lecture analytique de Rousseau, extrait des Confessions
Il rédige par la suite des articles sur la musique pour l'encyclopédie. Thérèse
Levasseur devient sa compagne en 1745 avec qui il eut cinq enfants. La
vocation ...
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Séquence 1 : lecture analytique de Rousseau, extrait des Confessions « Je
déclare à la face du ciel que j'en étais innocent... »
Texte :
« Je déclare à la face du ciel que j'en étais innocent... »
J'étudiais un jour seul ma leçon dans la chambre contiguë à la
cuisine. La servante avait mis sécher
à la plaque les peignes de Mlle Lambercier. Quand elle revint les
prendre, il s'en trouva un dont tout
un côte de dents était brisé. A qui s'en prendre de ce dégât ? Personne
autre que moi n'était entré
dans la chambre. On m'interroge ; je nie d'avoir touché le peigne, M. et
Mlle Lambercier se réunissent,
m'exhortent, me pressent, me menacent ; je persiste avec opiniâtreté.
Mais la conviction était trop
forte remporta sur toutes mes protestations, quoique ce fût la première
fois qu'on m'eût trouvé
tant d'audace à mentir. La chose fut prise au sérieux; elle méritait de
l'être. La méchanceté, le
mensonge l'obstination parurent également dignes de punition : mais pour
le coup ce ne fut pas par
Mlle Lambercier qu'elle me fut infligée. On écrivit à mon oncle Bernard
; il vint. Mon pauvre cousin
était chargé d'un autre délit non moins grave : nous fûmes enveloppés
dans la même exécution. Elle
fut terrible. Quand, cherchant le remède dans le mal même, on eût voulu
pour jamais amortir mes
sens dépravés, on n'aurait pu mieux s'y prendre. Aussi me laissèrent-ils
en repos pour longtemps.
On ne put m'arracher l'aveu qu'on exigeait. Repris à plusieurs fois et
mis dans l'état le plus affreux,
je fus inébranlable. J'aurais souffert la mort et j'y étais résolu. Il
fallut que la force même cédât au
diabolique entêtement d'un enfant ; car on n'appela pas autrement ma
constance. Enfin je sortis de
cette cruelle épreuve en pièces, mais triomphant.
Il y a maintenant prés de cinquante ans de cette aventure, et je n'ai
pas peur d'être aujourd'hui
puni derechef pour le même fait. Hé bien ! Je déclare à la face du ciel
que j'en étais innocent, que
je n'avais ni cassé ni touché le peigne, que je n'avais pas approché de
la plaque, et que je n'y avais
pas même songé. Qu'on ne me demande pas comment ce dégât se fit; je
l'ignore, et ne puis le
comprendre : ce que je sais très certainement, c'est que j'en étais
innocent.
Qu'on se figure un caractère timide et docile dans la vie ordinaire,
mais ardent, fier, indomptable
dans les passions ; un enfant toujours gouverné par la voix de la
raison, toujours traité avec douceur,
équité complaisance ; qui n'avait pas même l'idée de l'injustice, et
qui, pour la première fois, en
éprouve une si terrible, de la part précisément des gens qu'il chérit et
qu'il respecte le plus. Quel
renversement d'idées ! Quel désordre de sentiments ! Quel bouleversement
dans son c?ur, dans sa
cervelle dans tout son petit être intelligent et moral ! Je dis, qu'on
s'imagine tout cela, s'il est possible ;
car pour moi, je ne me sens pas capable de démêler, de suivre la moindre
trace de ce qui se passait
alors en moi.
Je n'avais pas encore assez de raison pour sentir combien les
apparences me condamnaient, et
pour me mettre à la place des autres. Je me tenais à la mienne, et tout
ce que je sentais,
c'était la rigueur d'un châtiment effroyable pour un crime que je
n'avais pas commis. La douleur du corps,
quoique vive, m'était peu sensible, je ne sentais que l'indignation, la
rage, le désespoir. Mon cousin,
dans un cas à peu près semblable, et qu'on avait puni d'une faute
involontaire comme d'un acte
prémédité, se mettait en fureur à mon exemple, et se montait, pour ainsi
dire, à mon unisson. Tous
deux dans le même lit nous nous embrassions avec des transports
convulsifs, nous étouffions ; et
quand nos jeunes c?urs un peu soulagés pouvaient exhaler leur colère,
nous nous levions sur notre
séant, et nous nous mettions tous deux à crier cent fois de toute notre
force : Carnifex, Carnifex,
Carnifex.
