on l'a dit plus haut- tenté de jeter le discrédit sur la sociolinguistique ...

19 déc. 2016 ... A2 : Fiches pour la description des examens (chapitre 4) 144 ...... Etendue
linguistique générale : échelle. p. ...... Pour s'assurer d'une compréhension claire
du corrigé type ou du barème, il est bon qu'une discussion précède ...

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ELABORATION, DISTANCIATION, POLYNOMIE : LES FEUX CROISES

DE LA SOCIOLINGUISTIQUE CORSE



1.Naissance d'une sociolinguistique interne : 1983-1986



Au cours du colloque sociolinguistique de Corti 2013 (1) j'ai exposé mon
opinion sur le développement et la finalité de la sociolinguistique en
Corse. Ceux-ci sont et devront être étroitement liés, en effet, à la vie de
la société insulaire envisagée dans ses besoins structurels et son ressenti
culturel au rythme des étapes qui construisent son devenir.

Les moments d'une chronique où point la naissance d'une sociolinguistique
interne consciente de son existence, de son projet et des tâches que l'on
peut en déduire coïncident pour moi avec le développement de l'Université
de Corse, à partir de l'ouverture et l'impact sociétal de cet établissement
dans les années 1980. Je dois corriger aussitôt le malentendu que ne
manquerait pas de provoquer une telle affirmation si l'on omettait de faire
référence à la réflexion et l'action de nos maîtres, les professeurs
Fernand Ettori et Jean-Baptiste Marcellesi auxquels nous devons tant, et
qui ont, à des degrés divers, apporté une importante contribution à la
construction du référentiel théorique et de l'activité d'une
sociolinguistique liée à la Corse. Peut-être n'est-il pas inutile de
remarquer d'emblée que, tous deux originaires du Sud de l'île, ils ont
puisé dans la pratique de la variété de la région de Portivechju la
conscience et l'intérêt d'une attitude « variationniste » dans l'important
débat autour de la norme linguistique.

En se focalisant sur les années 1980 et à défaut d'une étude fouillée
exhaustive, on peut donc s'appliquer à indiquer les étapes et les éléments
où l'effort des sociolinguistes croise une affirmation de la société corse
toute entière en faveur de l'obtention d'un statut de plein exercice pour
son identité linguistique, tension contemporaine permanente d'un mouvement
dont on signalera d'éventuels prolongements actuels. Mon propos s'attachera
surtout à signaler les débuts explicites de l'activité sociolinguistique en
Corse en resserrant la focale sur la première moitié des années 1980, tout
en renvoyant aux travaux des sociolinguistes corses, nombreux et très
actifs depuis cette date (2) .

Lors des Sessione Universitarie d'Estate (18-30 juillet 1983), un atelier
intitulé « Bislinguisimu è diglussia » avait entrepris de diffuser quelques
notions fondamentales issues de la réflexion sur les situations du conflit
des langues et ses effets sur les groupes et le sujet bilingue. Cette
orientation d'un stage d'été ouvert à tous publics prolongeait mon
enseignement au sein de la filière des Etudes corses alors récemment créée
à l'Université de Corse (3). Ces références et celles dont il est question
dans le présent article seront par la suite régulièrement diffusées dans le
corps social insulaire par l'intermédiaire des « agents et instances
glottopolitiques » tels qu'ils opèrent à travers le circuit de l'école et
des familles (4).
En avril de la même année, le séjour universitaire à Corti de Jeanine Grob,
doctorante de Gaetano Berrutto, professeur et sociolinguiste à l'Université
de Zurich, m'avait personnellement mis en présence d'un corps notionnel à
l'époque peu connu dans l'ensemble français et encore aujourd'hui
insuffisamment sollicité par les études du domaine. L'Ausbaukomparatistik
de Heinz Kloss devait ainsi intervenir sur la sociolinguistique corse et la
marquer de son empreinte, en interaction avec un corpus documentaire qui
trace alors un territoire référentiel composite, comme on peut le percevoir
dans la bibliographie restreinte fournie dans mes cours de la filière des
Etudes corses et de la session de formation d'été tenue à Corti du 16 au 28
juillet de l'année suivante (5).
Ce contact fut approfondi dès l'automne 1983 et durant l'année
universitaire 1983-1984 par un séjour de recherche recensé dans un article
de la revue Etudes Corses (6). Dans cette circonstance, les différents
travaux de H.Kloss et de son école furent mis à la disposition des
étudiants de la filière « Etudes corses » grâce aux traductions de Anghjula
Maria Carbuccia, linguiste polyglotte et militante indéfectible de la
Corse. Les communications de Jean-Baptiste Marcellesi au XVIIème Congrès
International de Linguistique et Philologie Romanes, les travaux du
Symposium International de Mont-Saint-Aignan consacré au Problèmes de
glottopolitique inaugureront un rapprochement théorique très fécond (7).
L'atelier Stratégies de la distanciation dont Jean-Baptiste m'a
généreusement confié alors l'animation à Rouen évoquait d'ailleurs un
ensemble de situations auxquelles la Corse pouvait être comparée utilement.
Notre participation à ce type de rencontres sera déterminante tant pour
l'orientation de mes travaux personnels et de mon enseignement que pour la
production d'une pensée sociolinguistique de croisement avec des courants
très divers. Nous y prendrons en effet contact avec nombre de situations
linguistiques, d'attitudes, d'écoles sociolinguistiques et de leurs
représentants qui s'inscriront par la suite dans le corpus de référence de
ce qu'il est convenu de nommer « sociolinguistique corse ». Quant à
l'apport essentiel de la sociolinguistique corso-rouennaise à partir des
acquis de la Linguistique sociale et surtout de la théorie des langues
polynomiques, il tient au corpus notionnel impulsé et créé par J.-
B.Marcellesi. Sont venus s'y adjoindre d'autres problématiques, déterminant
ainsi un creuset conceptuel qui a montré sa fécondité, en particulier à
travers la diffusion pédagogique de la filière des « Etudes corses » de
Corti, de la formation académique des maîtres, et qui a aussi ses
prolongements dans les initiatives glottopolitiques de l'Assemblée de Corse
(8). Quant à l'engagement de la théorie de Heinz Kloss dans ce courant
composite, il tiendra aussi en très grande part au contact très régulier
que j'ai entretenu dans les années 1983-1984-1985 avec deux des disciples
et collègues du savant inventeur de l'ausbau, les professeurs Hans Goëbl
(Université de Salzburg) et ?arko Mulja?i? (Université de Francfort).


