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Daniel MORNET
LA PENSÉE FRANÇAISE
AU XVIIIe SIÈCLE
Un document produit en version numérique par Pierre Palpant, bénévole,
Courriel : ppalpant@uqac.ca
Dans le cadre de la collection : " Les classiques des sciences sociales "
fondée et dirigée par Jean-Marie Tremblay,
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi
Site web : http://classiques.uqac.ca/
Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque
Paul -Émile Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi
Site web : http://bibliotheque.uqac.ca/
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Un document produit en version numérique par Pierre Palpant, collaborateur
bénévole,
Courriel : ppalpant@uqac.ca
à partir de :
LA PENSÉE FRANÇAISE AU XVIIIe SIÈCLE
par Daniel MORNET (1878-1954),
professeur à la Sorbonne.
Collection A. COLIN, n° 81, de la
Librairie Armand Colin, Paris, 1926, 220 pages.
Polices de caractères utilisée : Verdana 12 et 10 points.
Mise en page sur papier format LETTRE (US letter), 8.5 x 11''
[note : un clic sur en tête de volume et des chapitres et en fin
d'ouvrage, permet de rejoindre la table des matières]
Édition complétée le 1er décembre 2006 à Chicoutimi, Québec.
T A B L E D E S M A T I È R E S
Avertissement
PREMIÈRE PARTIE
Les survivances de l'esprit classique.
CHAPITRE PREMIER. - Les doctrines littéraires.
L'instruction des collèges. - Les « grands genres » poétiques. - Le
roman d'analyse.
CHAPITRE II. - L'esprit mondain.
La vie mondaine. - Les conséquences. - Les bienséances. - La réaction.
DEUXIÈME PARTIE
Le prolongement et les transformations
du rationalisme classique.
CHAPITRE PREMIER. - Les origines.
CHAPITRE II. - L'optimisme rationaliste et ses conséquences.
Les principes généraux. - Les conséquences. - La morale naturelle ou
laïque. - La politique rationnelle. - La méthode psychologique et la
méthode naturiste. - Les conséquences des deux méthodes.
TROISIÈME PARTIE
L'esprit nouveau. L'observation et l'expérience.
CHAPITRE PREMIER. - Le sentiment de la diversité et de la complexité
humaines.
La géographie et l'histoire. - La littérature.
CHAPITRE II. - Les sciences expérimentales.
Les adversaires de la science expérimentale. - L'organisation de la
science expérimentale. - La diffusion et l'influence de la science.
CHAPITRE III. - L'esprit positif, les faits et les leçons de faits.
La philosophie sensualiste. - L'histoire. La littérature. -
L'instruction. - La politique réaliste.
QUATRIÈME PARTIE
La philosophie et la littérature du sentiment.
CHAPITRE PREMIER. - La philosophie.
Les origines. - Jean-Jacques Rousseau. - L'influence de la doctrine.
CHAPITRE II. - La littérature et la morale du sentiment. La vie.
Rousseau et les délices du sentiment. - Le fatal présent du ciel. - Les
délices de la vertu. - Le mouvement général de la littérature.
CHAPITRE III. - Les idées sociales de la vie.
CINQUIÈME PARTIE
La diffusion de l'esprit nouveau.
CHAPITRE PREMIER. - Les résistances de l'opinion.
CHAPITRE II. - La lutte contre l'autorité.
CHAPITRE III. - La diffusion de la haute instruction.
CHAPITRE IV. - L'influence générale de la philosophie.
CHAPITRE V. - Les progrès de l'esprit critique et de l'incrédulité.
CHAPITRE VI. - L'inquiétude politique.
Conclusion.
Bibliographie. - Index des notices sur les auteurs cités.
AVERTISSEMENT
Je ne me suis pas proposé dans cet ouvrage, qui devait être bref, de
publier une nouvelle histoire sommaire de la littérature du XVIIIe siècle.
Cette histoire existe dans les histoires générales de la littérature
française ; je l'ai moi-même écrite ; et je n'avais pas la prétention, en
220 pages, de la renouveler. Par contre on n'a pas donné d'histoire
méthodique et suivie de la pensée française. Les tableaux qu'on en a tracés
restent nécessairement confus parce qu'il s'y mêle l'histoire de l'art, du
goût, des tempéraments, parce que l'étude des génies originaux fait perdre
un peu de vue celle des courants généraux de la pensée, des mouvements
d'opinion ; ou bien ces tableaux sont incomplets et partiaux ; du moins je
crois qu'ils le sont. J'ai donc tenté d'écrire l'histoire non plus de
quelques grands hommes ou de « genres littéraires », mais de la vie
intellectuelle et morale de la nation, de 1700 environ à 1789.
J'ai tâché d'être, de mon mieux, un historien impartial. Je n'ai jamais
voulu dire (sinon, sans le vouloir) : « ces choses furent bonnes, ou
mauvaises », mais seulement : « voici ce que furent les choses ». C'est au
lecteur à en tirer les conclusions qui lui conviennent.