Je sens en écrivant ceci que mon pouls s'élève encore ; ces moments me
seront toujours présents
quand je vivrais cent mille ans, Ce premier sentiment de la violence et
de l'injustice est resté si
profondément gravé dans mon âme, que toutes les idées qui s'y rapportent
me rendent ma première
émotion ; et ce sentiment, relatif à moi dans son origine, a pris une
telle consistance en lui-même, et
s'est tellement détaché de tout intérêt personnel, que mon c?ur
s'enflamme au spectacle ou au récit
de toute action injuste, quel qu'en soit l'objet et en quelque lieu
qu'elle se commette, comme si l'effet
en retombait sur moi. Quand je lis les cruautés d'un tyran féroce, les
subtiles noirceurs d'un fourbe
de prêtre, je partirais volontiers pour aller poignarder ces misérables,
dussé-je cent fois y périr. Je
me suis souvent mis en nage, à poursuivre à la course ou à coups de
pierre un coq, une vache, un
chien, un animal que j'en voyais tourmenter un autre, uniquement parce
qu'il se sentait le plus fort
Ce mouvement peut m'être naturel, et je croîs qu'il l'est ; mais le
souvenir profond de la première
injustice que j'ai soufferte y fut trop fortement lié pour ne l'avoir
pas beaucoup renforcé.
Rousseau, Les confessions, Livre I.
Auteur :
Jean-Jacques Rousseau (1712 - 1778) :
- Ecrivain et philosophe genevois de langue française, auteur des
Confessions, l'une des principales figures du siècle des lumières. Né dans
la république calviniste de Genève, Rousseau perd sa mère quelques jours
après sa naissance. Il commença un apprentissage de graveur mais s'enfui à
seize ans chez Mme de Warens qui devient sa maîtresse. A trente ans, il se
rend à Paris pour y gagner sa vie en tant que maître de musique, copiste et
secrétaire particulier. Il rédige par la suite des articles sur la musique
pour l'encyclopédie. Thérèse Levasseur devient sa compagne en 1745 avec qui
il eut cinq enfants. La vocation littéraire de Rousseau ne survient qu'en
1749, puis remporta un prix qui le plaça au centre des cercles
intellectuels. L'ouvrage « Emile ou de l'éduction » écrit en 1762 est
condamné par le parlement, il mena une vie errante pendant huit ans pour
échapper à son arrestation. Il rencontrera en Angleterre un philosophe
David Hume.
- Certains de ces livres paraîtront qu'après sa mort. Rousseau était
considéré comme un précurseur du romantisme en raison du caractère
révolutionnaire de ses idées.
?uvre :
Le livre I, est une ?uvre autobiographique paru en 1782 (1789 pour le
second livre). Ce texte est l'épisode des peignes. C'est un texte clef.
C'est la découverte de l'injustice et de la cruauté des adultes. C'est
d'abord un texte très représentatif de la manière utilisé par Rousseau pour
écrire Les Confessions. En effet c'est un récit mené avec vivacité, avec de
nombreux détails, suivit de plusieurs passages d'analyse, de fonctions
différentes et d'analyse plus développées.
- Le texte permet de percevoir la spécificité de l'écriture
autobiographique :
( Le décalage temporel.
( La nature du regard que porte l'adulte sur son enfance.
Enfin, ici comme dans les deux autres textes, l'auteur insiste sur la mise
en cause, l'accusation de ceux qui par leurs comportement ou leurs paroles
on contribués à la formation d'une personnalité. Cette analyse
psychologique du 18ème siècle est tout à fait moderne.
Axes de lecture :
I> Le récit de l'événement.
II> L'analyse de l'évènement.
I> Le récit de l'événement.
1. La rapidité d'enchaînement des faits.
2. La dramatisation des faits :
a) La violence des comportements.
b) La mise en scène du « procès ».
c) La disproportion entre le fait et ses conséquences.
1. La rapidité d'enchaînement des faits.
Le récit d'évènement occupe les seize premières lignes de la page. Il
est caractérisé par la rapidité, la vivacité, la précision. Le narrateur
s'efforce de dramatisé le récit avec différents procédés : procédé
d'exagération, dynamisation des faits...
Nous avons à faire à un récit dense, beaucoup de détails en peu de lignes.
On a ainsi successivement :
- L'indication du personnage présent dès les premiers mots par le « je »
(l1).
- Il y a également les lieux « chambre contiguë à la cuisine (l1)».
- On a aussi dès le début l'objet du délit « le peignes » (l2).
Dès le début, Rousseau nous donne beaucoup de détails en une ligne et
demie. Ensuite nous trouvons l'expression du délit : le fameux peigne dont
« Un coté de dent était brisé ». Le fameux peigne en question reste
indéfini : « un peigne ». Le mot « dégât » renvoie à la faute. Le passage
en justice est introduit en ligne 3 par « on m'interroge ». Cet
« interrogatoire » (l4) se poursuit assez longtemps. Le dénouement du récit
« enfin je sorti de cette cruel épreuve » avec le triomphe de la résistance
(l 15-16).
On note également l'absence d'indication temporelle. C'est le lecteur qui
imagine combien de temps cela va prendre mais certaines expressions montres
que ce fût long.
2. La dramatisation des faits
On remarque la mise en relief de la violence, jusqu'à une sorte
d'exagération épique. Cette dramatisation se traduit par le choix de
certains termes du lexique et dans la disproportion de plus en plus
évidente entre les dégâts et ses conséquences énormes.
a) La violence des comportements.
- La violence du comportement des adultes qui peut entraîner celle de
l'enfant, elle est mise en évidence, l.12 à 16 « On ne pu m'arracher ...
inébranlable », l.5 => énumération avec des verbes de plus en plus forts =>
graduation (ryt