Morceaux choisis : mai 2005 - janvier 2007. Format ... - Gérard Leclerc

C'était un exercice assez périlleux pour moi et pour lui. ...... Mais aujourd'hui,
dans Libé, un très suggestif entretien avec Pierre Kende, président de ...... selon
des modalités toujours à revoir, l'?uvre de la grâce, qui corrige, guérit, mais
surtout ...

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Journal de Gérard Leclerc

Morceaux choisis entre mai 2006 et janvier 2007



19 mai

[...] Reçu l'ouvrage de Patrice de Plunkett sur L'Opus Dei (Presses
de la Renaissance). L'aperçu historique des premières pages sur les années
de fondation de l'?uvre dans le climat de la guerre civile espagnole m'a
semblé juste et judicieux. Pour la première fois, j'ai eu l'impression de
comprendre la spécificité et l'originalité du fondateur Josemaria Escriva
de Balaguer. En faire un suppôt du franquisme constitue un contresens. Je
ne savais pas, par ailleurs, que Jean-Baptiste Montini (le futur Paul VI)
avait été le meilleur avocat au Vatican du mouvement à son origine. [...]

[...] Je ne puis m'empêcher d'avaler le dernier Zeev Sternhell (Les
anti-Lumières. Du XVIIIe siècle à la guerre froide, Fayard). A peu près sûr
de me trouver en désaccord avec lui, tout en étant très intéressé par sa
recherche. Jean-Marie Domenach, profondément blessé par ses accusations
contre Mounier et Esprit pensait qu'il était complètement à côté de la
plaque, dans le contre-sens total, mais il lui reconnaissait au moins ce
mérite de "travailler". Ici, le sujet est magnifique. J'ai peur que la
systématisation de Sternhell n'aboutisse encore à des blocages, des
incompréhensions majeures.

20 mai

Il m'a bien fallu subir le film de Ron Howard que j'ai trouvé
interminable, bavard, d'une niaiserie à toute épreuve. Pour qui n'a pas lu
le roman de Dan Brown, le scénario est-il compréhensible ? J'en doute. Je
suis d'accord avec Marie-Noëlle Tranchant qui, dans Le Figaro, note : «En
prenant la chose au sérieux, Da Vinci Code "le film" grosse tartine
didactique, atteint ce résultat paradoxal de faire ressortir la solennelle
crétinerie de l'histoire.» Le sérieux de plomb d'une histoire à dormir
debout ne résiste pas à l'image, en dépit des artifices possibles. Ou alors
il fallait se laisser aller au fantastique. Mais cela aurait été au
détriment de toute plausibilité.

J'avais déjà pas mal travaillé en réfléchissant à L'Amour en morceaux
(Presses de la Renaissance), grâce à Denis de Rougemont, aux équivoques
mortelles de l'amour gnostique. Il me semble qu'il faudrait revenir
complètement sur le sujet. Car la Marie-Madeleine de Dan Brown renvoie sans
nul doute à la Marie-Sophia des gnostiques. Il est vrai qu'il ne dit rien
de "l'histoire amoureuse", ce qui lui permet d'échapper aux difficultés
inscrites dans le phénomène passionnel. Sa discrétion sur le sujet lui
permet d'éluder la question de fond. La prétendue union avec Marie-
Madeleine et la postérité qui s'en suit sont évoquées avec une intention
sous-jacente. Il s'agit de mettre en valeur l'innocence de la sexualité
déniée par l'Eglise catholique. Comme si la psychanalyse et les sciences
humaines ne montraient pas que cette sexualité était le lieu de toutes les
équivoques névrotiques.

J'ai reçu une lettre instructive d'une auditrice de ma conférence de
mardi soir. Elle me fait part des travaux d'un de ses anciens professeurs à
l'université de Rennes sur le contenu du mythe gnostique, qui se
rapporterait constamment au "fils de la veuve". Je cite : "Le Dieu
civilisateur est tué par un tyran et son fils, dépositaire de la science
qui libère les hommes, doit le venger. Le mythe prend bien sûr des formes
variées, Horus, Prométhée, Perceval dans le Graal... Dans les contes
populaires ce serait le chevalier chargé de délivrer la princesse (mise
pour la science). Dans le DVC il paraît alors évident que la descendance de
Marie-Madeleine est l'engeance qui détient le seul vrai savoir, étouffé par
les siècles de la tyrannie de l'Eglise sur les esprits, et qu'il faut, en
levant la mystification bimillénaire, venger la mort du maître. Cette
vengeance du maître et du père, nous la retrouvons bien chez les francs-
maçons modernes qui appuient leurs principes rituels à la légende de la
mort et de la vengeance d'Hiram (architecte du temple de Salomon, comme tel
symbole du maître de la Connaissance)."

Faut-il voir dans le DVC la vengeance de la déesse outragée avec
l'éternel retour du Féminin sacré ? Mais il y a ici une jolie imposture.
Dan Brown (ainsi que ses thuriféraires, et ils sont légion, y compris parmi
ses prétendus contradicteurs) donne à penser que c'est le christianisme qui
a mis l'interdit sur la sexualité alors que c'est le mouvement le plus
naturel de la gnose. En voulant rétablir de force la présence de la femme
dans la Cène de Léonard de Vinci, Brown donne à croire qu'il réhabilite
l'amour humain, y compris charnel, alors qu'il remet à l'honneur
l'équivoque du féminin sacré, qui conduit soit à la prostitution des
divinités chananéennes, soit au déni de la sexualité qui est l'obstacle
dénoncé par tous les gnostiques au culte de l'amour pur.

