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Physiques et Sportive (EPS Théorie). 15. PHILOSOPHIE.

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A propos de la théorie des systèmes dynamiques:
Quelques idées neuves sur l'apprentissage moteur
1998, Revue E.P.S., 271, pp. 61-66.
Didier Delignières
EA 2991 Sport, Performance, Santé
Faculté des Sciences du sport et de l'Éducation Physique
Université Montpellier I
La lecture des copies de concours ou la participation aux jurys d'admission
permet de se faire une image assez précise des représentations que les
enseignants d'EPS véhiculent en matière d'apprentissage moteur. On peut
résumer ces représentations à partir des points suivants:
1.- Le sujet (l'élève) agissant est considéré comme un système traitant de
l'information. Il est clair que la psychologie cognitive, et notamment la
métaphore informatique qu'elle sous-tend (c'est-à-dire que le système
nerveux central est plus ou moins explicitement assimilé à un ordinateur),
a largement marqué la réflexion didactique. Il en ressort que
l'apprentissage moteur est envisagé comme un cas particulier
d'apprentissage cognitif, et les enseignants d'EPS se réfèrent volontiers à
des modèles construits par exemple dans le domaine des apprentissages
conceptuels.
2.- Le comportement moteur est conçu comme piloté par des connaissances.
L'apprentissage moteur est par conséquent sous-tendu par l'acquisition de
ces connaissances. Le recours à la verbalisation, à l'explicitation est
massif, et devient un passage obligé du processus d'apprentissage. L'élève
doit comprendre, et la réussite effective ne constitue qu'un moyen d'étayer
cette compréhension ou la conséquence d'une compréhension antérieure.
3.- Le rôle de l'exercice et de la répétition sont minorés. L'important est
d'assurer une résolution cognitive rapide du problème auquel on confronte
les élèves. La compréhension est donc supposée permettre un apprentissage
par insight, c'est-à-dire une modification immédiate et stable du
comportement.
Les développements actuels de la théorie des systèmes dynamiques, dans le
domaine de la motricité et de l'apprentissage moteur, sont à même de
renouveler profondément ces conceptions. Parfois évoquée, rarement
maîtrisée, l'approche dynamique est la cible de maints fantasmes, y compris
de la part de chercheurs en STAPS. Elle est notamment souvent décrite comme
une théorie mécaniciste, niant tout rôle à la sphère cognitive (et
notamment des représentations) dans le contrôle de la motricité.
L'objectif de cet article est de dépassionner ce débat, de présenter le
plus clairement possible les fondements de l'approche dynamique de
l'apprentissage et du contrôle moteur, et d'envisager en quoi cette
approche peut rendre compte des situations réelles d'enseignement ou
d'entraînement. Du fait de la relative jeunesse de la recherche dans ce
champ, ces perspectives d'application resteront limitées, mais nous les
croyons porteuses d'une rénovation profonde des conceptions et des
pratiques en matière d'enseignement. Rassurons d'entrée le lecteur: les
implications pratiques d'une théorie de l'apprentissage ne sauraient guère
que redécouvrir ce qu'intuitivement les enseignants et entraîneurs
expérimentés ont mis en lumière. L'approche dynamique ne va pas générer des
procédures révolutionnaires, inédites. Par contre, elle peut proposer une
nouvelle manière de penser l'apprentissage moteur, et remettre en
perspective un certain nombre d'errances qui traversent actuellement le
discours didactique en EPS.
Nous tenons à prévenir le lecteur: nous présentons dans cet article un
cadre théorique qui sera nouveau pour le plus grand nombre, et dont
l'appréhension demandera quelques efforts. Ce texte n'est pas facile, même
si nous avons tenté au maximum d'aller au plus simple et de donner des
exemples concrets. Les termes apparaissant en italique lors de leur
première occurrence sont les concepts principaux de l'approche: nous avons
tenté de les définir de la manière la plus claire possible. Nous nous
excusons par avance auprès de nos collègues dynamiciens, pour les
inévitables raccourcis qui émailleront un texte aussi ramassé sur un sujet
si vaste.
Théories prescriptives et théories dynamiques.
Les conceptions que nous avons précédemment décrites renvoient de manière
massive, et souvent caricaturale, à ce que l'on appelle couramment les
théories prescriptives de l'apprentissage et du contrôle moteur. Ces
théories suggèrent que l'apparition de l'ordre, dans un système complexe,
est déterminée par une instance de commande et de contrôle, extérieure au
système. Le comportement du système moteur est considéré comme prescrit,
déterminé de manière exhaustive par des représentations symboliques, soit
explicites comme les règles d'action, soit implicites comme les programmes
moteurs généralisés. Dans tous les cas, le système nerveux central est
supposé au cours de l'apprentissage construire et stocker des modèles de
l'action, décrivant par le menu les commandes à adresser au système
effecteur. Le comportement moteur, dans cette optique, ne constitue que le
reflet fidèle des représentations construites au niveau cognitif.
La théorie dynamique adopte un point de vue différent, postulant que le
comportement d'un système complexe émerge de l'interaction des contraintes
qui pèsent sur lui. Un certain nombre d'auteurs ont évoqué l'exemple des
insectes sociaux pour illustrer ce phénomène d'émergence (Deneubourg, 1977,
Kugler & Turvey, 1987): la construction d'une termitière résulte d'un
comportement de groupe hautement ordonné, débouchant sur un produit qui
sans être prédictible obéit à un certain déterminisme. Un théorie
prescriptive suggérerait l'existence d'une intelligence supérieure, d'une
"termite architecte" capable de planifier les différentes étapes de la
construction, et d'en commander l'exécution (figure 1).
[pic]
Figure 1: Illustration des conceptions prescriptives: la construction de
la termitière nécessite l'élaboration, par un architecte, d'un projet
planifiant les différentes étapes du travail (d'après Lintern & Kugler,
1991).
Il s'agit évidemment d'une hypothèse hautement improbable, et l'on montre
au contraire que la termitière émerge progressivement de l'interaction des
propriétés élémentaires du comportement de chaque individu termite, tendant
à déposer sa matière là où un autre termite l'a fait précédemment. Pour peu
que le système soit suffisamment complexe (c'est-à-dire dans ce cas que la
population de termites soit suffisamment nombreuse), piliers, arches et
coupoles apparaissent inexorablement.
Le comportement moteur, dans le cadre des théories dynamiques, est conçu
comme un phénomène émergeant d'un réseau de contraintes, liées soit à la
tâche, soit à l'organisme, soit à l'environnement (Newell, 1986). Il faut
comprendre par contrainte tout facteur susceptible de limiter les degrés de
liberté du système, c'est-à-dire ses possibilités d'action. Le rôle des
contraintes liées à l'organisme est aisé à illustrer. Chacun sait la
fréquence d'oscillation d'un pendule pesant, pour peu que ces oscillations
soient de faible amplitude, est proportionnelle à sa longueur. Personne ne
penserait à doter ce pendule d'un cerveau, ou d'une quelconque instance de
contrôle prescrivant au système l'adoption de cette fréquence intrinsèque:
ce comportement émerge spontanément des caractéristiques du pendule, dès
lors qu'un déséquilibre est instauré. On a montré de manière similaire que
la fréquence d'oscillation des membres, dans la locomotion, était
étroitement liée à la longueur des membres impliqués dans le déplacement.
Holt, Hamill et Andres (1990) parviennent à prédire la fréquence naturelle
de marche à partir d'une simple équation pendulaire, et Kugler et Turvey
(1987) montrent qu'un modèle pendulaire permet de prédire avec une grande
exactitude la fréquence d'oscillation des membres lors de la locomotion
chez diverses espèces animales (figure 2). L'homme ne fait pas exception à
cette règle, se situant a peu près au niveau de l'impala.

