Cinquième année - Champagnat.Org

Dans la langue ascétique, il désigne parfois ce sentiment vif, affectueux,
accompagné d'une grande douceur spirituelle, qui fait que, surtout à certaines
heures, on se complaît aux exercices pieux, qu'on s'y porte avec enthousiasme,
qu'on y trouve plaisir et consolation et qu'on y persévère avec amour et sans
fatigue : mais ...

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Cinquième année N° 29.
septembre 1913.
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__ BULLETIN
DE L'INSTITUT
DES PETITS FRÈRES DE MARIE
A la Nativité de Marie Roses, fleurs de la terre, étoiles, fleurs des cieux,
Brises du soir, soleil, aurore,
Doux parfums, purs rayons, accords délicieux,
Soyez plus doux, plus purs encore,
Et célébrez plus haut le Seigneur glorieux!
Car voici mitre enfin la Reine des merveilles,
Astre pour les c?urs égarés :
Aurore du soleil qu'attendaient, dans leurs veilles,
Les saints prophètes éplorés,
Quand la voix du Très-Haut tonnait à leurs oreilles.
Voici naître la fleur aux parfums bien-aimés,
La fleur des fleurs à jamais belle
Dont le miel nourrira tous les c?urs affamés,
L'Eve au Seigneur toujours fidèle
Délivrant de leurs maux les justes opprimés.
Le Seigneur s'est calmé, dans sa bonté profonde,
Et les cieux ne sont plus d'airain:
Voici que de nouveau son amour nous inonde :
Sur la terre il sème le grain
D'où sortira l'épi qui doit nourrir le monde.
En vain le noir démon croyait tout conquérir:
De nos péchés le poids immense
Vous entraîne vers lui. Dieu, pour nous secourir,
Mettra son sang dans la balance.
Voici nature Marie, et la mort va mourir!
O berceau de Marie! obstacle infranchissable
A tous les efforts de l'enfer!
Quelle force est en toi, fragile grain de sable
Qui suffit à briser la mer ?
C'est la force de Dieu, la force impérissable!
Car, frêle et cher berceau, tu renfermes déjà
Des grâces hors de toute atteinte.
Voyant, pure du mal oh l'homme se plongea,
Marie enfant et déjà sainte,
Déjà le ciel charmé dit: Ave, Maria.
Et nous aussi, pécheurs, nous saluons Marie :
Le jour de sa nativité
Fut un jour de pardon pour la terre flétrie :
Jour heureux où l'humanité
Vit finir son exil de la sainte patrie.
Joignons aux chants du ciel nos hymnes triomphants
Aimons la Vierge tutélaire :
Qu'elle soit aujourd'hui l'objet de nos accents:
Jésus nous la donna pour .mère,
Elle est reine du ciel, nous sommes ses enfants.
Louis Veuillot. RELIGION VIE SPIRITUELLE
La Ferveur Pour beaucoup de nos Communautés, le mois de septembre, dans lequel
nous entrons, est l'époque de la retraite annuelle dont un des principaux
fruits, si nous la faisons bien, doit être un renouvellement dans l'esprit
de ferveur. Cela nous a fait croire qu'il ne serait pas hors de propos, au
commencement de cette livraison du Bulletin, d'appeler un moment
l'attention de ses lecteurs sur un sujet si pratique : et c'est pourquoi
nous venons leur proposer quelques simples considérations sur la nature et
les caractères de la ferveur, sur les pressants motifs de nous y exercer
sans relâche, et sur les heureux fruits qu'elle produit dans les âmes et
dans les communautés on elle est vraiment en honneur.
Le mot ferveur, d'après son étymologie, veut dire feu, ardeur,
ébullition, activité intense. Dans la langue ascétique, il désigne parfois
ce sentiment vif, affectueux, accompagné d'une grande douceur spirituelle,
qui fait que, surtout à certaines heures, on se complaît aux exercices
pieux, qu'on s'y porte avec enthousiasme, qu'on y trouve plaisir et
consolation et qu'on y persévère avec amour et sans fatigue : mais plus
souvent, et avec plus de justesse, il s'entend de cet heureux état d'une
âme qui, vivement pénétrée de la légitimité et de l'importance de ses
devoirs envers Dieu, s'y porte avec zèle, générosité et persévérance,
indépendamment de l'attrait ou de la répugnance sensibles -qu'elle ressent
á leur égard.
