Association Germaine TILLION

A l'heure des bilans et des examens de conscience, au moment où l'on ne ....
Dans son livre revu et corrigé, à tort ou à raison, elle témoigne du contraire. ......
de l'Université de Florianopolis, dont Miriam Grossi et Carmen Rial (membre de ...

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Association Germaine TILLION
7 place Pinel, 75013 PARIS Compte-rendu de
l'ASSEMBLEE GENERALE du 14 juin 2006 à la Fondation de la Résistance, 30 bd des Invalides, Paris VIIe
L'ordre du jour était le suivant : 1 - Accueil par Monsieur le Préfet V. CONVERT, Directeur général de la
Fondation de la Résistance 2 - Propos liminaire par Jean DANIEL Directeur du Nouvel Observateur 3 - Historique de l'association Germaine Tillion par son président,
Tzvetan TODOROV 4 - Activités de l'association depuis sa création par sa secrétaire
générale,
Anise POSTEL-VINAY, 5 - Rapport financier par Julien BLANC, Trésorier 6 - Tour d'horizon des événements liés à l'oeuvre et à la personne de
Germaine Tillion, présenté par leurs divers initiateurs et par Nelly
FORGET, secrétaire adjointe 7 - Projets 8 - Questions diverses ACCUEIL par Monsieur le préfet Victor CONVERT, directeur général de la
Fondation de la Résistance Je vous accueille avec plaisir dans ce lieu qui reçoit plusieurs
associations liées à la Résistance. Vous trouverez dans les documents mis à
votre disposition le rapport des activités de la Fondation de la
Résistance. Je vous en présente le nouveau Président, M. Pierre Sudreau
ainsi que M. Pierre Morel, vice-président.
Je laisse la parole à M. Sudreau.
INTERVENTION de Pierre SUDREAU, Président de la Fondation de la Résistance
Je suis très heureux d'être parmi vous et de compter parmi l'assistance
des membres de notre Fondation, entre autres, Denise Vernay et Anise Postel-
Vinay.
Toute ma vie, j'ai été associé à Germaine Tillion ainsi qu'à Etienne
Bauer qui a créé Liberté-Mémoire pour publier des ouvrages sur la
Résistance. Germaine Tillion en a été la première présidente. C'est
maintenant à moi maintenant qu'échoit cet honneur. Mais nous avons continué
jusqu'à une date récente à nous réunir chez elle pour préparer ces
publications.
GT est un symbole pour moi car elle a posé les grands problèmes de
l'humanité et de son devenir, c'est-à-dire les relations entre les hommes,
les races... et le futur. Elle a montré la fragilité de notre planète,
thème qui commence à être connu maintenant. Il faut coûte que coûte
améliorer les relations entre les hommes et donc que GT, trop longtemps
méconnue, soit entendue. M.le préfet Convert transfère la présidence de la séance à M. Tzvetan
Todorov, président de l'association Germaine Tillion.
INTERVENTION DE Tzvetan TODOROV, président de l'association Germaine
Tillion
Je remercie la Fondation de la Résistance pour son accueil. Je remercie
toutes les personnes présentes et notamment ceux qui viennent de loin, M.
H. Bauer de Berlin, Mme Goedeke, M. Strebel de Hanovre, Mme Nancy Wood de
Californie.
Nous regrettons que ne soit plus des nôtres M. Mohamed-Taïeb FARES,
membre de notre association, ancien Inspecteur des Centres Sociaux en
Algérie, qui est décédé il y a un peu plus d'un mois, à l'âge de 96 ans.
L'ordre du jour va maintenant commencer avec le
PROPOS LIMINAIRE DE JEAN DANIEL, Directeur du Nouvel Observateur et membre
du conseil d'administration de l'association
Chers Amis,
Les raisons que nous avons chaque jour d'être plus pessimistes que la
veille sont les mêmes qui nous font nous réfugier dans les abris de
l'admiration. Cela veut simplement dire que nous avons aujourd'hui encore
plus de raison qu'hier d'admirer Germaine Tillion.
Je trouve significatif qu'un essayiste comme Emile Michel Cioran, qui a
fait de la désespérance sur l'homme une véritable raison d'être, ait
intitulé son plus beau livre : Exercices d'admiration. On le connaît plutôt
pour son Précis de décomposition, mais les deux livres sont évidemment
complémentaires.
Tout cela pour dire qu'à chaque crise sur la justification de
l'existence, à chaque moment où l'on se souvient que l'homme est un loup
pour l'homme et que « vanité des vanités, tout est vanité », la présence ou
l'évocation de certains êtres procure les étranges et miraculeuses
surprises de « l'Apparition ».
C'est le sentiment qui survient et qui frappe comme une évidence lorsque
l'on pense à des êtres comme Germaine Tillion. A l'heure des bilans et des
examens de conscience, au moment où l'on ne peut plus tricher et qu'il faut
en finir avec sa part de comédie, alors si l'on pose la question : qu'as-tu
fait de lumineux dans ta vie, de clair, d'incontestable ? La plupart du
temps, la réponse est unique : j'ai fréquenté et admiré certains êtres
d'exception.
