la nécessité de répondre à des exigences académiques, un doute ...

Ce type d'exercice pose nombre de problèmes, dont la plupart restent irrésolus.
..... de l'objet de l'anthropologie : ils ont tendance à confondre objet, sujet, terrain,
...... sémantiques »[121] qui permettent de corriger chaque mot par son contraire.
...... On observe alors ce que Yves Lequin appelle, dans une belle métaphore, ...

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UNIVERSITE DE NICE SOPHIA-ANTIPOLIS
U.F.R. LETTRES, ARTS ET SCIENCES HUMAINES








Épistémè du partage


Joël CANDAU
Maître de conférences en ethnologie à l'Université de Nice-Sophia Antipolis
Laboratoire d'ethnologie



























Mémoire d'anthropologie


présenté en mai 1999 en vue de l'Habilitation à diriger des recherches et
soutenu à l'Université de Nice le 24 septembre 1999


Jury : Jean-Pierre JARDEL, Professeur à l'UNSA ; Gérard LENCLUD, Directeur
de recherche au CNRS ; Jean POIRIER, Président du jury, Professeur émérite
à l'UNSA ; Richard POTTIER, Professeur à Paris V ; Jean-Pierre WARNIER,
Professeur à Paris V ; Françoise ZONABEND, Directeur d'étude à l'EHESS.
















Remerciements

Je n'aurais su mener ce mémoire à son terme sans le soutien de Richard
Pottier, Professeur à Paris V Sorbonne : bien qu' « éloigné » dans le
Septentrion puis dans la capitale, il a généreusement accepté de continuer
à suivre mes travaux après avoir dirigé ma thèse de 3° cycle. Qu'il en
soit, ici, chaleureusement remercié. Je ne peux citer toutes les personnes
dont les encouragements m'ont aidé dans les moments de doute. Je leur
exprime ma gratitude, avec une pensée particulière pour Jean-Michel
Marchetti, dont l'érudition sans faille m'a souvent été d'un grand secours,
et pour Jean-Pierre Jardel, qui m'a toujours utilement conseillé et qui, en
signe d'amitié, a fait preuve d'une mansuétude inépuisable en regard de ma
participation trop modeste à la direction de notre laboratoire.










































































































































« Nous sommes attachés aux êtres et aux choses
par des liens si fragiles qu'ils se brisent,
souvent, à notre insu. » (Edmond Jabès, Le livre
des questions, Paris, Gallimard, 1963, p. 38).
PLAN DU MEMOIRE

INTRODUCTION p. 6

PREMIERE PARTIE : POSITION THEORIQUE p. 10

CHAPITRE I.- Divagations de la recherche et totalisation théorique p. 11

CHAPITRE II.- L'anthropologie et son objet p. 23

DEUXIEME PARTIE : FICTIONS DU PARTAGE ? p. 41

Introduction p. 42

CHAPITRE III.- L'héritage conceptuel en anthropologie p. 45
Les concepts p. 45
De la prégnance de la rhétorique p. 51
L'abdication littéraire p. 61

CHAPITRE IV.- L'induction du partage p. 65
Le problème de l'induction p. 68
La nature de l'induction p. 70
L'induction forte et l'induction faible p. 75
Le problème de l'indexation p. 80
Le partage inconnaissable : le béhaviorisme et la question des états
mentaux p. 84

CHAPITRE V.- La rhétorique du partage p. 102
L'herbe et la vache : universaux, totalisations, catégorisations,
typologies p. 102
Les rhétoriques holistes p. 108
Holisme et individualisme p. 108
Le degré de pertinence des rhétoriques holistes p. 115
Les généralisations indues p. 132
Tristes tropes et notions peccantes p. 139

CHAPITRE VI.- Le partage « à hauteur d'homme » p. 143
La réhabilitation du singulier p. 143
La reddition prochaine de l'individu ? p. 157

TROISIEME PARTIE : PARTAGE DES FICTIONS p. 161

Introduction p. 162

CHAPITRE VII.- Les critères objectifs du partage p. 165
Pratiques sociopètes et représentations sociofuges ? p. 165
Densité et force des représentations publiques p. 170
L'Autre et le doute p. 180


CHAPITRE VIII.- La visée commune p. 184
Adunation p. 185
Les méta-discours p. 202
Le sens pratique du partage ou le partage entre guillemets p. 208
La cognition partagée p. 219

CONCLUSION p. 228

Index thématique p. 233

Index des auteurs p. 237

Bibliographie p. 241

Introduction



Cet essai est l'effet d'une triple cause : la nécessité de répondre à
des exigences académiques, un doute épistémologique et un embarras
méthodologique. Les exigences académiques sont liées à ma décision de
présenter un dossier d'Habilitation à diriger des recherches ; le doute
épistémologique est né des difficultés que, dans mes enseignements, j'ai
rencontrées pour définir l'anthropologie ; l'embarras méthodologique a été
provoqué par le caractère faiblement opératoire - dans mes travaux sur la
mémoire - de certains concepts hérités de la discipline, en particulier
ceux qui relèvent du tropisme molaire des sciences humaines et sociales.

