format Word - Solidarité rurale du Québec

Avant de passer à la présentation de quatre expériences novatrices de création d
'emplois, j'aimerais m'attarder quelques instants sur les causes principales et ......
Ces préoccupations s'ajoutent à une liste déjà bien longue et très pertinente d'
interrogations soulevées par les différents groupes qui se sont exprimés dans le
 ...

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Chapitre XV
En marge de la ruralité... mais jamais très éloigné
La ruralité québécoise à travers ses caractéristiques, sa dynamique
d'évolution et son cadre institutionnel d'aménagement et de développement,
a constitué la trame principale de mon parcours universitaire, sans
toutefois monopolisé tous mes intérêts académiques, professionnels et
citoyens. Les quarante années évoquées ont aussi été faites d'expériences vécues dans
d'autres domaines ; certaines en terrains totalement différents, d'autres
en liens plus ou moins rapprochés avec les questions rurales. C'est de ces
dernières que témoigneront les textes qui suivent. 101. Travail bénévole obligatoire pour les sans-emplois : attention au
dérapage.[1]
La proposition adoptée récemment par la municipalité de Val-des-Monts selon
laquelle les bénéficiaires d'aide sociale aptes au travail devraient ?uvrer
bénévolement au sein d'entreprises, d'organismes communautaires ou de
municipalités pour obtenir leurs prestations, a eu l'effet d'une traînée de
poudre. En moins de deux mois, plus de 500 municipalités du Québec se sont
ralliées à cette proposition. Invitée par plusieurs municipalités membres,
l'Union des municipalités régionales de comté (UMRCQ) inscrira la
proposition de Val-des-Monts à l'ordre du jour de son congrès qui se
tiendra à Québec à compter du 30 septembre prochain. L'idée ne semble pas
non plus déplaire au ministre Bourbeau qui déclare ne pas la trouver
« inintéressante ». Lundi le 10 août, le Conseil municipal de Rivière-du-
Loup donnait plus d'ampleur au projet de Val-des-Monts en adoptant une
résolution analogue incluant les prestataires d'assurance-chômage. Le ras-le-bol des travailleurs-payeurs.
Le succès de cette prise de position tient au fait qu'elle dit tout haut ce
que bien des gens pensent tout bas. Elle traduit la frustration, le ras-le-
bol des « travailleurs-payeurs » vis-à-vis l'instauration d'un phénomène de
sous-emploi chronique dont l'ampleur et la durabilité ont conduit au
développement d'une société parallèle dépendante, présente à des degrés
plus ou moins aigus, dans la grande majorité des municipalités du Québec. Selon les dernières statistiques du ministère de la Main-d'?uvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, il y a présentement
au Québec quelque 460 000 personnes, seules ou chefs de famille, qui
reçoivent des prestations d'aide sociale, dont 360 000 sont aptes au
travail. S'ajoutent à ce nombre environ 500 000 chômeurs et 40 000
personnes qui ne sont inscrites ni à l'un ni à l'autre de ces programmes
d'assistance, notamment des étudiants décrocheurs. Ainsi, le nombre de
personnes aptes au travail, mais sans emploi, est de l'ordre de 900 000
personnes, alors que ceux qui travaillent sont environ 2 900 000. Compte
tenu de la conjoncture économique actuelle, il ne faut pas s'attendre à une
correction significative de ce rapport dans un proche avenir, c'est plutôt
l'inverse qui risque de se produire. Le budget de l'aide sociale au Québec
atteint présentement $ 3.7 milliards alors que celui du chômage est de
l'ordre de $ 7 milliards (plus de $ 20 milliards pour l'ensemble du
Canada). Les effets pervers de la crise de l'emploi.
Ces chiffres sont énormes, tragiques. Ils traduisent la faillite du système
économique et rappellent aux pouvoirs publics que dans cette lutte il ne
faut pas se tromper de cible : celle-ci n'est pas le sans-emploi mais la
pénurie de travail. Ce qui ne signifie pas que les sans-emploi ne sont pas
partie prenante dans cette lutte sans merci contre le chômage. Ceux qui
travaillent paient la note. Le message des conseils municipaux est à
l'effet que les bénéficiaires (ceux qui sont aptes au travail) doivent
participer à résoudre le problème. La crise aiguë de l'emploi revêt deux dimensions. En amont, les difficultés
du système économique à créer du travail pour tous. Les facteurs
explicatifs sont nombreux : concurrence internationale forte, productivité
en constante progression, engorgement dans certains secteurs de production,
mauvaise répartition du travail, échec du modèle de croissance
économique... En aval, la marée croissante de travailleurs et travailleuses
de tous âges et de toutes catégories qui ne parviennent pas à s'insérer
dans le système de production. L'effet pervers de cette situation est aussi à deux dimensions. En amont
-pour reprendre le même schéma- les divers paliers de gouvernement
déclarent laconiquement qu'ils ne peuvent rien, que c'est dans l'ordre des
choses, que tout est dû à la mondialisation ; on en arrive à une telle
banalisation de la crise que le chômage est considéré par les grands
planificateurs de l'État comme un régulateur de développement : « Le
chômage demande à être compris comme le fruit de certaines propriétés de
l'équilibre général de l'économie. » (Ph. D'Iribarne) Qui a dit : « Un
chômeur c'est une tragédie, 50 000 chômeurs, c'est une statistique » ? En
aval, l'effet pervers se traduit par l'instauration d'une mentalité de
dépendance. Déçue, désabusée, une partie de la « population inactive »
abdique dans la quête pour l'emploi et opte pour le « confort et
l'indifférence » que procure les programmes de soutien du revenu comme mode
de vie alternatif à l'exclusion. Petit confort, fera-t-on valoir,
comparable toutefois à celui de bien des travailleurs et travailleuses à
salaire minimum. L'instauration d'une culture de dépendance
L'exclu est victime soit, mais il n'y a pas de fatalité à la dépendance.