Nous sommes désormais nombreux à compter parmi ces êtres une femme
simple, tranquille et obstinée dont le parcours n'est constitué que par des
étapes d'héroïsme secret et de lucidité prodigue. Avec, chez notre
Germaine, cette fausse grisaille et cette trompeuse banalité qui dissuadent
sans cesse l'imposture.
Car la vertu la plus contagieuse de Germaine Tillion est d'une autre
nature. Elle ne prêche ni ne sermonne. Elle ne se donne ni en exemple ni en
spectacle. Elle n'est même pas sûre qu'il faudrait, dans d'autres
circonstances, faire ce qu'elle a fait ni ce qu'elle est en train de faire.
Si elle ne partage pas « l'esprit de revanche », elle y découvre la grimace
de l'humanité. Quant à « l'esprit de vengeance », si contraire à tout son
être, elle l'étudie en ethnologue plus qu'elle ne le condamne en moraliste.
Et je réfléchis, je cherche, je creuse : qu'est-ce qui fait la
singularité de cette femme par tant de côtés si semblable aux autres ? On
sait tout désormais sur elle. On a tout dit, du moins ce qu'elle permettait
que l'on dît. Jeune ethnographe, elle devait souvent rappeler avec
gratitude ce qu'elle devait à son premier maître Louis Massignon, qui
l'avait initiée aux richesses du monde arabo-musulman. Mais c'est à Marcel
Mauss, son autre maître, et probablement l'un des plus prestigieux
universitaires de la France de cette époque, qu'elle doit d'avoir été
envoyée en mission dans les Aurès dès 1934. L'empreinte algérienne commence
ici. Elle ne sera jamais effacée, et même pas par la déportation.
Bien sûr, elle va faire tout ce qu'il convient de faire avec la seule
inspiration de l'évidence. Elle entre en résistance un jour avant que De
Gaulle n'y appelle, le 17 juin 1940. La déportation, la disparition des
proches, la dénonciation de l'univers concentrationnaire, au lieu de la
détourner de l'Algérie, paraissent devoir l'y reconduire. Et pour ma part,
si je parle de l'Algérie, c'est que l'on n'en a jamais terminé avec elle et
que Germaine Tillion a eu cette audace si insolite de ne pas répondre à ses
propres questions, à en laisser certaines ouvertes.
Jusqu'où peut aller la résistance ? Comment accepter le terrorisme contre
les civils ? Faut-il lutter pour une cause ou sauver des vies ? La cause du
nationalisme est-elle au-dessus de la souffrance des enfants ? Les
questions sont ouvertes. D'autre part, et c'est essentiel, Germaine Tillion
n'a pas vécu la guerre d'Algérie comme une simple, ancienne et définitive
confrontation entre oppresseurs et opprimés. Même si c'est à la répression
de l'armée française qu'elle a réservé ses invectives les plus
dénonciatrices. Mais elle s'est souvenu de sa thèse première et elle a
longtemps continué de faire comme si les ennemis musulmans et européens
d'Algérie étaient complémentaires et comme si leurs droits à la justice et
à la réparation étaient absolument égaux. C'est ce que Simone de Beauvoir
ne lui a jamais pardonné, pas plus qu'elle ne l'a fait pour Camus.
Un livre vient de paraître d'un grand indianiste israélien, David
Shulman, partisan d'une forme de gandhisme non-violent. C'est un livre très
tolstoïen comme « Maîtres et serviteurs » tel que Germaine Tillion et Camus
les aimaient. Il ne cesse de poser la question de savoir comment répondre
au Mal et réduire la violence. Est-ce que la charité ne sert-elle pas
d'hypocrite superstructure à l'injustice ? Mais que veulent, à la fin des
fins, les Shulman, les Camus et les Germaine Tillion, sinon de sauver les
âmes et les corps à défaut de faire avancer une cause ? On pense à la trêve
souhaitée par Camus pendant la guerre d'Algérie. Quand Germaine Tillion
rencontre les terroristes de la Casbah et quand elle injurie presque les
résistants de n'aimer que la terreur, on est avec elle, dans la modernité,
dans la gratuité éternelle de la violence. Il ne faudrait pas, par esprit
hagiographique, que l'on déforme et transforme les pensées que Germaine
Tillion a conçues à partir de son expérience algérienne. Son livre sur les
« ennemis complémentaires » vient de reparaître et elle a souligné elle-
même les échecs de certaines de ses thèses depuis que les Algériens se sont
débarrassés de leurs ennemis ou les ont conduits à l'exil. Ce pourquoi je
suggérais que l'on trouvât un autre titre à cette réédition mal diffusée et
qu'il faudra bien un jour reprendre.
En clair, cela signifie qu'elle ne pourrait souscrire à l'exigence de
repentance formulée par le président de la République algérienne. La
construction d'un avenir de complémentarité s'accommode mal d'un culte du
passé et de sa mutilation historique. Les positions de Germaine Tillion ne
sont récupérables par personne. Ni, bien entendu, par les nostalgiques de
l¹Algérie française, quand elle affirme qu'au moins chronologiquement ils
sont à l'origine de la terreur. Ni par ceux qui, aujourd'hui, ne voient
dans les anciens amis et alliés de la France que des traîtres et des
collaborateurs. Dans son livre revu et corrigé, à tort ou à raison, elle
témoigne du contrair