[...]

[...] Le livre de Patrice de Plunkett sur l'Opus Dei est remarquable
à tous points de vue. Il fait comprendre notamment comment Balaguer ne
pouvait souffrir le national-catholicisme espagnol avec
l'instrumentalisation de l'Eglise par le régime franquiste et la Phalange.
Il montre clairement que le mythe de la richesse de l'Opus est
fantasmatique. J'ai apprécié aussi son démontage du témoignage d'une
"victime" fondée sur un retournement psychologique : reporter sur l'objet
que l'on a idéalisé tout le ressentiment qui résulte de son propre échec.
Il y a chez certains journalistes une aptitude confondante à se laisser
prendre par ce type de victimes qui parleraient forcément vrai puisqu'elles
confortent tous les préjugés que l'on a à l'encontre de la prétendue secte.
Cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas de phénomènes sectaires avec leur
processus pervers. Mais en transposer le mécanisme sur l'Opus Dei ne
garantit pas lucidité et rapport juste à la réalité.

21 mai

On m'a soumis un texte de Pierre Lance à paraître dans une revue que
je ne connais pas. Le nom de l'auteur, par contre, m'est connu. Il faisait
partie, déjà, il y a une trentaine d'années de la mouvance païenne
"Nouvelle Ecole". J'ai accepté de donner une réponse, car on ne peut
laisser passer ce genre d'affirmations sans répliquer. Voici donc ma
réponse, écrite non sans indignation.

Pour peu qu'on ait quelque lumière sur l'histoire du christianisme,
et notamment de ses origines, on ne peut qu'être ahuri des affirmations de
Pierre Lance sur le roman de Dan Brown, qui n'est qu'un tissu d'inepties,
de contresens et de calomnies. Qu'on partage la foi chrétienne ou non, il y
a quand même un minimum de sens critique exigible, même lorsqu'il s'agit
d'un ouvrage qui mêle volontairement, fiction, fantasmagorie et
affirmations historiques. Il n'y a personne d'informé qui puisse prendre au
sérieux le prétendu mariage de Jésus avec Marie-Madeleine qui relève du
délire d'interprétation, la rocambolesque postérité de cette union
imaginaire et le complot qui aurait permis au "Vatican" de cacher la vérité
depuis deux mille ans ! Le Christianisme, même réduit au phénomène de
civilisation majeur qu'il est aussi ne peut être traité d'une façon aussi
cavalière.

Pierre Lance est d'autant plus préparé à souscrire au délire du
romancier qu'il est manifestement en accord avec la vision gnostique que
Dan Brown impose à l'histoire et qui, au fond, détruit la singularité de
l'Incarnation du Verbe de Dieu au profit du retour aux vieilles mythologies
païennes, notamment au féminin sacré. C'est une tendance récurrente qui
hier produisait la Maria-Sophia des gnostiques et alimente aujourd'hui tout
le courant "New Age".

Le même excès d'imagination a aussi manifestement séduit Pierre Lance
qui, comme Dan Brown, développe à l'égard de l'Opus Dei un procès en
sorcellerie, fondé sur des calomnies, maintes fois réfutées, mais toujours
réaffirmées avec la même confondante suffisance. Rien n'est vrai dans la
suite d'affirmations sur le mouvement catholique. Il est ridicule de parler
d'opacité, de soumission à propos de ces membres de l'Opus Dei que nous
pouvons côtoyer librement et qui sont des gens tout à fait normaux,
équilibrés et, au surplus, d'une générosité exemplaire à l'égard des plus
démunis. Les milliers d'étudiants formés à l'Université de Navarre fondée
et animée par l'Opus Dei n'ont jamais manifesté le moindre symptôme de gens
manipulés par les sectes. Quant à "l'énorme puissance financière" de
l'Opus, elle est également imaginaire. Un journaliste américain a tenté
d'établir la totalité des actifs du mouvement dans le monde. Il est arrivé
à un total de 2,8 milliards de dollars, chiffre au demeurant discutable
(quelle est la valeur d'un réseau d'hôpitaux au service des pauvres en
Afrique ou en Amérique du sud ?). Quand on sait qu'une firme comme Général
Motors déclare, en 2003, 455 milliards de dollars d'actifs on peut rétablir
les proportions et constater que le seul Archidiocèse de Chicago a un
budget correspondant à celui de cette institution internationale dont la
finalité est tout autre que lucrative ! [...]

[...] Quant à l'affaire de l'IOR, la Banque du Vatican, qui aurait
été renflouée par l'Opus Dei, elle est également complètement travestie.
Dan Brown dit n'importe quoi. Il a d'ailleurs eu la prudence de retirer
dans le liminaire de son livre l'affirmation selon laquelle tout ce qu'il
rapporte serait vrai. Il n'y a plus que les lieux, de réels. Encore un
effort, Monsieur Brown pour affirmer simplement votre imposture ! [...]

23 mai

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