La France, précepteur de l'Égypte indépendante - Hal-SHS

... Abysse 62981 Abyssin 62981 Abécassis 62234 Abécédaire 53468 Abélard
...... 57888 CORRIGE 51676 CORRIGER 64251 CORRIGES 60280 CORRIGÉ
...... 64641 EXERCICE 56023 EXERCICES 57968 EXERCISE 62716 EXFOLIAC
 ...

Part of the document


La France, précepteur de l'Égypte indépendante ? Rivalités franco-
britanniques et structuration du système scolaire national égyptien dans
les années 1920 Les années vingt sont restées dans les mémoires comme un véritable âge
d'or de la francophonie égyptienne. Celle-ci bénéficie à la fois de
l'ampleur des héritages du passé et de circonstances politiques nouvelles
nées de la révolution de 1919. Implanté depuis le milieu du XIXe siècle, le
réseau des écoles catholiques draine à cette date une vingtaine de milliers
d'élèves, essentiellement des chrétiens levantins. Ce réseau s'est étoffé à
la faveur des lois françaises sur la laïcité, les religieux en exil
bénéficiant en Égypte du soutien inconditionnel des consulats du Caire,
d'Alexandrie et de Port-Saïd. Au tournant du siècle, avec la séparation de
l'Église et de l'État, l'anticléricalisme est davantage devenu un article
d'exportation, et ce réseau confessionnel s'est vu complété par des
établissements de la Mission laïque française, ciblant des clientèles
juives, orthodoxes et musulmanes. Mais le véritable enjeu réside dans la
tentative de reconquête de l'appareil éducatif d'État, dont la tradition
francophone avait été initiée par les missions de Muhammad 'Ali, mais
fortement mise à mal par quarante ans d'occupation britannique. Si les plus
fervents nationalistes cessent rapidement de voir dans la France un recours
contre le protectorat britannique et dénoncent par la suite avec vigueur
les guerres menées en Syrie et dans le Rif, l'indépendance de l'Égypte
octroyée par la déclaration unilatérale du 28 février 1922 renforce
néanmoins une demande sociale d'instruction qui semble pour un temps
s'orienter vers le français de préférence à l'anglais.
"Le choix culturel de la France en Égypte"[1] s'inscrit à la rencontre
de plusieurs intérêts, que les années vingt permirent de conjuguer : désir
de promotion sociale et marque d'hostilité envers l'occupant pour une
répression qui a fait au printemps 1919 plus d'un millier de victimes sont
les explications qui, à chaud comme a posteriori ont été le plus
fréquemment avancées pour rendre compte de l'afflux de clientèle vers les
écoles françaises et de la demande de rétablissement du français dans les
filières officielles. Il faut peut-être y ajouter que le français se
présentant comme la langue du droit, pouvait apparaître comme l'instrument
indispensable à la conquête d'une indépendance totale, étendue aux quatre
domaines réservés de la déclaration du 28 février[2]. Il véhiculait
également les aspirations de la classe instruite des minorités
confessionnelles à s'agréger à la société politique du nouvel État, dont
l'accès à la citoyenneté ne sera réellement défini qu'en 1929. Du côté des
dirigeants du pays, la promotion du français dans l'enseignement était,
plus qu'un hommage rendu à leur formation et à leurs maîtres disparus ou
vieillissants, un signe d'indépendance vis-à-vis des Britanniques et un
gage de souveraineté de la part de gouvernements dont la légitimité était
contestée par le Wafd et les électeurs lorsque ces derniers avaient la
parole.
Au seuil des années vingt, les diplomates français ne sont pas moins
désireux de reconquérir le terrain perdu, et de consolider les assises de
leur réseau scolaire. En effet, la perspective de l'abolition des
capitulations, prolongement attendu de l'accord de 1904, est présente dès
le début de la Première guerre mondiale et menace l'ensemble de l'édifice
scolaire français. Après les grandes inquiétudes que le protectorat a
suscitées, l'irruption du mouvement national sur la scène politique et
l'accès de l'Égypte à l'indépendance font naître un temps chez eux l'espoir
de pouvoir réinvestir le système scolaire d'État. Ils s'y emploient tout au
long de la décennie avec des schémas mentaux hérités du siècle passé et la
conviction, acquise en 1908 avec la prise du pouvoir par les Jeunes-Turcs,
qu'il suffirait d'étendre aux classes moyennes musulmanes les bienfaits de
l'instruction - évidemment française - pour en faire une clientèle dévouée
à la France plus qu'aux autres puissances européennes. Cette communication
trace les grandes étapes de cette "reconquête" et met en évidence les
résistances auxquelles elle s'est heurtée. La transformation en 1925 de
l'Université égyptienne en une université d'État partage la décennie en
deux phases, l'une ascendante, l'autre descendante au regard de cette
ambition. I. Entre demande sociale et opportunisme. L'amorce d'un retour (1919-1925) Le ministère de l'Instruction publique n'était qu'un acteur parmi
