prisons - Utopie et démocratie humanitaire aux États-Unis et en ...

L'Anglais Crawford, qui a lui aussi voyagé aux États-Unis, est également bien .....
demande que le sort des prisonniers ne dépende plus de la charité ou de la ....
ne devons pas espérer qu'on se corrige en prison, mais cherchons au moins à
...... du système pénitentiaire, l'exercice du culte doit aussi être considéré comme
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La réforme pénitentiaire en France Nous avons de quoi vous prouver que le système
pénitentiaire [américain] réforme et qu'il ne réforme
pas, qu'il est cher et qu'il est bon marché ; d'une
exécution facile ou impraticable ; en un mot, qu'il
convient ou ne convient pas à la France, au choix de
l'interlocuteur ; et nous nous engageons à appuyer
chacune de ces assertions d'exemples très pertinents.
(Alexis de Tocqueville, lettre à Ernest de Chabrol,
19/11/1831)
Cette partie consacrée à la réforme pénitentiaire en France constitue
une étude d'interactions : sous la monarchie de Juillet, les discussions
sur les pénalités se réfèrent en effet pratiquement toutes au modèle
américain, de manière implicite ou explicite. Dans les trois parties
précédentes, on a successivement examiné deux mouvements, l'abolitionnisme
et le féminisme, sous l'angle de la comparaison franco-américaine, puis un
troisième, le fouriérisme américain, en tant qu'adaptation d'un système de
pensée français aux États-Unis - en tant, autrement dit, que forme d'action
de la France sur les États-Unis. Dans cette partie, la quatrième « étude de
cas » de la thèse, on s'intéresse à la réception et à l'adaptation en
France d'une réforme - la réforme pénitentiaire - initialement entreprise
et mise en ?uvre aux États-Unis. Il s'agit en somme d'un symétrique de la
partie précédente, étant entendu que, comme pour le fouriérisme, le terme
d'« interaction » est à entendre lato sensu : en effet, les débats menés à
Paris au sujet des prisons n'exercent pas de réelle influence sur le sol
américain. En revanche, le processus d'importation en présence duquel on se
trouve permet de parler d'« action » d'un phénomène américain dans la vie
nationale française.
Tout comme pour le fouriérisme, l'objectif ne consiste pas ici à
comparer terme à terme une doctrine française et une doctrine américaine de
la pénalité. On souhaite plutôt identifier et analyser ce qui, dans la
manière dont le sujet de la réforme pénitentiaire est traité en France,
illustre la portée de la dimension nationale dans le courant réformateur de
l'époque - et quel éclairage en est apporté sur la dimension
transatlantique.
Tout comme dans les précédentes parties, on procédera ici en trois
temps, de la manière suivante : après une mise en contexte de la question
(aperçu de la situation, périodisation, objectifs généraux), on proposera
un « état des lieux », portant en l'occurrence sur la recherche et les
sources, afin de dégager un bilan qui permettra de formuler un certain
nombre d'hypothèses. Les propositions ainsi élaborées seront analysées,
dans un dernier temps, au moyen d'une grille de lecture prenant en compte
plusieurs caractères semblables ou différents en France et aux États-Unis ;
aux habituels domaines socio-économique, politique et religieux, on
ajoutera ici une dimension plus globale qui relève de la notion de
« culture nationale ». Contexte La réforme pénitentiaire est au début du XIXe siècle un problème qui
se pose sans conteste dans toutes les sociétés occidentales : aux États-
Unis et en France, on va le voir en détail, mais également en
Angleterre[1], en Suisse[2], en Belgique et aux Pays-Bas[3], en Prusse[4],
en Italie[5], etc. Partout se déroulent de semblables débats, selon une
évolution assez similaire[6]. C'est que, en Europe comme en Amérique, deux
nouveautés principales sont apparues avec le siècle au sein de l'opinion
publique et dans l'esprit du législateur. D'une part, le système des peines
ne répond plus aux attentes des gouvernants en matière de protection de la
société, les classes laborieuses des grandes villes sont tenues pour
dangereuses, la crainte des éléments incontrôlés (les prolétaires, les
Irlandais, etc.) s'intensifie. D'autre part, on cherche plus
systématiquement à éviter les récidives, non seulement parce qu'un criminel
repenti représente une menace moindre pour l'ordre social, mais aussi parce
que le regard sur les causes de la délinquance a tendance à changer : elle
n'est plus forcément considérée comme une tare inévitable touchant
l'individu, certains y voient une déviation causée par la société, qui peut
être évitée ou à laquelle on envisage de remédier ; durant un temps au
moins, il devient possible de songer à régénérer l'homme, y compris le
coupable. Ce faisant, la correction passe d'une panoplie de supplices
visant le corps du condamné, jusqu'à le détruire, à une série de mesures
destinées à atteindre son intelligence et son c?ur, son moral et son mental
plutôt que son physique. Par ailleurs, d'autres facteurs entrent en jeu,
moins directement visibles quand ils sont d'ordre économique, plus
difficiles à revendiquer ouvertement quand ils relèvent du politique et du
contrôle dans les sociétés démocratiques.
