Normes sur la valence émotionnelle de 604 mots ... - Lexique.org

BONIN (Patrick), MEOT (Alain), AUBERT (Lydie), MALARDIER (Nathalie),
NIEDENTHAL (Paula), CAPELLE-TOCZEK (Marie-Christine). ? Normes de
concrétude, de valeur d'imagerie, de fréquence subjective et de valence
émotionnelle pour 866 mots, L'Année psychologique, 4, 104, 2003, p. 655-694.
BRADSHAW (John ...

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Laboratoire de Psychologie Expérimentale de la Mémoire et de la
Cognition
Université Montpellier III*
Evaluations des caractéristiques émotionnelles d'un corpus de 604 mots Par Arielle Syssau et Noëlle Font**
Titre courant : Caractéristiques émotionnelles des mots
* Route de Mende 34199 Montpellier Cedex 5.
** Les auteurs tiennent à remercier tout particulièrement les experts
anonymes pour la pertinence de leurs remarques ainsi que C. Monnier pour sa
relecture critique de ce manuscrit.
Toute correspondance concernant cet article doit être adressée à
arielle.syssau@univ-montp3.fr et la norme complète sera envoyée sur simple
demande. Titre : Evaluations des caractéristiques émotionnelles d'un corpus de 604
mots.
Mots-clés : valence émotionnelle, intensité, évaluations subjectives,
normes lexicales
Résumé
Dans ce travail, nous présentons une norme concernant la dimension
émotionnelle de 604 mots effectuée à partir d'une évaluation de la valence
avec une échelle nominale à trois modalités (négatif, neutre et positif) et
d'une évaluation de la valence combinée à l'intensité avec une échelle
ordinale bipolaire relative en 11 points. Au total 600 participants ont
participé à ces deux évaluations. Les classifications des mots obtenues à
partir de ces deux types d'échelle diffèrent. Les mots classés comme étant
indubitablement de valence positive ou négative dans la première évaluation
ne sont pas pour autant tous classés parmi les mots les plus intenses dans
la deuxième évaluation. Par ailleurs, la prise en compte des résultats des
deux évaluations est particulièrement heuristique pour l'identification de
mots réellement neutres. Ces deux évaluations viennent compléter les normes
sur la dimension émotionnelle déjà existantes et devraient favoriser la
manipulation expérimentale de facteurs sémantiques dans les recherches en
psycholinguistique. Title : Evaluations of emotional characteristics of a set of 604 words.
Key-words : emotional valence, intensity, subjective evaluation, lexical
norms
Abstract
In this study, we present a norm that concerns the emotional dimension.
This norm contains 604 words and is established from a valence evaluation
constituted with a 3-modality scale (negative, neutral and positive) and
from a valence combined with intensity evaluation through a relative
bipolar ordinal scale reaching 11 points. Totally, 600 participants passed
both evaluations. The word classifications obtained from both scales are
different. Words indubitably categorized with a positive or negative
valence in the first evaluation are not necessarily all categorized as the
most intensive words in the second evaluation. In an other side, the whole
results from both evaluations taken together into consideration are
particularly heuristic for the identification of truly neutral words. Both
evaluations are complementary of already published emotional norms and
should favour the experimental manipulation of semantic factors in
psycholinguistic research. INTRODUCTION Les mots de notre langue sont des unités complexes qui se définissent
par un ensemble de caractéristiques formelles et sémantiques. La plupart de
ces caractéristiques déterminent la rapidité et la facilité avec lesquelles
un lecteur est capable de reconnaître et de comprendre les mots qui lui
sont présentés. Dans cette optique, il est d'un intérêt considérable
d'identifier et de mesurer de manière fiable les caractéristiques
susceptibles d'avoir un effet sur les processus de reconnaissance et de
compréhension des mots.
Généralement, les différentes caractéristiques des mots sont
consultables dans des bases de données ou normes lexicales, elles-mêmes
recensées dans des travaux bibliométriques (Brown, 1976 ; Bradshaw, 1984 ;
Lavaur, Font, 2000). Certaines de ces caractéristiques sont mesurées de
manière objective et font l'objet d'un simple dénombrement (e.g., le nombre
de lettres ou la fréquence écrite), néanmoins d'autres caractéristiques ne
peuvent pas être appréhendées directement. Elles doivent être mesurées de
manière subjective et font alors l'objet d'évaluations par une population
de juges (e.g., le nombre de significations ou le caractère
concret/abstrait). Parmi ces caractéristiques subjectives, certaines
concernent les aspects émotionnels d'un mot comme son caractère positif ou
négatif ou encore son intensité émotionnelle.