J'ai supposé connus du lecteur les grands faits de l'histoire littéraire
du siècle et le sens général des ?uvres essentielles. Il m'était impossible
de les rappeler sans rompre constamment le cours de l'exposé. Toutefois les
ouvrages de cette collection s'adressent même à ceux qui ignorent - ou ont
oublié - les éléments du sujet auquel ils veulent s'initier. J'ai donc fait
précéder mes chapitres d'indications succinctes, mais suffisantes, sur la
vie et l'?uvre des principaux auteurs dont la pensée est analysée. Un court
index alphabétique permet de retrouver la notice de chacun de ces auteurs.
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PREMIÈRE PARTIE
LES SURVIVANCES DE
L'ESPRIT CLASSIQUE
CHAPITRE PREMIER
LES DOCTRINES LITTÉRAIRES
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NOTICE HISTORIQUE : Au XVIIIe siècle le grand poète dramatique et épique,
c'est Voltaire. Même, jusque vers 1750, beaucoup de lecteurs ignorent ou
feignent d'ignorer qu'il est philosophe pour ne se souvenir que de ses
« chefs-d'?uvre » poétiques.
VOLTAIRE (anagramme de Arouet-l [e] J[eune]) naît à Paris en 1694. Son
père lui laisse quelque fortune et il se lance dans la vie mondaine et la
littérature. Il fait jouer avec grand succès, en 1719, la tragédie d'?dipe.
Quelques impertinences et une querelle avec le chevalier de Rohan le font
exiler en Angleterre (1726-1729). A son retour, il fait jouer,
glorieusement, de nouvelles tragédies, Brutus (1730), Zaïre (1732) et donne
un bon ouvrage d'histoire, sérieusement documenté, l'Histoire de Charles
XII. Puis il résume ses expériences d'Angleterre et les leçons de
philosophie qu'il y a prises dans les Lettres philosophiques (1734). Le
livre est poursuivi et Voltaire se réfugie à Cirey, chez la marquise du
Châtelet. Il remporte toujours de grands succès au théâtre avec Alzire
(1736), Mérope (1743), etc... Pendant quelques années il tente à nouveau
les succès officiels et la vie de cour, est nommé gentilhomme de la
chambre, historiographe de France, académicien. Jaloux de Crébillon, il
fait jouer trois tragédies (Sémiramis, Rome sauvée, Catilina) pour
rivaliser avec les siennes. Mais ses impertinences inquiètent. Il se sent
suspect et accepte l'invitation de Frédéric II. Il arrive à Potsdam en
1750. [Pour la deuxième période de la vie de Voltaire, voir p. 35].
Parmi les autres auteurs tragiques du XVIIIe siècle, un seul mérite
d'être mentionné, non pour son mérite, mais pour l'admiration qu'il
suscita, c'est Crébillon (1674-1762) qui mit à la mode des tragédies de
« terreur » : Atrée et Thyeste (1707), Électre (1708), Rhadamiste et
Zénobie (1711), etc...
Les principaux auteurs comiques sont : Regnard (1655-1709) qui a laissé
des comédies toujours amusantes par leur verve et leur esprit : Le Joueur
(1696), Les Folies amoureuses (1704), Le Légataire universel (1708) ;
Lesage (1688-1747) qui écrivit de très nombreuses pièces pour le théâtre
italien et une bonne comédie de m?urs, Turcaret (1709), où il raille
durement la sottise féroce des financiers ; Dancourt (1661-1725) qui a
laissé des pièces de style et de conduite médiocres, mais où il y a une
peinture assez puissante des m?urs contemporaines (Le Chevalier à la mode,
Les Bourgeoises de qualité, Les Agioteurs, etc...). (Pour les comédies de
Marivaux, voir p. 16).
Les principaux romanciers sont : Lesage dont Le Diable boiteux (1707) est
imité d'assez près d'un roman espagnol de Guevara. Son roman de Gil Blas
(1715-1747) imite également plusieurs ouvrages espagnols ; c'est un roman
d'intrigue fantaisiste et compliquée, mais où il y a un caractère vivant,
celui de Gil Blas, et de pittoresques peintures de m?urs. L'abbé Prévost
(1697-1763) a mené une vie d'aventurier. Il était d'humeur fort inquiète.
Les Mémoires d'un homme de qualité (1728-1731), son Philosophe anglais ou
les Mémoires de Cleveland (1732) sont des romans d'intrigue fort
romanesques, mais où il peint des âmes tourmentées et déjà romantiques.
Manon Lescaut, histoire brève et vigoureuse, paraît en 1731. (Pour les
romans de Marivaux, voir p. 16).
Vauvenargues (1715-1747) fut un officier obscur, qui rêva la gloire. Mais
pendant la dure retraite de Prague (1742), il contracta des infirmités qui
ruinèrent sa santé et le condamnèrent à l'inaction. Il mourut à trente-deux
ans. Il a publié une Introd