Nisbet : la tradition sociologique - Philonnet
La société moderne doit reposer sur l'individu naturel et non sur le paysan ou sur
le membre d'une corporation ou d'une Église. ...... qu'une influence secondaire : il
n'y aura donc pas - du point de vue de l'exercice du pouvoir - de différence
essentielle entre les sociétés capitalistes et socialistes. ..... Proposition de corrigé
:.
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PCEM1
Année 2005-06
Notes de lecture et résumés. Robert Nisbet (1913-1996)
Historien de la sociologie. Professeur émérite à l'Université de Columbia
et à l'Université de Californie (Berkeley). Principaux ouvrages : The Quest
for Community (1953), The Degradation of the Academic Dogma (1971), et
Twilight of Authority (1975). Dans La Tradition sociologique, il présente
une étude historique sur l'évolution des concepts fondamentaux qui ont
caractérisé la pensée sociologique au 19e siècle et au début du 20e siècle,
à partir des oeuvres de grands auteurs européens : Tocqueville, Marx,
Comte, Weber, Simmel, etc.
La Tradition sociologique, PUF, 1984
(The Sociological Tradition, 1966)
Édition de poche, PUF, « Quadrige », 2000.
Notes de lecture Première partie : Concepts et contextes
Nisbet se livre dans ces deux premiers chapitre à un véritable « discours
de la méthode » dans lequel il va préciser les objectifs, les enjeux du
livre, et les méthodes et outils qu'il compte utiliser dans sa recherche.
Chapitre 1 : Les concepts élémentaires de la sociologie
1.1 Idées et antithèses : chacun des concepts opératoire retenus par
Nisbets fonctionne par couple antithétique.
(Nisbet refuse de considérer l'histoire de la pensée comme un catalogue
d'auteurs, dont on examinerait successivement les thèses. On perd ainsi la
cohésion des idées au profit d'un point de vue biographique, sans intérêt
pour l'histoire des idées.
(Il refuse aussi de considérer l'histoire de la pensée comme un catalogue
de théories. Certes on étudie ainsi des systèmes de pensée cohérent,
possédant une structuration interne forte : notion de modèle d'analyse ou
de pattern. Mais on ne peut alors sortir de ce système pour confronter ces
idées à l'autre. D'autre part ces systèmes sont figés.
Choix de Nisbert : (citation de Arthure O. Lovejoy)
p. 16 « Par histoire des idées j'entends quelque chose à la fois de plus
spécifique et de moins restrictif que l'histoire de la philosophie. (...)
elle décompose les différents systèmes qui se présentent comme des
ensembles indissociables afin d'en isoler les éléments constitutifs, ou ce
que l'on pourrait appeler les idées élémentaires »
Il s'agit de faire dialoguer des systèmes différents en y repérant des
concepts opératoires (les « idées élémentaires ») p.17 : «Ce qui apparaît
alors, ce ne sont pas seulement les éléments constitutifs de ces systèmes,
les idées élémentaires sur lesquelles ils reposent, mais aussi les
nouvelles associations et les rapprochements qui s'établissent entre
différents auteurs, entre différentes idées ; des affinités mais aussi des
oppositions dont nous n'aurions pas supposé l'existence » Son approche est
donc celle d'une sorte d'épistémologie comparative de la sociologie.
Le fragment ci-dessous définit clairement l'objectif de l'ouvrage :
p. 17 « Ce livre s'attache à analyser des idées élémentaires, en
particulier celles qui caractérisèrent la sociologie européenne dans la
période 1830-1900, période cruciale pour le développement de cette science
car c'est alors que des hommes comme Tocqueville, Marx, Weber et Durkheim
posèrent les bases théoriques de la sociologie contemporaine. »
On peut y ajouter ce complément théorique :
p 17 « j'insiste sur ce point (...) nous nous intéresserons aux idées
élémentaires qui me semblent être les fondements sur lesquels s'est
constitué la sociologie de cette époque, en dépit de divergences de vues
évidentes entre les différents auteurs ; à ces idées qui sont restées
pertinentes pendant tout l'âge classique de la sociologie et qui les
restent encore aujourd'hui »
Ce n'est cependant pas une perspective historique :
« l'histoire ne révèle ses secrets qu'à ceux qui partent du présent » On
veut dégager les « idées élémentaires »
Le choix des hypothèses de lecture : Mais quels sont les critères auxquels
doivent répondre les « idées élémentaires » ? Elles doivent être :
- Générales : elles doivent apparaître et être pertinentes dans
un maximum d'?uvres considérées sur la période de référence.
- Durables : elles doivent être présentes sur la totalité de la
période considérée.
- Caractéristiques : elles doivent véritablement permettre de
caractériser la sociologie face aux autres sciences.
- Consistantes : présentes à plusieurs moments de l'histoire.
