Marie-Madeleine Bertucci - Conseil de l'Europe

L'étude défendait alors l'idée (sociolinguistique) que, parce que les locuteurs ...
et un défi lancés aux acteurs sociaux dans l'exercice de leur citoyenneté. ......
faire un travail d'explication sur le mécanisme des emprunts d'une langue à l'
autre.

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[pic] |[pic] | | L'intÉgration linguistique et Éducative des enfants et des adolescents
issus de l'immigration Études et ressources N° 3 Elèves migrants et maîtrise formelle de la langue de scolarisation :
variations et représentations Marie-Madeleine Bertucci
Document préparé pour le Forum politique Le droit des apprenants à la
qualité et l'équité en éducation - Le rôle des compétences linguistiques et
interculturelles Genève, Suisse, 2-4 novembre 2010
Division des Politiques linguistiques
Direction de l'Education et des langues, DGIV
Conseil de l'Europe, Strasbourg, 2010
www.coe.int/lang/fr Liste des études et des ressources accompagnant le document
d'orientation : L'intégration linguistique et éducative des enfants et des adolescents
issus de l'immigration 1. Le diagnostic des compétences en langues dans des contextes
multilingues : un processus continu favorisant l'enseignement et
l'apprentissage individualisés - Drorit Lengyel 2. Langues de scolarisation et apprenants vulnérables - Eike Thürmann,
Helmut Vollmer et Irene Pieper 3. Elèves migrants et maîtrise formelle de la langue de scolarisation :
variations et représentations - Marie-Madeleine Bertucci 4. Valoriser, mobiliser et développer les répertoires plurilingues pour
une meilleure intégration scolaire - Véronique Castellotti et Danièle
Moore 5. Formation professionnelle du personnel travaillant dans les écoles
multilingues - Jim Anderson, Christine Hélot, Joanna McPake et Vicky
Obied 6. Coopération, gestion et travail en réseau : comment promouvoir
l'intégration linguistique et éducative des enfants et adolescents
issus de l'immigration - Christiane Bainski, Tanja Kaseric, Ute Michel,
Joanna McPake et Amy Thompson © Conseil de l'Europe, septembre 2010 Les vues exprimées dans cette publication sont celles des auteurs ; elles
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Table des matières
Introduction 5 1. Normes sociales et contexte linguistique 6 1.1 Le contexte linguistique français 6 1.2 Représentations sociales des pratiques langagières 6 2. Variabilité et évolution systémique 8 2.1 L'appropriation des catégories du genre et du nombre 9
2.1.1 Les marques du genre 10
2.1.2 Les marques du nombre 11 2.2 Les explications : une tendance systémique interne à la langue,
permanence des zones du système où se manifeste la variation 13 2.3 Un mode pragmatique de communication 14 3. Les propositions 16 3.1 Prendre en compte les traits de la langue parlée dans la
didactique
de la langue 17 3.2 L'acquisition de la langue de scolarisation : des objets d'étude privilégiés 17 3.3 La didactique des langues secondes et le développement du
plurilinguisme 18 3.4 L'acquisition de la langue de scolarisation : quelques pistes
d'étude 21 Bibliographie 26
Annexe 1 : Extrait de l'encart du Bulletin officiel n°3 du 18 janvier 2007
29 Annexe 2 : NALDIC. Diagnostic tool developed for analysing the writing of
more advanced learners. 2009 30
Introduction La question de la scolarisation des enfants de migrants dans la perspective
d'une éducation plurilingue et interculturelle est délicate, parce qu'elle
suppose de croiser les analyses et de faire apparaître l'intrication des
phénomènes linguistiques et des phénomènes sociaux. Aussi, avant d'aborder
précisément la variabilité et la question des évolutions systémiques, on
évoquera les normes sociales et le contexte linguistique extra-scolaire
dans lequel évoluent un certain nombre d'élèves migrants. On fera d'abord l'hypothèse que la réussite de la scolarisation des enfants
de migrants est largement tributaire du contexte linguistique des pays
d'accueil et de l'ouverture de ces derniers au plurilinguisme et à
l'interculturel. On s'appuiera, pour l'analyse, sur l'exemple du contexte
linguistique français, de tradition monolingue[1], en mettant en évidence
deux éléments, qui pèsent de manière oblique sur les modalités d'accueil
des enfants de migrants en milieu scolaire : les représentations ordinaires
du français d'une part, les pratiques langagières associées aux migrants
par le discours commun d'autre part. Normes sociales et contexte linguistique
1 Le contexte linguistique français Les élèves migrants ont à s'adapter à des contextes linguistiques complexes