d'autres de la scène éducative égyptienne. Son rôle éminent du tenait moins
aux écoles qu'il administrait directement qu'au fait qu'il était une
instance de définition des filières, de validation des diplômes et de
subvention éventuelle d'établissements non-gouvernementaux. S'il était à ce
titre l'interlocuteur privilégié des diplomates français, il était loin
d'être le seul, ce qui explique le caractère très éclectique de leur
action. 1. Jeux mutuels de séduction et stratégie périphérique La contestation du protectorat anglais, et notamment de sa politique
scolaire a très tôt rencontré un écho bienveillant auprès des autorités
françaises locales. A l'automne 1918, Pierre Lefèvre-Pontalis, ministre de
France en Égypte en fin de carrière n'a sans doute pas oublié son voyage à
Fachoda vingt ans auparavant pour annoncer au capitaine Marchand qu'il
devait abandonner sa position. A sa suite, les diplomates français ne
manquent aucune occasion de dénoncer - il est vrai, de façon beaucoup plus
réservée que certains journaux français - la politique obscurantiste suivie
par les Britanniques et le piètre état où ils ont conduit le système
éducatif. La fermeture de nombreuses écoles secondaires et supérieures au
printemps 1919 est, elle aussi, vivement remise en cause. "Heureusement, les événements politiques dont l'Égypte est le
théâtre ont travaillé pour nous".[3] Au fil de la répression qui s'abat sur le pays durant le mois de mars
1919, on voit monter une réprobation certaine des diplomates français,
davantage dirigée contre les méthodes anglaises de maintien de l'ordre et
la crainte de voir se transformer un mouvement anti-occupation en un
mouvement xénophobe qu'inspirée par une quelconque sympathie pour la cause
nationale égyptienne. S'ils sont loin d'avoir pris la mesure de l'événement, ils voient en
tout cas le moment venu de tirer profit de l'hostilité générale aux Anglais
pour renforcer les positions françaises. Les rapports consulaires donnent
lieu à une interprétation de toutes les manifestations ou de tous les
signes qui pourraient aller dans le sens de cette analyse. Ainsi, le consul
suppléant de France à Alexandrie signale, en août 1919 que "tous les moyens
sont actuellement bons pour montrer à quel point on déteste les Anglais, et
[que] dans la plupart des écoles privées, on a supprimé l'étude de
l'anglais pour la remplacer par celle du français."[4] Le collège américain
d'Assiout engage, pour la rentrée 1920, une institutrice française, afin de
répondre à la demande des familles. Le consul de Port-Saïd fait part, lui
aussi d'une démarche collective des professeurs de l'enseignement
gouvernemental auprès du directeur de l'école des Frères, manifestant le
"désir du corps enseignant de notre ville d'apprendre la langue française,
que l'on n'enseigne plus dans les écoles égyptiennes."[5] Plus
circonspectes semble-t-il à Port-Saïd qu'à Alexandrie, ces analyses se
gardent d'omettre "que cette sympathie, provient en grande partie de la
haine que nourrissent les indigènes à l'égard des Anglais"[6], et qu'elle
risque de se faire bientôt plus exigeante. Or, il est bien clair que la
France ne peut agir que dans la plus grande discrétion, et ne soutiendra
pas la diffusion de sa langue en Égypte au prix d'une mésentente avec la
Grande Bretagne, qu'elle pourrait payer d'un affaiblissement de ses
positions au Maroc ou en Syrie. Les rapports d'Henri Gaillard, l'un des
négociateurs du traité de Fès devenu chargé d'affaires en Égypte le
rappellent à plusieurs reprises. La demande sociale en faveur du français ne tarit pas les années
suivantes. Dès la rentrée 1919, on signale six nouveaux professeurs
recrutés en France par le gouvernement égyptien, l'un d'eux étant appelé à
enseigner à l'école normale Sultanieh du Caire, l'autre au collège
d'Assiout. A la rentrée 1920, c'est au tour de trois établissements
gouvernementaux de Tanta, Zagazig et du Caire de répondre à la demande des
familles en engageant des maîtres français. Henri Gaillard se montre
extrêmement satisfait : "Ces engagements portent à 19 le nombre des
professeurs français ou suisses romans donnant, dans des établissements du
Gouvernement, un enseignement général ou technique en français."[7]. La
légation de France reçoit de nombreuses demandes de renseignements
d'étudiants désireux de poursuivre leurs études en France, tandis que les
plus anciennes écoles religieuses d'Alexandrie, celles des frères des
Écoles chrétiennes et des s?urs de la Charité de Saint-Vincent-de Paul se
voient contraintes de refuser tous les ans des élèves et envisagent
sérieusement de déménager ou d'"agrandir les établissements existants qui
pourraient eux-mêmes facilement être doublés."[8] Les effets de "la politique musulmane de la France"[9] Les signes d'encouragem