Dans le premier sens, la ferveur réside presque uniquement dans la
sensibilité et elle est sujette, comme toutes les dispositions de même
origine, à de grandes et fréquentes variations -d'intensité, Soit par suite
de l'état de tension ou de dépression plus ou moins grande de notre système
nerveux, soit par une permission de Dieu qui veut encourager notre
faiblesse ou éprouver notre générosité, elle est inconstante comme le vent
sur les mers. Tantôt, quand elle souille puissamment et dans la bonne
direction, elle nous porte rapidement et sans fatigue vers l'heureux port'
que la divine Providence nous a assigne comme terme de notre vie : puis
bientôt, sans cause apparente, son action cesse et nous laisse désemparés,
ou elle dévie et nous entraîne, si nous n'avons pas soin de veiller et de
lutter, dans les directions les plus dangereuses. C'est un secours éventuel
que nous devons recevoir, quand il vient, comme une grâce de Dieu, et
mettre à profit avec diligence et gratitude : mais sur lequel nous ne
pouvons pas faire fonds sans nous exposer aux plus graves périls.
Dans le second sens - qui est celui où nous l'entendrons spécialement
dans ces quelques pages - la ferveur a sa source ou son foyer principal
dans la volonté libre aidée et soutenue par la grâce divine qui ne nous
fait jamais défaut si nous avons soin de la demander à propos, et d'y
coopérer fidèlement quand elle nous est donnée. Elle est faite surtout de
foi vive, de charité vraie, de bon et ferme propos, de fidélité généreuse,
d'humilité sincère et de courageuse persévérance.
En nous faisant voir en Dieu notre créateur et souverain seigneur qui a
sur nous les droits les plus évidents, les plus étendus et les plus
inaliénables : notre législateur qui nous ordonne formellement et sous les
peines les pins graves de faire le bien et de fuir le mal, et en même temps
notre juge, à qui n'échappe aucune de nos actions ni de nos intentions, et
qui le récompensera avec une largesse toute divine ou les punira avec une
inflexible rigueur selon qu'elles auront été bonnes ou mauvaises, la foi
vive offre à notre volonté les motifs les plus capables de la déterminer
efficacement à marcher dans la voie que lui a tracée la volonté divine,
malgré les instincts de notre nature pervertie qui tendent à l'en
détourner.
En nous faisant trouver en Dieu notre unique et souverain bien, la
véritable charité, éclairée par la foi, purge notre c?ur de tous les
sentiments vils, mesquins ou terrestres pour lui en donner de grands,
généreux, magnanimes, qui nous font sacrifier sans hésitation ni regret
tout ce qui est périssable et passager quand il s'agit d'obtenir ou de
conserver ce qui est éternel et immuable.
C'est-elle qui dicte à la volonté, les grandes et nobles résolutions,
les généreux desseins, les bons et fermes propos, et lui donne la force de
les transformer en actes, qui nous anime d'un saint zèle pour le
perfectionneraient de notre âme, pour la correction de nos défauts, pour la
gloire de Dieu, le salut du prochain.
C'est elle aussi qui nous arme de courage pour résister aux séductions
des sens et du monde, aux emportements des passions et aux tentations du
démon, et demeurer fidèles, quoi qu'il puisse nous en coûter, aux
engagements que nous avons contractés envers Dieu, la religion et notre
conscience.
L'humilité, à son tour, en nous donnant le juste sentiment de notre
propre faiblesse, nous éloigne de la témérité, de la présomption : nous
rend prudents, circonspects, dans nos pensées, nos paroles et nos actions :
nous porte à veiller sur nous-mêmes, à fuir les occasions mauvaises ou
dangereuses, et surtout à recourir fréquemment à Dieu par la prière et la
réception dévote des sacrements, afin de nous ménager en tout temps
l'abondance de la grâce sans laquelle, dans l'ordre du salut, nous ne
saurions parvenir à quoi que ce soit.
Par là, elle prévient la lassitude, l'abattement, la défaillance, le
découragement, ou nous les fait surmonter avec constance, dans la
persuasion que, si de nous-mêmes nous sommes faibles et impuissants, il
n'est rien que nous ne puissions avec le secours d'En Haut : et nous fait
persévérer dans nos bonnes résolutions malgré les difficultés et les
obstacles qui viennent si . souvent les traverser.
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* *
On voit combien la ferveur ainsi entendue diffère de la disposition
transitoire et inconsistante que parfois on appelle aussi de ce nom et dont
nous pariions au début. Elle a, au contraire, pour caractère essentiel la
continuité, la constance, et pourrait assez bien se définir : L'orientation
voulue, habituelle, persévérante, de nos efforts vers l'idéal que Dieu lui-
même a assigné á notre vie: la conquête de la vertu et la réalisation de la
sainteté.
Ainsi, dans le religieux fervent, l'ardeur pour le bien, l'amour pour
la vertu, n'est pas, comme chez les âmes exaltées, une lueur éph