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Cette chambre « devint célèbre par les excellents dîners et les longues parties
de cartes que l'on y faisait, pour tenir compagnie au puni, car il était bien rare que
...... de mes frères ; aux yeux des juifs, Mardochée était de Jérusalem, pour les
musulmans il demandait la charité, pour les juifs il remplissait la même mission
que ...

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[pic] René Bazin CHARLES DE FOUCAULD EXPLORATEUR DU MAROC ERMITE AU SAHARA Paris Plon 1921
Table des matières
CHAPITRE PREMIER JEUNESSE 6
CHAPITRE II LES PRÉLIMINAIRES DU VOYAGE 25
1. - Le déguisement et les premiers pas. 26
2. - Histoire de Mardochée Abi Serour. 35
CHAPITRE III L'EXPLORATEUR 49
CHAPITRE IV LA CONVERSION 82
CHAPITRE V LE TRAPPISTE 103
CHAPITRE VI NAZARETH ET JÉRUSALEM 148
CHAPITRE VII CHARLES DE FOUCAULD PRÊTRE LE CHEMIN DU DÉSERT 182
CHAPITRE VIII BENI-ABBÈS 202
CHAPITRE IX LES TOURNÉES D'APPRIVOISEMENT 283
CHAPITRE X L'ÉTABLISSEMENT AU HOGGAR 308
CHAPITRE XI POÉSIES ET PROVERBES 365
CHAPITRE XII TAMANRASSET 375
APPENDICE 478
ASSOCIATION POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L'ESPRIT MISSIONNAIRE, SURTOUT
EN FAVEUR DES COLONIES FRANÇAISES 478
SOURCES CONSULTÉES 480 I. - ?UVRES DE CHARLES DE FOUCAULD » 480
II. - NOTICES BIOGRAPHIQUES ET NÉCROLOGIQUES. 482
III. - OUVRAGES ET ARTICLES RELATIFS AUX QUESTIONS ACTUELLES,
AFRICAINES ET SAHARIENNES. 484 À propos de cette édition électronique 487
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[pic] CHAPITRE PREMIER JEUNESSE
Le 15 septembre 1858, naissait à Strasbourg Charles-Eugène de
Foucauld, dont j'essaierai de raconter l'histoire.
L'enfant n'était pas d'origine alsacienne. Son père, François-Édouard,
vicomte de Foucauld de Pontbriand, sous-inspecteur des forêts, appartenait
à une famille du Périgord, d'ancienne chevalerie, qui donna des saints à
l'Église et de bien bons serviteurs à la France, et dont il importe que je
dise ici quelque chose, parce que le mérite des ancêtres, même inconnu,
même oublié, continue de vivre dans notre sang et nous porte à l'imitation.
D'après le généalogiste Chabault, le nom de Foucauld est connu depuis
970, époque où Hugues de Foucauld, ayant donné une part de ses biens aux
abbayes de Chancelade et de Saint-Pierre-d'Uzerches, se retirait du monde,
et, afin de se mieux préparer à la mort, entrait au monastère. Un Bertrand
de Foucauld, parti pour la croisade avec saint Louis, tombait à la bataille
de Mansourah, en défendant son roi contre les musulmans. Un autre, Gabriel,
était délégué par le roi François II, pour épouser par procuration la reine
Marie Stuart. Jean, chambellan du dauphin, assistait au sacre de Reims,
près de Jeanne d'Arc. Dans plusieurs lettres, Henri IV appelle Jean III de
Foucauld « son bon et bien assuré amy » ; pour mieux lui dire encore son
amitié, il le nomma gouverneur du comté de Périgord et vicomte de Limoges :
« Je puis vous assurer monsieur de Lardimalie, lui écrit-il, que j'ai en
estime vous et votre vertu, et que j'ai autant de contentement de vous que
vous sauriez le désirer. » Bel autographe qui valait un gouvernement, et
devait durer davantage.
D'autres Foucauld, en nombre, au cours du temps, s'étaient fait tuer à
la tête de leur compagnie ou de leur régiment, en France, en Italie, en
Espagne ou dans les Allemagnes, toujours au service de la France. Mais
l'une de ses plus belles gloires est venue, à cette famille, d'Armand de
Foucauld de Pontbriand[1], chanoine de Meaux[2], grand-vicaire de son
cousin Jean-Marie du Lau, archevêque-prince d'Arles. C'était un homme d'une
charité fort grande, qui distribuait aux pauvres la plus large part de son
revenu, et « ne fréquentait que son église et les hôpitaux »[3]. Or, ces
revenus étaient considérables, non qu'il les eût reçus d'héritage, lui fils
d'un cadet et cinquième de onze enfants, mais il avait été pourvu, par le
roi, deux ans avant la Révolution, de la commende de l'abbaye de Solignac,
en Limousin.
En 1790, l'archevêque d'Arles adressa à son clergé la célèbre
Exposition des principes de la Constitution civile du clergé, document où
la tentative de schisme, décidée par les hommes de la Révolution, était
dénoncée, et que signaient cent vingt-neuf évêques de France, défenseurs de
la foi catholique, apostolique et romaine. Le chapitre d'Arles répondit par
une adresse de la plus ferme doctrine, et au bas de laquelle on trouve,
parmi celles des autres chanoines, la signature d'Armand de Foucauld.
