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I show that de Morgan's reading of the Elements, Book V, fits in the frame of his
own .... Loin d'être un exercice purement didactique, isolé du reste de l'?uvre, .....
de loi de combinaison sans signification) et logical algebra (un calcul interprété,
...
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La théorie des rapports chez Augustus de Morgan.
Sébastien GANDON[1]
Résumé : Dans cet article, je présente l'interprétation que A. de Morgan
développe de la théorie des rapports euclidiens. Je montre comment la
lecture que le mathématicien anglais fait du livre V des Eléments s'intègre
dans le cadre de sa propre pratique mathématique. Je mets également en
relation son interprétation à sa nouvelle logique des relations.
Abstract: This article aims at presenting De Morgan's interpretation of the
Euclidean theory of ratios. I show that de Morgan's reading of the
Elements, Book V, fits in the frame of his own mathematical practice. I
also relate De Morgan's interpretation to his new logic of relations.
Pourquoi s'intéresser aujourd'hui à The Connection of Numbers and
Magnitude : an Attempt to Explain the Fifth Book of Euclid[2], court traité
consacré à la théorie euclidienne des rapports, écrit en 1836 par le
mathématicien et logicien anglais Augustus de Morgan ? L'ouvrage n'est
manifestement pas le plus important écrit par l'auteur : il n'a été que
très peu commenté par les contemporains, et n'a donné lieu à ce jour à
aucune étude critique. Son objet d'étude, le livre V des Eléments, se
justifie apparemment seulement par l'architecture du cursus universitaire
de l'Angleterre du milieu du XIXème siècle[3] ; le propos ne semble donc ni
mathématiquement, ni épistémologiquement fondamental. Pourquoi donc revenir
sur un ouvrage a priori aussi peu attractif ?
Notons, tout d'abord, que le travail de A. de Morgan n'a pas été
complètement oublié. Thomas Little Heath[4] comme Bernard Vitrac[5]
mentionnent The Connection of Numbers and Magnitude dans leurs éditions
commentées du livre V des Eléments d'Euclide. B. Vitrac considère la
doctrine des « échelles relatives » proposée par de Morgan comme une
illustration didactique très efficace de la définition V, 5. T. L. Heath la
mobilise constamment dans son commentaire. Qu'est-ce exactement que cette
théorie des « échelles relatives », et comment s'insère-t-elle dans le
contexte plus vaste des recherches de A. de Morgan ?
En second lieu, la lecture de The Connection ... révèle que, si le
traité est présenté par l'auteur lui-même comme un travail didactique
visant à introduire ses étudiants[6] au livre V des Eléments, il est, en
réalité, bien plus que cela. Comme je le montrerai, A. de Morgan tisse des
liens extrêmement étroits entre les conceptions d'Euclide et les méthodes
mathématiques alors en vogue, qu'il reprend lui-même dans ses travaux plus
pointus. La théorie des rapports eudoxiens est ainsi considérée comme
exemplifiant des principes qui sont ceux-là mêmes qui guident le savant
anglais dans ses recherches algébriques.
Nous verrons notamment (section 1) que A. de Morgan voit, dans le
livre V, la mise en place d'une pure forme, à laquelle manquerait une
interprétation. Les « échelles relatives », fourniraient ainsi une
représentation intuitive à une notion (celle de rapport) dont seules les
règles d'usage sont données, exactement comme dans un tout autre contexte
(alors au centre des préoccupations mathématiques), la représentation
géométrique des nombres imaginaires permet d'interpréter les règles
d'addition et de multiplication entre complexes.
Nous étudierons également (section 2) comment la théorie des rapports
de rapport est reliée au calcul des opérations, que A. de Morgan, parmi
d'autres (Duncan H. Gregory, G. Peacocke...) formant ce qu'il est convenu
d'appeler l'« école algébrique anglaise », développe à la même époque.
Penser le rapport lui-même comme une grandeur exige le même cheminement
intellectuel que celui nécessaire pour concevoir une opération sur des
quantités comme étant elle-même une quantité.
Enfin, nous verrons comment (section 3), dans des textes plus tardifs,
A. de Morgan établit un lien conceptuel entre cette doctrine de la
composition des rapports et sa théorie relationnelle du syllogisme. La
« loi suprême » du syllogisme se donne alors comme une forme généralisée de
l'opération de composition des rapports : « une relation de X à Y composées
d'une relation de Y à Z donne une relation de X à Z ».
Loin d'être un exercice purement didactique, isolé du reste de
l'?uvre, la lecture que A. de Morgan propose d'Euclide renvoie ainsi de
façon serrée aux préoccupations et thématiques centrales de l'auteur. Le
but de cet article est d'abord de rendre manifeste cette interconnexion[7].