Les cinq concepts fondamentaux de la tradition sociologique
L'ouvrage définit les concepts fondamentaux qui caractérisent la tradition
sociologique et en suit la trace principalement chez Tocqueville, (1805-
1859) Comte (1798-1857), Durkheim (1858-1917), Max Weber (1864-1923) et
Georg Simmel (1858-1918), avec des incursions chez de Maistre, Marx, Le
Play (1806-1882) , Tönnies (1855 - 1936). Il s'agit des cinq notions
suivantes :
[pic] communauté#société (chapitre 3)
Communauté : géographique (pays) , de religion (paroisse) , de travail
(corporation), de famille ou de culture : caractérisée par « une cohésion
profonde et entière, de nature durable et affective »» (Tönnies, Communauté
et société, 1887) et qui s'oppose à « société » (une pseudo-communauté aux
liens impersonnels et « contractuels » regroupant de nombreux individus)
(Le concept de communauté est un concept essentiel chez Nisbet, dans
l'ensemble de son ?uvre. « La communauté traditionnelle, celle de la pré
industrialisation, se distingue par son autosuffisance, que le pouvoir
centralisateur a atomisée et détruite. La recherche d'une communauté où
l'autorité n'est pas le pouvoir est la tragédie moderne de l'homme ». Les
allégeances de l'individu (notion central de son livre) vont au plus proche
de son entourage. [pic] autorité#pouvoir, (chapitre 4) Autorité : ordre interne à une
association, politique, religieuse ou culturelle qui s'oppose à pouvoir,
assimilé à force politique, militaire ou bureaucratique nécessitant une
légitimation externe.
[pic] statut#appartenance de classe (chapitre 5) Statut : position de
l'individu dans la hiérarchie de prestige et d'influence qui caractérise
une communauté, à distinguer de l'appartenance de classe, à la fois plus
étroite (économique) et plus collective.
[pic] sacré#profane, (chapitre 6) Sacré : notion recouvrant les conduites
irrationnelles, de type moral, religieux ou rituel « auxquelles on attribue
une valeur supérieure à leur utilité », opposée (Durkheim) à profane,
l'ensemble des activité séculières des hommes, liées au travail, aux
échanges, à la vie sociale.
[pic] aliénation#progrès (Chapitre 7): aliénation : situation dans
laquelle « l'homme devient comme étranger (alien) à lui-même et perd son
identité lorsque l'on coupe les liens qui l'unissent à sa communauté et
qu'on lui enlève tout sens moral » ; notion opposée ici à progrès, dès lors
que l'aliénation apparaît comme l'effet pervers du développement
(industrialisation, sécularisation, démocratisation, égalisation des
conditions, rationalisation du travail ...) des « forces de progrès » .
« Il est remarquable qu'aucune de ces cinq notions n'ait joué de rôle
important dans la pensée des XVII et XVIIIe siècles (Lumières) - de Bacon à
Condorcet - dont les préoccupations s'expriment plutôt en termes
d'individu, de progrès, de contrat, de nature ou de raison (au XIXe siècle
l'individualisme se prolonge - philosophiquement - dans l'utilitarisme). »
1.2/ la révolte contre l'individualisme. Il semblerait que l'histoire de
l'humanité témoigne d'un flux et d'un reflux de ces notions élémentaires
que nous venons de dégager. Durant la période qui va du XVIème siècle à la
révolution française, l'individualisme va régner en maître : (p. 21) « les
aspirations morales et politiques de cette poque étaient exprimées par une
série de termes et d'idées bien différents, comme par exemple ceux
d'individu, de progrès, de contrat, de nature ou de raison ; L'objectif
essentiel de tous les penseurs de cette époque, (...) c'est de libérer
l'individu des contraintes sociales héritées du passé et de libérer la
croyance universelle en l'individu conçu comme être naturel, doué de
raison, pourvu de caractéristiques innées et absolument permanentes. » On
conçoit donc que dans un tel contexte, les notions élémentaires citées plus
haut prennent plutôt une signification de valeurs de réaction. Le XIXème
siècle retrouvera le débat entre les divers concepts antagonistes.
« Prises dans leur ensemble, les idées de communauté, d'autorité, de
statut, de saacré et d'aliénation témoignent d'une réorientation de la
pensée européenne dont l'importance est aussi considérable à mes yeux que
la réorientation de nature toute différente, voire opposée qui avait
marqué, trois siècles plus tôt, la fin du moyen-âge et le début du siècle
de la Raison. »
1.3/ Trois sensibilités politiques : libéralisme, radicalisme,
conservatisme...
Ces notions ne peuvent être comprises que si on les replace dans le
contexte des grands courants idéologiques aux prises au XIXe siècle, en
particulier le libéralisme, le radicalisme (au sens premier et fort du
terme : le jacobinisme ou le socialisme sont ici des formes de radicalisme)
et le conservatisme :
[pic] le libéralisme : foi en l'individu (et en la supériorité de la libre
entreprise), affirmation de ses droits politiques, civiques et, plus tard,
sociaux. « L'autonomie de l'individu revêt la même importance pour le
libéral que la tradition po