Canet, le 19 septembre 2005 - Michel Balat
... A.-J. Greimas ? un des grands linguistes vivant à cette époque, un grand
fumeur, ...... C'est un petit peu tout l'exercice difficile de notre travail qui sont
justement ...... Les sémaphores c'est pas con, parce que les sémaphores
marquent les ...
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Canet, le 19 septembre 2005 Cette nouvelle année sera consacrée au fantasme parce qu'elle est le
prolongement d'une fin d'année pendant laquelle nous avons eu des idées un
petit peu décapantes à ce sujet, et nous continuerons à interroger le
fantasme pour voir ce qu'on peut en extraire.
Donc il faudrait que je fasse un résumé des chapitres précédents. Nous
avions d'abord essayé d'explorer la question de la réalité et du réel, ce
qui avait pris beaucoup de temps. Je suis en train de corriger les
séminaires pour les mettre en ligne et je ne pense pas que beaucoup de
choses extraordinaires aient été dites. Pour le moment j'assume ce qui est
écrit, par ailleurs j'assume aussi ce que j'ai dit. Si on n'assume pas ses
conneries c'est la fin de tout. En particulier la distinction qu'on pouvait
faire entre le réel et la réalité me paraît à peu près tenable,
indépendamment des catégories de Peirce. Au fond la réalité est ce que l'on
s'attend à voir, par exemple vous tournez la poignée de la porte et puis
elle tourne, c'est à dire qu'il n'est pas douteux que la réalité est
psychique. De ce point de vue, pour faire un résumé, le réel c'est ce qui
surprend, ce qui arrive, du moins ce qui échappe, justement, il ne
s'inscrit pas. On inscrit quelque chose, on répare la réalité qui a été
abîmée par le réel, pourquoi pas, on peut réparer, mais cela n'empêche pas
que le réel... - et là il y a cette belle formule de Lacan : « le Réel
c'est ce qui ne cesse pas de ne pas s'écrire ». Il dit « s'écrire », on
doit le prendre de cette façon, mais, il a proposé une formule à quatre
termes. Il disait : « Le nécessaire c'est ce qui ne cesse pas de s'écrire
- avec le jeu de mot sur « ne cesse pas », est nécessaire... -, le
contingent c'est ce qui cesse de ne pas s'écrire, le possible c'est ce qui
cesse de s'écrire, et le réel c'est ce qui ne cesse pas de ne pas
s'écrire. » Si vous posez les négations dans les deux membres de cette
phrase, vous obtenez à peu près toutes les possibilités. C'est intéressant
parce qu'à mon sens, le « s'écrire » - je ne sais pas pourquoi il a pris
« s'écrire » -, il me semble qu'on devrait aussi pouvoir l'entendre comme
« s'inscrire », à condition de distinguer écrire et inscrire. Il s'agit là
d'une distinction importante : on peut écrire sans inscrire. L'inscription
c'est quand même quelque chose de plus que cela. Elle nécessite un ensemble
de conditions autour d'elle que je résume sous le nom de feuille
d'assertion.
Par exemple si vous souhaitiez vous inscrire à l'association Équinoxe, et
si pour ce faire vous écriviez « j'adhère à l'association Équinoxe » sur un
papier que vous abandonneriez ici, cela ne suffirait pas, ce serait écrit,
mais certainement pas inscrit. Pour que cela soit inscrit c'est beaucoup
plus compliqué, comme vous avez pu le constater la dernière fois : il faut
des cartes, il faut définir des cadres, des lois, des trucs, des machins.
Cela fait réfléchir tout le monde et la question qui se pose c'est « qui
peut s'inscrire ? » Quand on réussit à inscrire cela signifie qu'on a
véritablement traversé tout un chemin d'une complexité absolument inouïe.
Mais on peut noter que si 'ça' ne peut s'écrire, a fortiori, 'ça' ne peut
s'inscrire. Cela dit, on peut voir que sur le plan clinique le rapport
entre le fantasme et la réalité peut s'avérer être un problème. J'ai à
l'esprit des choses que vous connaissez très bien, qui font même l'objet de
grands débats, par exemple un enfant qui dit qu'il a été violé, dont on
dit, de manière pudique, qu'il a subi des attouchements : est-ce, dans une
situation donnée, un fantasme ? La question est importante pratiquement,
bien des choses se jouent autour de cela. Certes, en disant cela l'enfant
peut dire une vérité, mais on peut interroger l'exactitude de qu'il dit, et
il me semble qu'il est important de distinguer ces deux termes. La vérité
déchaîne quelque chose, cela ouvre, cela oblige à penser quelque chose,
quant à l'exactitude on s'en moque un peu. Alors « est-ce que c'est
exact ? » « ou est-ce que c'est vrai ? » ce n'est pas vraiment la même
formule, la même chose. Pour en revenir au fantasme, je pense à ce jour où
Edwige Richer est appelée aux appartements par une aide de soins qui lui
dit : « Untel dit que le kiné l'a violé », ce qui était gênant parce que le
kiné travaillait dans les appartements, et ce n'était donc pas très correct
de se livrer à ça. Elle se disait que c'était bizarre parce qu'elle le
connaissait bien et ce n'était pas un violeur. Elle se rend aux
appartements, elle mène l'enquête et demande à ce jeune homme de lui
expliquer ce qui s'est passé. Il décrit des choses tout à fait
invraisemblables : le kiné l'a poussé dans le placard et là il s'est livré
à toutes sortes d'abus sur lui. Vérification faite il y avait d'autres
blessés autour d'eux, donc le kiné était dans l'impossibilité de faire quoi
que ce soit, sinon au vu et au su de tout le monde, même dans un placard.