Devenus suspects par leur attachement à l'Église, les prêtres réfractaires
furent bientôt condamnés à la déportation par le décret du 26 mai 1792.
Armand de Foucauld partit alors d'Arles pour rejoindre à Paris Mgr du Lau,
qui avait dit : « On veut faire entrer le schisme et l'hérésie dans
l'intérieur de l'Église ; il ne reste plus qu'à mourir. » C'était se
dévouer lui-même à la mort. Le 11 août, il fut arrêté avec son évêqu, et
conduit dans l'église confisquée des Carmes, où se trouvaient déjà enfermés
de nombreux prêtres. Beaucoup de ces confesseurs de la foi allaient devenir
martyrs. Ils le savaient. Ils s'y préparaient tous, tremblants et fermes,
attendant de la grâce de Dieu le courage dont nul n'est assuré. Le 2
septembre, les prisonniers reçoivent l'ordre de se promener dans le jardin
des Carmes ; même les malades et les infirmes doivent sortir. Ils
comprennent qu'ils vont au supplice. M. de Foucauld et l'autre grand
vicaire d'Arles, entourant leur archevêque, se dirigent vers un petit
oratoire dédié à la Sainte Vierge, au fond du jardin. Ils s'agenouillent
devant la porte. Les fenêtres du couvent sont garnies d'hommes coiffés du
bonnet rouge, qui brandissent leurs armes et insultent les victimes
enfermées. « Remercions Dieu, messieurs, dit le prélat, de ce qu'il nous
appelle à sceller de notre sang la foi que nous professons. » Il fut
assassiné le premier, à coups de sabres et de piques. Un moment après,
M. de Foucauld tombait près du corps de son cousin. Il avait quarante et un
ans. La première des noblesses s'ajoutait à l'ancienne.
Le petit Charles de Foucauld trouvait donc dans sa race, à la
douzaine, de beaux exemples à suivre.
Il ne les suivit pas d'abord, comme on le verra, mais il y fut
ramené ; et nul, depuis lors, parmi les soldats, les marins ou les prêtres
de sa maison, ne saurait être cité qui ait surpassé ce Charles de Foucauld
en dévouement, en austérité, en bravoure, en piété.
Sa petite enfance fut pieuse. Beaucoup sont de même, en France, où il
y a tant de mères prédestinées. Mme de Foucauld avait deux enfants, Charles
et Marie[4]. Elle n'eut guère que le temps de leur apprendre à joindre les
mains et à dire leur prière ; elle vit à peine s'entr'ouvrir l'âme
passionnée de son fils Charles, sur laquelle elle aurait pleuré, si la mort
n'avait pas prématurément enlevé cette Monique à cet Augustin. Pour former
ses enfants à la piété, mais tout autant pour obéir à un attrait divin et à
une habitude, elle visitait les églises, tantôt celle-ci, tantôt celle-là,
les aimant toutes, à cause de Celui qui les habite toutes. De même elle
ornait avec eux, dans sa maison, la crèche au temps de Noël, une statue de
la Vierge au mois de mai ; elle donnait à Charles un petit autel qu'on
plaçait sur une commode, et devant lequel il s'agenouillait le matin et le
soir, relique des premières années, présage encore obscur, dont il dira
plus tard : « Je l'ai gardé tant que j'ai eu une chambre à moi, dans ma
famille, et il a survécu à ma foi. » Quand ils se promenaient ensemble dans
les bois en pente de Saverne, où l'on passait le temps des vacances, elle
recommandait aux enfants de cueillir des gerbes de fleurs et de les placer
au pied des croix, dans les carrefours. Tendresse d'un c?ur français, plus
éducatrice en actes qu'en paroles, et dont le souvenir ne s'efface pas.
Mme de Foucauld mourut le 13 mars 1864, à trente-quatre ans ; son
mari, le 9 août de la même année. Les orphelins furent alors confiés à leur
grand-père maternel, M. Charles-Gabriel de Morlet, colonel du génie en
retraite, qui avait près de soixante-dix ans[5]. Les hommes n'ont pas
souvent cette application passionnée aux devoirs de l'éducation première,
ni ce don de divination qui instruisent vite les mères, et les portent à
s'alarmer des défauts de l'enfant et à les corriger. Affectueux, ardent au
jeu, travailleur, très doué pour le dessin, d'esprit vif, joli enfant et de
physionomie décidée, Charles devait plaire au vieux soldat. On le gâtait.
M. de Morlet ne pouvait résister aux larmes de ce petit Charles : « Quand
il pleure, disait-il, il me rappelle ma fille. » Les colères mêmes de
Charles rencontraient une indulgence secrète et passaient pour un signe de
caractère. Il était violent. La plus innocente moquerie le mettait en
fureur. Un jour qu'il avait, dans un tas de sable, taillé et modelé un
fort, toute une architecture de fossés et de tours, de ponts et de chemins
d'accès, quelqu'un de ses proches, pensant lui être agréable, s'avisa de
mettre, sur le sommet, des bougies allumées et, dans les fossés, des pommes
de terre en guise de boulets. Charles, supposant qu'on se moquait de lui,
entra en grande colère, piétina son ?uvre jusqu'à ce qu'il n'en demeurât
plus trace, puis, la nuit venue, pour se venger, jeta, dans tous les lits
de la maison, les pommes de terre bien roulées dans le sable.
Nous