Le Congrès des Romanistes de Trêves (Trier) 1986 consacre l'avènement de la
sociolinguistique corse par une déclaration sans ambages du Professeur Hans
Göebl de l'Université de Salzburg : « Considérons un peu les concepts
utilisés couramment par la sociolinguistique corse -et je ne cite que
quelques noms- par Jean-Baptiste Marcellesi, Jacques Thiers, Jean
Chiorboli, Fernand Ettori et beaucoup d'autres gravitant autour de
l'Université de Corti. On y utilise couramment des notions telles que
individuation, distanciation ou élaboration d'un idiome, on se penche sur
des problèmes relatifs aux jugements épilinguistiques des corsophones, on
considère la langue corse comme un idiome polynomique, on se pose la
question de savoir dans quelle mesure le corse constitue un pilier de
l'identité linguistique des Corses, etc. Mis à part que le fait que
l'éclosion et l'évolution de la sociolinguistique corse est une chose
exceptionnelle au sein de la Romania, exceptionnelle surtout par la
précision de la saisie des problèmes et la rapidité de la mise en place
d'un discours sociolinguistique de haut niveau, force nous est de constater
que dans d'autres coins de la Romania le traitement de jugements
épilinguistiques, pour ne prendre qu'un seul exemple, se heurterait, de la
part de linguistes de métier, à des résistances d'ordre épistémologique. »
(9). Dans un article consacré à la diffusion et à la critique de la théorie
de Kloss (10) H.Goëbl note aussi à plusieurs reprises comment la
sollicitation de ces concepts a contribué à la reconnaissance du corse
parmi les langues romanes à part entière.
Le corse : une reconnaissance problématique



Cette reconnaissance d'une émergence bien réelle dans ces années-là exige
un certain nombre de précisions et de compléments que la présente étude
s'efforce d'apporter pour corriger une appréciation certes flatteuse, mais
méritant un approfondissement critique et certaines précisions concernant
le contexte dans lequel se sont développés l'attitude et les travaux des
personnalités que Hans Göebl rassemble sous la dénomination de
« sociolinguistique corse ».

Une première remarque, destinée à apprécier le jugement précité de Hans
Göebl, concerne la « découverte » de la sociolinguistique corse par cet
éminent linguiste de l'Université de Salzburg. Un bref séjour en septembre
1983 poursuivi par un échange régulier avec le groupe des « sociolinguistes
corses » (11) aboutit, dans l'intervalle des trois années qui suivirent à
un développement accéléré d'élucidations théoriques et d'acquisitions
nouvelles qui permirent au « terrain » corse de dépasser toutes sortes
d'apories qui bloquent ou diffèrent bien souvent les avancées en direction
de l'émancipation des systèmes linguistiques (12) et de lever la barrière
de la « fonctionnalisation diglossique » (13).

On notera parallèlement qu'il s'est produit là une véritable interaction
puisque l'apport théorique des références du Professeur Göebl se sont
accompagnées d'un retour du terrain corse sur la pensée du linguiste. On
trouvera de ce double mouvement une illustration patente en rapprochant
deux travaux de Hans Göebl consacrés à la Corse, distants seulement de deux
années : « Le corse ou : Comment naît une nouvelle langue ? »