On était là devant une situation tout à fait intéressante, le type
racontait une histoire avec un accent de vérité, donc il disait une vérité,
mais ce n'était pas exact. Il me semble qu'il y a là quelque chose sur
vérité et exactitude qui a peut-être quelque chose à voir avec la
distinction entre réel et réalité. La vérité serait du côté du réel - c'est
une hypothèse, je ne prétends pas qu'il s'agisse d'une certitude -, et
l'exactitude serait du côté de la réalité, puisqu'elle nécessite qu'on ait
un repérage de la réalité suffisant pour pouvoir dire que c'est exact. Donc
c'est dire que cette question du fantasme dans son rapport à la réalité
n'était pas complètement idiote.
Maintenant le réel apporte avec lui son cortège de questions, c'est
finalement « pourquoi y a-t-il du réel ? », « comment et pourquoi cela
surgit de temps en temps ? » On a là l'indication intéressante liée à ce
qu'on appelle le théorème de Gödel - il faut lire la démonstration du
théorème de Gödel, c'est sympathique. Au fond Gödel dit les choses de la
manière suivante... ses interrogations partent d'une vieille histoire qui
est arrivée à la théorie des ensembles. Se posait ce qu'on appelle
l'hypothèse du continu : « existe-t-il un ensemble qui soit entre la
puissance des dénombrables et la puissance du continu ? » La puissance du
dénombrable c'est, par exemple, les nombres entiers ou les fractions
relationnelles, ce qu'on appelle les nombres rationnels qu'on peut compter,
comme un, deux, trois, quatre, cinq, six. Le continu n'est pas seulement
non-comptable il est également continu, il est quelque chose de plus, alors
les mathématiciens se sont toujours demandé s'il existait quelque chose
entre les deux qui serait non-dénombrable et pourtant discontinu. Cela a
donné lieu à toute une élaboration, à un très grand nombre de recherches,
jusqu'au jour où quelqu'un a fait l'hypothèse du continu, quelqu'un a dit
finalement : « C'est une hypothèse qui est peut-être un axiome. » Un axiome
c'est intéressant parce que cela signifie qu'on pourrait très bien
continuer à construire la théorie des ensembles en supposant l'hypothèse du
continu, suivant laquelle il n'y a pas d'ensembles entre les deux, mais on
pourrait en faire une autre avec le contraire et cela fonctionnerait aussi,
c'est-à-dire que ces deux théories seraient certes incompatibles, mais cela
n'empêche pas que l'hypothèse du continu ne rend pas inconsistante la
théorie des ensembles au départ, c'est-à-dire que, en somme on développe
cette théorie et tout à coup y surgit cette proposition dont on dit qu'elle
est indécidable, on ne peut pas décider dans le cadre de cette théorie si
cette proposition est vraie ou non, de telle manière qu'elle peut devenir
un axiome, et son contraire peut aussi devenir un axiome de la théorie
élargie
On a l'impression que les théories sont closes sur elles-mêmes, mais ce
n'est pas vrai puisqu'elles peuvent générer des propositions indécidables.
C'est intéressant parce que cela a quand même un rapport avec notre
histoire du réel. Nous pouvons dire que la réalité est multiforme, si
j'avais un microscope je verrais encore mieux la réalité de ce qui
m'entoure, je verrais par exemple les acariens que je suppose grouiller
littéralement sur mon tapis, je verrais des molécules, je verrais toutes
ces choses-là. On peut dire que cela est la réalité, qu'on est là dans la
réalité, eh bien, dans cette réalité il y a invariablement quelque chose
qui se fomente et qui, à un moment donné, vient me surprendre, qui ne
s'accorde pas avec la conception de la réalité. Et je vous rappelle que ce
n'est pas parce que la réalité est psychique qu'elle est personnelle, ce
n'est pas « à chacun sa réalité et courage ! » On sait bien que s'il y a un
terme concernant la réalité qui est intéressant c'est justement celui de la
réalité commune, indépendante de ce qu'un certain nombre de personnes en
pensent. Mais, même si cette réalité est psychique sans être personnelle,
alors ça c'est très intéressant pour nous, de ne pas penser le psychique
comme une possession, avec l'inconscient dans un sac-à-dos, le surmoi sous
le bras, etc. Le psychique n'est pas personnel mais partageux par nature,
objet d'un partage, ce qui signifie qu'on a invariablement des
renseignements sur l'autre, et quand je parlais du musement c'était autour
de l'idée que le musement est l'objet d'un partage, on ne peut pas en dire
beaucoup plus, mais en tout cas ce n'est certainement pas quelque chose de
personnel parc