Alienation - Exercices corriges

Ainsi dans le portrait initial de Lucien : en l'espace de deux pages (CH, V, ......
elle-même, elle s'invente dans un univers à la fois réflexif et expressif[45] ». ..... le
personnage est toujours présenté dans l'exercice de sa profession, au cours d'
une ..... FELIX, troisième amoureux ; seconds rôles analogues à cet emploi dans
le ...

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Alienation



Prologue : Un drame


La religion est le soupir de la
créature opprimée, le c?ur d'un monde
sans c?ur et l'âme d'une époque sans
âme.
Elle est l'opium du peuple


Karl Marx


0.1

Usé, déchiré, éventré, lacéré, brûlé par endroits, la peau ternie par l'âge
et la poussière, piquée de tâches de moisissures et déformée par la
répétition des sauts effectués sur ses vieux coussins, le vieux canapé qui
trônait au milieu du salon aurait bien mérité des remerciements, des
félicitations, ou tout au moins quelques encouragements. Mais les seuls
égards qu'il recevait étaient des coups de pieds ingrats, des éclaboussures
de bières indélicates et des confiseries sucrées et collantes.
Ce canapé, relique découverte au hasard d'une pérégrination dans un terrain
vague, témoignait du premier drame muet qui se déroulait dans cette pièce.
Allongée de toute sa taille sur son ventre, une humaine écrasait
dédaigneusement ses ressorts, étouffait son cuir et déformait sa structure,
les pieds posés sur un accoudoir et la tête dans un trou qui aurait dû être
comblé par un coussin. Dans cette position, elle mangeait d'une main du pop-
corn provenant d'un bol posé sur le sol, qui parvenait à sa bouche en une
parabole aérienne, et tenait fermement de l'autre un petit livre en
suspension au-dessus de sa tête, titré "l'aliénation selon Karl Marx", sans
qu'une once de considération n'émerge de sa personne en direction du vieux
meuble qui la soutenait.
Le second drame muet se déroula à quelques mètres du premier : alors
qu'elle se trouvait immobile depuis plusieurs minutes, une antique
télécommande utilisa la main normalement assignée au pop-corn pour s'élever
dans les airs. Elle en profita pour émettre un train d'ondes en direction
du récepteur idoine, placé sur le devant d'un non moins antique téléviseur,
à peine adapté pour la médiavision. Celui-ci réagit illico en modifiant son
canal de diffusion. Cette dernière joua cette comédie durant quelques
instants, puis, lassée, se laissa choir sur la moquette.
Bien loin de cette minuscule scène, la droite et haute porte des toilettes
s'ouvrit dans un craquement hautain. Et le troisième drame se produisit,
loin d'être muet celui-ci : un grand humain, mal rasé, cheveux longs
jusqu'aux épaules, mâchoire carrée et yeux marron en franchit le seuil et
déclara en direction du divan :
_ Qu'est ce que tu regardes encore ? T'as zappé.
_ Je ne sais pas trop, fit la voix féminine. Je lis.
_ Tu parles. Je n'ai jamais vu quelqu'un lire en regardant la
médiavision.
Léocadie attrapa une poignée de maïs caramélisé qu'elle porta à sa bouche.
_ Tu sais, moi je sais tout faire.
_ C'est ce que tu dis. N'empêche que je ne t'ai pas encore vu garder
un travail plus d'une semaine.
Piqûre au vif. Elle se redressa vivement.
_ Qu'est-ce que tu insinues, Max. Que je suis une tire-au-flanc ? Je
te rappelle que j'ai toujours eu une bonne raison de quitter mon travail.
_ Une bonne raison ! Et c'était quoi la bonne raison, la dernière
fois, au Café du Commerce ?
Max usait d'un timbre de voix teintée d'ironie mais uniforme. Léocadie,
elle, montait très rapidement dans le registre de l'agacement.
_ Le patron prenait une commission sur les pourboires. C'est
rigoureusement illégal, je te rappelle.
Max s'adossa au mur, croisa ses pieds, et entreprit de se rouler une
cigarette. Il rétorqua, le plus calmement du monde :
_ Et bien sûr, tu ne touches pas à tout ce qui est illégal.
_ Pas lorsque ça a pour but d'aliéner la condition humaine.
Il manqua de laisser tomber son paquet de tabac en pouffant.
_ "Aliéner" ! C'est dans ton livre que tu trouves des expressions
comme ça ?
Léocadie sentit son nez la piquer et son sang affluer au visage. Elle resta
quelques secondes à fusiller son petit ami du regard et replongea
brusquement dans sa lecture interrompue.
_ Regarde donc la média, si tu es incapable de lire, maugréa-t-elle.
_ J'y compte bien, mais pas longtemps. Il faut que je dorme, demain
j'ai un client à 10 heures.
Il s'installa inconfortablement dans le trou du canapé et s'attacha à faire
jaillir une étincelle d'un briquet presque vide.
_ C'est un gros client ? s'enquit-elle sans quitter le livre des
yeux.
_ Ha ! Tu vois que tu y viens, à l'illégalité...Non, c'est un habitué
qui me prend 100 grammes par semaine.
Léocadie songea soudain à son ami comme à un acteur de l'aliénation dont
elle venait de lui parler. Son action "illégale" quotidienne n'avait pas le
moindre but révolutionnaire. Non seulement il participait au maintien de la
société actuelle, qui devenait de moins en moins appréciée par ses acteurs,
mais il vendait de la drogue à des gens qui n'en avaient pas besoin, et
ainsi les détournait de leurs véritables desseins. Il n'avait pas la moitié
de la trempe d'un Marx, d'un Trotski ou même d'un Lénine. Son seul intérêt
résidait dans sa recherche de profit et du maintien de son petit confort,
comme tous les autres qui trimaient au-dehors, sans réel objectif. S'il
s'opposait à la société marchande, c'était pour de fausses raisons,
égoïstes et amorales.
Par-dessus son livre, Léocadie jeta un coup d'?il accusateur à celui qui
lui servait actuellement d'hôte. Jamais elle ne consentirait à coucher avec
lui si cela n'était pas un moyen de se faire héberger gratuitement. Leur
relation n'était qu'un tacite échange de bons procédés, même si Max n'en
était pas conscient.
De son coté, la télécommande jouait le même tour à la télévision, prenant
cette fois-ci la main de l'homme en otage. Puis elle s'arrêta brusquement
et se figea en l'air.
_ Putain, cria Max. C'est Léo !