Le caractère international de la réflexion engendre de nombreux
échanges, directs et indirects, entre spécialistes ; il facilite aussi
l'établissement de commissions d'enquête chez les voisins : en ce qui
concerne les Français, il est clair qu'ils sont « bien informés sur les
dernières innovations et les nouveaux modèles des réformes[7] ». Cette
dimension transnationale contribuera d'ailleurs à la mise en place d'une
réflexion à laquelle prennent part les spécialistes d'Europe et
d'Amérique : la première édition des congrès internationaux, manifestations
appelées à se multiplier durant la seconde moitié du siècle, en dépit de la
méfiance des gouvernants[8], se tient dès 1846 à Francfort-sur-le-Main - à
Bruxelles l'année suivante. La question pénitentiaire au début du XIXe siècle Au début du XIXe siècle, la situation du système pénitentiaire
préoccupe les législateurs des deux côtés de l'Atlantique. Avant de
s'essayer à une comparaison France/États-Unis et, surtout, à l'examen de
l'influence du modèle américain en France, il convient de proposer, pour
chacun des deux pays, un aperçu de la situation qui conduit aux réflexions
et aux mesures réformatrices. Aux États-Unis
Le système pénal à l'époque coloniale Le constat concernant l'époque coloniale de l'histoire américaine fait
l'unanimité : dans les colonies anglaises d'Amérique du Nord, le système
pénal fonctionnait sur la base des codes britanniques adaptés au contexte
américain. Les criminels étaient alors sévèrement punis, mais fort peu au
moyen de l'emprisonnement. Lorsqu'elles ne condamnaient pas à l'exécution
capitale, les juridictions locales utilisaient surtout les amendes et le
fouet, sanctions parfois assorties de peines de pilori ou d'exposition, et
expulsaient les coupables hors des limites de la ville. Par ailleurs, les
bâtiments qui faisaient office de prison hébergeaient des prévenus en
attente de jugement, voire des témoins appelés à comparaître ; ni leur
architecture, banale, ni leur organisation interne, très lâche, ne
préfiguraient réellement le système pénitentiaire[9]. L'historien David
Rothman voit dans ce qu'il présente comme une absence
d'institutionnalisation le reflet des conceptions religieuses de colons
marqués par la doctrine de la prédestination :
Given their conception of deviant behavior and institutional
organization, they [colonial Americans] did not believe that a jail
could rehabilitate or intimidate or detain the offender. They placed
little faith in the possibility of reform. Prevailing Calvinist
doctrines that stressed the natural depravity of man and the powers of
the devil hardly allowed such optimism. Since temptations to misconduct
were not only omnipresent but practically irresistible, rehabilitation
could not serve as the basis for a prison program. Moreover, local
officials believed that a policy of expulsion offered the community
some protection against recidivism[10].
Danielle Laberge rejoint le constat de David Rothman relatif au faible
degré d'institutionnalisation des peines durant la période coloniale ; en
revanche, son interprétation de la situation insiste sur d'autres
critères : « [...] les mesures institutionnelles sont peu courantes, ceci
correspondant au peu de place qu'elles occupent dans le champ
idéologique », admet-elle, avant de poursuivre : « mais de façon beaucoup
plus fondamentale, leur absence quasi totale s'explique par les conditions
économiques et démographiques prévalentes et qui favorisent la mise en
?uvre d'autres modalités[11] ». Elle insiste ainsi sur la mise au travail
forcé, cette servitude présentant le double avantage de ne pas être
coûteuse pour le contribuable et de permettre de combler les carences en
main-d'?uvre. La réforme du système pénal Quelle que soit l'interprétation que l'on privilégie, entre le
contrôle social et les considérations économiques, la situation évolue au
moment de la Révolution américaine et au début du XIXe siècle : que ce soit
parce que l'image du coupable se modifie en même temps que la
responsabilité de la société et du milieu[12], parce qu'on rompt clairement
avec la doctrine de la prédestination et que l'on croit possible le salut
du criminel, parce que la prison se présente comme le cadre matériel dans
lequel la sentence de travaux forcés peut être exécutée[13], ou encore
parce que le nouveau pouvoir