Les effets des caractéristiques émotionnelles des mots sur leur
reconnaissance ont été mis en évidence dans deux domaines de la
psychologie. Le premier domaine est consacré à l'étude de l'influence de
l'état émotionnel des individus sur le traitement d'informations dont la
valeur émotionnelle est congruente ou non avec cet état (voir pour une
revue de questions, Corson, 2002). Par exemple, Niedenthal, Halberstadt et
Setterlund (1997) ont montré qu'une humeur joyeuse induite chez les
participants réduisait les temps de décision lexicale et de dénomination
des mots relatifs à la joie alors qu'une humeur triste facilitait les
performances pour les mots relatifs à la tristesse. Les études se
rapportant au deuxième domaine examinent l'influence des caractéristiques
émotionnelles des mots sur leur reconnaissance indépendamment de l'état
émotionnel des individus. Par exemple, Bargh, Chaiken, Raymond et Hymes
(1996) ont mis en évidence des temps de dénomination plus rapides pour des
adjectifs plaisants que pour des adjectifs déplaisants avec des
participants dont l'état émotionnel n'était pas contrôlé. Dans une tâche de
décision lexicale auditive, Wurm et Vakoch (1996) ont obtenu des temps de
réponse plus courts pour les mots relatifs à la joie que pour ceux relatifs
à la peur et au dégoût. De manière générale, ces résultats mettent en
évidence une influence potentielle de la dimension émotionnelle des mots
sur leur traitement. Dans cette perspective, certaines études (Hermans, de
Houwer, 1994 ; Wurm, Vakoch, 1996 ; Wurm, Vakoch, 2000) se sont attachées à
spécifier les constituants de la dimension émotionnelle des mots
susceptibles d'avoir un effet sur les processus de reconnaissance lexicale. D'un point de vue théorique, Frijda et collaborateurs (Frijda, 1988 ;
Sonnemans, Frijda, 1995) ont considéré que toute émotion peut être définie
d'une part par sa dimension hédonique, c'est-à-dire sa valence positive ou
négative, et d'autre part par son intensité, c'est-à-dire l'ampleur de
l'émotion ressentie. Ces deux caractéristiques de l'émotion (valence et
intensité) ont été reprises dans le cadre plus restreint des recherches en
psycholinguistique. Certaines recherches ont plutôt appréhendé la dimension
émotionnelle des mots par l'intensité (Brown, Ure, 1969 ; Campos, 1990 ;
Campos, 1992) alors que d'autres se sont plutôt centrées sur la valence
positive ou négative (Silverstein, Dienstbier, 1968 ; French, Richards,
1992 ; Hermans, de Houwer, 1994). Ainsi, le caractère émotionnel d'un mot
peut se résumer à deux indicateurs : sa valence et son intensité[1]. Mais
il reste encore à savoir si tous les mots de la langue peuvent être classés
selon ces deux caractéristiques. Si ce classement est aisé pour les mots
qui désignent des émotions ou des sentiments (mots dénotatifs) tels que
« joie » ou « tristesse », il est moins évident pour les mots qui ne
réfèrent pas directement à une émotion. Parmi ces derniers, certains
peuvent néanmoins être caractérisés par une valence et une intensité (e.g.,
« mort » ou « famille »), on dit alors qu'ils connotent une émotion. Par
ailleurs, certains mots ne sont ni dénotatifs, ni connotatifs d'une émotion
et il est difficile de leur attribuer une valence et une intensité. Ces
mots peuvent alors être considérés comme non émotionnels ou neutres (e.g.,
« seau » ou « fréquence »). La plupart des recherches en psycholinguistique
vont utiliser la présence d'une valence et d'une intensité pour
sélectionner les mots émotionnels (dénotatifs et connotatifs) et a
contrario leur absence pour sélectionner les mots neutres.
Pour chacun de ces deux aspects de la dimension émotionnelle,
l'ensemble des études normatives compile les résultats des évaluations
d'une population de juges. Néanmoins, les consignes et le type d'échelle
proposés varient d'une étude à l'autre. Dans les évaluations de l'intensité
émotionnelle des mots, les juges donnent leurs réponses sur des échelles
ordinales en plusieurs points (e.g., une échelle en 7 points avec 1 = pas
d'intensité émotionnelle et 7 = émotion très intense, dans l'étude de
Campos, 1990). Les consignes d'évaluation de l'intensité peuvent parfois
stipuler de ne pas tenir compte de la valence. Dans la plupart des
évaluations de la valence, les juges donnent également leurs réponses sur
des échelles ordinales en plusieurs points, mais ces échelles sont
bipolaires avec un pôle négatif et un pôle positif. On considère alors que
la valence des mots s'exprime sur un continuum représenté soit par des
nombres relatifs (e.g, -5 = très négatif et 5 = très positif, Zammuner,
1998) soit par des nombres naturels (e.g, 1 = très négatif à 5 = très
positif, Messina, Morais, Cantraine, 1989 ; Bonin, Meot, Aubert, Malardier,
Niedenthal, Capelle-Toczek, 2003). Notons que les échelles « relatives »
présentent l'avantage de