Je ne m'attarderai pas sur les exigences académiques : ce serait sans
intérêt. Tout au plus, j'observerai que celles-ci m'obligent à rendre
compte de mon itinéraire de chercheur, ce qui suppose qu'il y ait
effectivement un itinéraire. Je n'en suis pas sûr, et je parlerai plutôt de
divagation, déguisée, pour les besoins de la cause, en trajectoire
cohérente. Je reviendrai sur ce point dans la première partie qui, pour
l'essentiel, est consacrée à la définition de ma posture épistémique.
Revendiquer une telle posture suppose, au minimum, que l'on ait une théorie
de la discipline. Je développe cette théorie dans cette première partie, en
défendant l'idée que l'anthropologie générale a un objet qui lui est
propre : le partage. Du même coup, je dissipe mon doute épistémologique.


C'est à l'ontologie et à l'épistémologie de l'objet de l'anthropologie
générale, à ce qu'il est et à ce qu'on peut en connaître, que sont
consacrées les deux autres parties du mémoire. Dans la deuxième partie,
intitulée Fictions du partage ?, je lève (partiellement) mon embarras
méthodologique. En effet, j'y précise quelles sont les limites de validité
des concepts supposés rendre compte du partage. L'évaluation de ces
concepts, que j'appelle « rhétoriques holistes », s'inscrit dans le débat
sur les modes discursifs de l'anthropologie. Il m'est impossible de
l'éviter et, en même temps, je ne veux pas m'y enfermer, car il a un côté
narcissique, répétitif[1] et, bien plus grave, on n'en voit pas l'issue. Je
me contente de montrer comment les discours sur le partage - il s'agit ici
exclusivement des discours à prétention scientifique - peuvent parfois
relever de la fiction et, dans d'autres cas, rendent compte d'une réalité
du partage.


Cette deuxième partie est également l'occasion de traquer certaines
formes indues de généralisation qui, à mon sens, ont porté un tort immense
à l'anthropologie. Je ne reprends pas pour autant à mon compte les grandes
catégories de la pensée dualiste telles que l'opposition
holisme/individualisme : il y a là une manière de débattre de la tendance
généralisante de nos disciplines qui me semble obsolète et bien trop
éristique, chacun étant sommé de choisir son camp une fois pour toutes
(celui de l'individualisme ou celui du holisme). Mon point de vue, on le
verra, est tendanciellement individualiste (ou, plus exactement, atomiste)
mais il l'est bien plus en réaction contre les totalisations réifiantes (la
société, le peuple, etc.) que contre l'hypothèse d'une précellence de la
logique du tout, dans certaines situations, sur celle de chacune de ses
parties.


Si je m'interroge sur les raisons de cette réticence spontanée à
l'abstraction généralisante qui fait que je suis foncièrement nominaliste
et plutôt éloigné de toute forme de holisme méthodologique, je ne peux
faire autrement que songer à ce que dit Bourdieu du rapport que nous,
universitaires, entretenons avec le monde et avec le temps. La « coupure
scolastique avec le monde de la production » et le privilège du temps libre
de la skholè[2] constituent pour moi une expérience encore récente[3], ce
qui ne peut pas être sans effet sur mes dispositions cognitives à l'égard
de l'univers scolastique et des champs théoriques et conceptuels. Ma
sensibilité à la singularité et ma faible inclination envers les concepts
et les modèles généralisants, ne la dois-je pas à une faible « distance
intellectualocentrique »[4] à l'égard d'un monde peu favorable à
« l'universalisme intellectualiste »[5] ? Je n'ai pas de réponse à cette
question mais je la pose tout de même car, dans le cadre de cette mise en
scène qui se veut sincère de mon activité de chercheur, il me semble
honnête de tenter d'objectiver - même si, selon Searle[6], cette tentative
reste toujours illusoire - tout ce qui peut relever de ma subjectivité et
de mon propre rapport scolastique au monde. C'est ce que je fais, dans ce
dossier, chaque fois que l'occasion s'en présente.

Dans la troisième et dernière partie, intitulée Partage des fictions,
j'essaie de repérer quelques unes des conditions objectives et subjectives
du partage. Quelques unes seulement, car j'ai délibérément exclu de mon
propos des phénomènes aussi importants que la possession d'une langue ou
d'une histoire commune par les membres d'un groupe. A ces chemins bien
balisés et largement parcourus, j'ai préféré un parcours plus risqué, plus
hasardeux, celui qui consiste à explorer les modalités de la cognition
partagée. Ce type d'exercice pose nombre de problèmes, dont la plupart
restent irrésolus. Ils ouvrent néanmoins des perspectives de recherche en
anthropologie cognitive que je me contente d'évoquer à la fin de cette
troisième partie.


Une bibliographie thématique clôt ce dossier. Elle est déséquilibrée :
certains thèmes font apparaître des références solides - c'est le cas de
l'anthropologie de