Mais un autre motif, plus sujet à controverse et plus indirect, m'a
poussé à revisiter ces textes oubliés. La doctrine relationnelle du
syllogisme est une des approches dont Russell s'inspire lorsqu'il rompt
avec la théorie peanienne et met en place sa nouvelle logique[8]. Or la
logique des relations, sous la forme de la logique du premier ordre
(polyadique), a été utilisée par Jean-Louis Gardiès pour formuler une
interprétation du livre V des Eléments[9]. Une telle lecture, d'inspiration
logique, a suscitée de nombreuses critiques : important des concepts et des
outils complètement étrangers au texte euclidien, Gardiès gauchirait, bien
plus qu'il n'éclairerait, le sens des textes[10]. La question soulevée est
la suivante : peut-on et doit-on, sous prétexte qu'ils seraient universels,
user des concepts et des distinctions logiques pour interpréter les textes
mathématiques du passé ?
Je laisserai ici ce problème de côté. Dans ce qui suit, je souhaite
simplement suggérer la chose suivante. Il est possible qu'il y ait eu,
historiquement parlant, un lien étroit entre l'élaboration de la théorie
logique des relations dans la seconde moitié du XIXème siècle et la lecture
du livre V des Eléments. Dans cette hypothèse, l'usage de la logique comme
outil heuristique dans le déchiffrage de la théorie des rapports ne
constituerait pas une application anhistorique d'une machinerie sortie
toute armée de la tête de Russell : la genèse de la nouvelle logique
aurait, dès le début, partie liée à une méditation et à une lecture du
texte euclidien. Ce résultat, s'il s'avérait fondé, ne trancherait pas sur
le fond le débat ouvert par les travaux de Gardiès. En esquissant une
histoire de l'interprétation relationelle de la théorie des rapports, notre
étude pourrait néanmoins contribuer à mettre la discussion en perspective.
I- La théorie des échelles relatives.
Résumons la construction présentée dans les vingt premières pages de
The Connection of Numbers and Magnitudes. Après avoir défini les grandeurs
d'un même genre comme étant des entités capables d'être additionnées et
ordonnées, de Morgan définit la notion d'échelle des multiples de A. « The
scale of multiples of A » est simplement l'ensemble des multiples de A : A,
2A, 3A, ... L'auteur complète alors sa définition de la grandeur par un
équivalent de l'axiome d'Archimède, qu'il formule ainsi : « aussi petit que
A puisse être, ou aussi grand que B puisse être, les multiples dans
l'échelle A, 2A, ... seront à un moment en position de surpasser B, si on
continue l'échelle suffisamment loin : B et A étant des grandeurs de même
genre »[11]. De ceci, A. de Morgan déduit en premier lieu, par l'absurde,
le principe d'exhaustion - c'est-à-dire le fait que si d'une grandeur la
plus grande partie est ôtée, et si du reste la plus grande partie est ôtée,
et ainsi de suite, alors le reste peut devenir aussi petit que l'on veut ;
puis, il dérive le théorème suivant, présenté comme central :
Que soient données deux grandeurs du même genre, A et B, et que soient
formées les échelles des multiples A, 2A, ... B, 2B, ... alors une de
ces deux choses doit être vrai ; OU BIEN il y a des multiples dans la
première échelle qui sont égaux à ceux de la seconde échelle ; OU il y
a des multiples dans la première échelle qui sont aussi près que nous
voulons des multiples (peut-être pas les mêmes) dans le second
ensemble.[12]
La démonstration de ce qui revient à prouver la densité de Q ?? dans R ??
s'effectue par le principe d'exhaustion. Deux grandeurs qui ont certains de
leurs multiples en commun sont appelées commensurables ; deux grandeurs qui
n'ont aucun de leurs multiples en commun sont appelées incommensurables.
De Morgan définit alors son concept clé, celui d'échelle relative :
Nous pouvons (...) former ce que nous pouvons appeler une échelle
relative de multiples en notant les multiples de A, et en y insérant
les multiples de B à leurs places propres ; ou vice versa.[13]
L'échelle relative de A et de B manifeste la répartition des multiples de B
au sein de l'échelle de multiples de A, et c'est cette échelle que A. de
Morgan identifie au rapport eudoxien. Comment justifie-t-il cette
identification ?
Après avoir présenté son concept d'échelle relative, de Morgan se
focalise sur ce que l'on a coutume d'appeler l'algorithme d'Euclide. Il
rappelle d'abord que rien n'oblige à limiter le champ d'application de cet
algorithme aux nombres (rien d'original ici[14]) ; puis il montre que son
application à deux grandeurs quelconques (qu'elles soient commensurables ou
non) équivaut à construire l'échelle relative des deux grandeurs. Le point
étant méthodologiquement important, expliquons plus en détail comment de
Morgan procède.
Le mathématicien, sans le nommer, reprend en réalité la théorie
classique de Lagrange sur les fractions continues[15] : il donne la
relation de récurrence déterminant la valeur de la rédui