S'il y a explication, il n'y a pas pour autant justification, légitimation
à la démission et aux abus. Depuis quinze ans que j'étudie sur le terrain,
le processus de déclin et de désintégration économique et sociale des
collectivités rurales du Québec, j'ai pu observer la montée progressive de
cette mentalité de dépendance et constater avec désolation à quel point
elle contribue à priver le Québec de talents et d'énergies dont il a
pourtant tant besoin. Le gaspillage de ressources humaines est un des
aspects les plus sombres de notre société de fin de siècle. Les conseils municipaux qui sont sympathiques aux résolutions de Val-des-
Monts et de Rivière-du-Loup sont composés de citoyens ordinaires
(commerçants, petits industriels, enseignants, travailleurs sociaux,
agriculteurs...) qui sont les témoins, dans leur milieu, des diverses
manifestations de cette mentalité de dépendance : quitter son emploi
lorsque le nombre de semaines minimum requis pour être éligible au chômage
est atteint (pratique qu'on appelle « travailler au chômage » dans le Bas-
St-Laurent), refuser un travail sous prétexte avoué que le salaire offert
est bien peu supérieur, voire inférieur aux prestations de chômage ou de
bien-être social, avec en prime la perte de liberté, interrompre ou refuser
un travail parce qu'on a plein de tâches à accomplir chez soi (menus
travaux de réparation ou d'entretien de la maison...). Ainsi, malgré les taux élevés de sans-emploi, plusieurs commerces et
petites industries en milieu rural et dans les petites villes connaissent
des difficultés au niveau de l'embauche. Un propriétaire d'une entreprise
moyenne en Gaspésie me confiait récemment que son principal concurrent dans
le recrutement de son personnel, c'est l'assurance-chômage. Dans un petit
village du Bas-St-Laurent, les employés actionnaires d'une scierie qui
créait environ vingt-cinq emplois saisonniers (15 à 20 semaines) optent,
après l'incendie de leur entreprise, pour le partage du paiement de
l'assurance plutôt que de donner suite à un projet d'entreprise qui aurait
été en opération sur un plus grand nombre de semaines par année. Il y a les
« timbres de chômage » qu'on achète auprès d'employeurs complaisants. Il y
a ces entreprises saisonnières que l'on crée dans le seul but de procurer
le nombre de semaines requis pour assurer l'éligibilité au chômage, ce
qu'on appelle les « machines à timbres ». Et que dire de toutes ces
formations rémunérées que l'on suit sans motivation, sans réelle volonté
d'en tirer avantage pour changer sa condition ? Il ne faut pas se surprendre que la caissière du dépanneur qui travaille
cinquante heures par semaine au salaire minimum et le petit garagiste du
village qui parvient difficilement à se faire un revenu décent soient
perturbés par des clients prestataires (ces bénéficiaires de la 10/42,
selon une expression courante : 10 semaines de travail pour 42 semaines de
prestations de chômage), qui n'ont pas moins de revenus qu'eux (ils en ont
parfois plus), et n'ont aucune obligation ni responsabilité envers qui que
ce soit quant à leur revenus et qui les regardent travailler. Cette énumération de faits ne constitue pas une charge contre les sans-
emploi. Elle veut seulement témoigner d'une réalité que l'on tait
généralement mais sans la reconnaissance de laquelle, toute lecture de la
situation demeure incomplète, faussant ainsi le débat. Toutes ces personnes agissent pour la plupart dans la légalité. L'aspect
critiquable de la situation se situe dans le désengagement, dans la
démission face au travail et à la responsabilité d'être l'artisan de son
niveau de vie. Une société qui se développe est une société au travail, travail de
production, mais aussi, travail socialement utile. Les attitudes que nous venons de présenter sont partout présentes au Québec
façonnant une culture de dépendance transmise au sein des familles et
tolérée, sinon nourrie, par les coll