des
consciences et la division du travail social. (...) Parce que
l'individu ne se suffit pas, c'est de la société qu'il reçoit tout ce
qui lui est nécessaire, comme c'est pour elle qu'il travaille. Ainsi
se forme un sentiment très fort de l'état de dépendance où il se
trouve : il s'habitue à s'estimer à sa juste valeur, c'est-à-dire à se
regarder comme la partie d'un tout, l'organe d'un organisme. De tels
sentiments sont de nature à inspirer non seulement ces sacrifices
journaliers qui assurent le développement régulier de la vie sociale
quotidienne, mais encore, à l'occasion, des actes de renoncement
complet et d'abnégation sans partage. De son côté la société apprend à
regarder les membres qui la composent, non plus comme des choses sur
lesquelles elle a des droits, mais comme des coopérateurs dont elle ne
peut se passer et vis-à-vis desquels elle a des devoirs.
Emile Durkheim, De la Division du travail social, 1893
La question qui se pose est de savoir comment on a pu passer de la
communauté à la société, qu'es