0.2

Le présentateur esquissa le sourire le plus large dont il était capable,
avant de déclamer :
_ Je vous prie d'accueillir bien fort M. Léopold Tudal.
Une salve d'applaudissements savamment orchestrés jaillit du public dressé.
Un homme investit le plateau, vêtu d'une ample toge orange à capuche, rayée
de 3 bandes verticales blanches. C'était une personne jeune, environ la
trentaine, les cheveux rasés et les mains jointes qui s'approchait du
fauteuil vide qui l'attendait. Il arborait un sourire béat, quasi-
religieux, et se mouvait par petits pas, comme s'il craignait que son
vêtement ne s'usât au contact de ses genoux. Son visage dégageait une
certaine sérénité, dans la simplicité et l'apparente décontraction de ses
traits, qui n'était pas sans contraster avec l'agitation nerveuse qui
agitait ceux du présentateur. Ce dernier serrait et desserrait
compulsivement ses mains, qu'il gardait cachées de l'objectif des caméras.
D'un geste vif, le maître de cérémonie lui fit signe de s'asseoir, mais
l'homme refusa poliment. Il préférait rester debout. Qu'à cela ne tienne,
le fauteuil disparut en un claquement de doigts. Le présentateur se posa
souplement sur le sien et croisa ses jambes maigres. Deux mètres et une
table basse le séparaient alors de l'homme debout qui ne cessait de
sourire. Celui-ci avait les yeux perdus dans le public mais mobiles,
semblant scruter chaque invité.
_ Soyez la bienvenue, M. Tudal. Je craignais que vous vous
décommandiez.
Et pour cause, pensa-t-il. C'était le plus gros barjot qu'il n'eut jamais
vu, encore plus atteint que le gars qui se prenait pour une poule. Il
allait faire un record d'audience, ce soir.
_ Ha bon ? fit la voix lointaine de l'invité, les yeux toujours noyés
dans l'assistance.
_ Oui. J'avais craint que vous n'ayez eu peur, renchérit l'homme de
spectacle en cachant ses pensées véritables sous un sourire condescendant.
_ La véritable foi ne subit pas les affres de la peur, se contenta-il
de répondre.
_ Oui, mais au...
L'homme s'arracha soudain de sa torpeur et coupa l'animateur avec une
vigueur surprenante. Il semblait que son inspection de l'assemblée, ou quoi
que cela puisse être, était terminée et qu'il était prêt à affronter son
interlocuteur.
_ Nous n'allons pas gaspiller le temps qui nous est imparti en
frivolités et en échanges douteux, attaqua-t-il. Je suis venu dans votre
piteuse émission dans le but de révéler au public et aux médiaspectateurs
qui je suis et qui je représente.
_ Dans ce cas là, révélez donc, lâcha le médiateur entre ses dents,
vexé.
Léopold se tourna vers la caméra 1, dont la veilleuse rouge se reflétait
faiblement sur son crâne luisant. Son expression se transforma peu à peu
jusqu'à exprimer la bonté miséricordieuse qui était de rigueur dans ces
circonstances.
_ Messieurs, Mesdames, annonça-t-il solennellement, fidèles de tous
les pays, représentants de toutes les religions du monde. L'information que
je détiens n'est pas des plus simples à annoncer. Je m'excuse par avance de
l'effet pervers et transitoire qu'elle risque de causer dans vos esprits et
vous demande de vous préparer à voir toutes vos convictions, vos certitudes
et vos croyances ébranlées par cette révélation.
« Je ne suis pas un plaisantin venu sur un plateau de média pour
chercher la célébrité ou un dément venu troubler l'ordre social établi par
mes pères. Je suis ici le plus simplement du monde pour vous annoncer la
nouvelle la plus réjouissante que vous puissiez attendre et la plus
étonnante que vous puissiez imaginer.
« Amis croyants, et plus particulièrement mes compatriotes de l'Eglise