et à les gérer, et ce particulièrement dans les pays d'accueil, où se
déploient des représentations des langues de ces mêmes pays d'accueil
anciennes et bien ancrées, qui constituent le soubassement d'une idéologie
linguistique (Beacco, 2001) et dans le cas présent d'une idéologie
linguistique fondée sur l'idée d'une inégalité des langues sur le marché
linguistique (id.). Présent dans le discours commun et basé sur les
impressions des locuteurs, ce point de vue se fonde sur l'idée qu'il
existerait une hiérarchie naturelle des langues, selon laquelle il y aurait
des langues plus ou moins belles, plus ou moins riches, aptes à exprimer ou
pas des sensations, des émotions esthétiques ou littéraires, à permettre
l'élaboration d'un raisonnement, le développement d'une pensée
scientifique... Le français, qu'on prendra pour exemple, a une riche
histoire en la matière. Il a été représenté comme la langue de la
distinction, de la civilisation, la langue universelle et a connu,
notamment, au XVIIIe siècle une vogue sans précédent, comme le soulignent
ces propos de D. Baggioni : Jusqu'au troisième quart du XVIIIe siècle, l'Europe qui donne le ton
en matière de goût, de culture et de science a l'impression de vivre à
une époque de cosmopolitisme, où la langue maternelle des individus
n'est pas une marque indélébile et où le perfectionnement du genre
humain, linéaire, général, tend à l'unification des élites au moyen
d'une langue de civilisation. Frédéric II, on le sait, méprisait
l'allemand, ne s'exprimait que dans la langue de Voltaire et ordonna
de publier en français les Actes de son Académie (celle de Berlin
qu'il institua en 1743) : « La science doit parler la langue
universelle, et cette langue est le français » (1997 : 192). Selon D. Baggioni, pour l'Europe savante orpheline du latin des clercs, le
français apparaît comme une langue prestigieuse apte à prendre la place
laissée vide par le latin (id.) et venant combler le besoin d'une langue
universelle[2]. Cette vision s'appuie sur des jugements épilinguistiques :
élégance, rigueur, précision, clarté, logique... supposées du français,
développés notamment par Rivarol [3] (Lodge, 2006 : 244-247).
2 Représentations sociales des pratiques langagières Outre ce contexte linguistique particulier marqué par des représentations
hiérarchiques et inégalitaires des langues, des traits linguistiques
spécifiques sont associés aux migrants, le plurilinguisme d'une part, et,
fait moins connu que nous allons aborder maintenant, une pratique
variationniste des langues d'accueil qui mêle des traits à la fois
linguistiques, générationnels et sociologiques et renvoie directement à la
question de la variabilité. Aux jeunes migrants est souvent assignée une pratique particulière du
français, à la désignation flottante, souvent liée aux lieux de résidence.
Ainsi, on identifie cette pratique comme le parler des cités ou le parler
des banlieues, ou plus généralement le parler jeune. Selon le terme
employé, les connotations ont une dimension plus ou moins socioéconomique,
liée à la précarité sociale mais pas exclusivement, selon qu'on fait
prévaloir le critère générationnel ou résidentiel. Cette variété de
français suppose également, au delà des éléments formels, des pratiques
langagières spécifiques, demandant une étude de la parole en tant que
phénomène culturel[4] qui aborde la question de la communauté linguistique,
de ses ressources verbales et de ses règles de communication, (normes sous-
tendant le fonctionnement des interactions dans un groupe donné). Elle
requiert donc, en sus de l'approche descriptive de la langue, une étude
ethnographique, qui vise à décrire la compétence de communication des
locuteurs[5] (Hymes, 1984). La compétence de communication, abordée ici,
constitue une forme de culture, qui a été décrite comme interstitielle et
dont un des traits les plus saillants est constitué par les pratiques
langagières dont nous parlons. Les pratiques langagières des jeunes, et notamment des jeunes migrants[6],
ont été vues, en France, dans le cadre plus général d'une culture
interstitielle (Calvet, 1994, Lepoutre, 1997) développée dans quatre
directions à partir des années quatre-vingt-dix : musicale, graphique,
vestimentaire, et linguistique. On ne développera que ce dernier point. Ce parler a deux caractéristiques bien identifiées en terme de variation :
la courbe intonative et l'accentuation d'une part (Gadet, 2003a : 103-104
et b : 86, Fagyal, 2003), le lexique d'autre part. En revanche, au plan
grammatical, il ne se distingue guère du fra