[pic]

Figure 2: Relation entre les périodes prédites par un modèle pendulaire
oscillant et les périodes effectivement observées dans diverses espèces
animales (d'après Kugler & Turvey, 1987).
Entendons-nous bien: de tels exemples ne visent pas à supposer que le
comportement n'obéit qu'à un déterminisme mécanique, que le système ne
ferait que subir passivement. Ils suggèrent simplement qu'un contrôle
cognitif, centralisé et exhaustif de la motricité est une hypothèse
inutile, et que des caractéristiques essentielles du comportement du
système effecteur résultent sans doute de processus d'auto-organisation.
Notons d'ailleurs que le terme "dynamique", que nous avons largement
employé jusqu'à présent, ne renvoie absolument pas à une acception
mécanique, mais au fait que le comportement des systèmes étudiés évolue
dans le temps. La théorie des systèmes dynamiques est un modèle formel,
susceptible d'être appliqué à de nombreux types et niveaux d'analyse, pour
peu que les systèmes considérés soient complexes et qu'ils évoluent en
fonction du temps. On a vu ces dernières années des applications de cette
théorie en météorologie, en économie, en astrophysique, ou encore en
physique des particules. Diverses variantes de cette théorie ont été
largement diffusées, sous les noms de théorie du chaos, ou théorie des
catastrophes (pour une revue, voir Gleick, 1987).
Les variables collectives.
L'un des postulats majeurs de cette théorie est qu'il est possible de
rendre compte du comportement du système, à un niveau macroscopique, par
des variables collectives appelées encore paramètres d'ordre. Le paramètre
d'ordre, construit par le chercheur, vise à "capturer", dans une mesure
unique, le comportement, c'est-à-dire la coordination des différents
éléments constitutifs du système. Dans le domaine de la motricité, le
système est souvent modélisé comme un ensemble d'osci