Le dernier vivant - Bibliothèque électronique

5.) Questionnaire sur la biographie d´Edith Piaf. V.) Fiches pédagogiques pour les ... Résumé de la pièce (Corrigé des exercices de langue en contexte).

Part of the document




Paul Féval

Le dernier vivant


roman














BeQ
Paul Féval
(1816-1887)







Le dernier vivant

I

Les ciseaux de l'accusée








La Bibliothèque électronique du Québec
Collection À tous les vents
Volume 476 : version 1.0






Du même auteur, à la Bibliothèque


La Fée des Grèves
Le Loup blanc
Les Habits-Noirs (8 tomes)
La fabrique de crimes
Une histoire de revenants
L'homme sans bras
Les compagnons du silence (2 tomes)
Contes de Bretagne









Le dernier vivant


(Paris, E. Dentu, Éditeur, 1873.)




Au lecteur



J'ai reçu mission de livrer à la publicité le récit d'un événement
auquel je pris dans le temps une part indirecte. Mon rôle, au milieu des
singulières aventures qui vont être mises sous les yeux du lecteur, n'eut
qu'une importance tardive, mais contribua quelque peu au dénouement
inespéré du drame.
Le malheureux éclat donné par la dernière guerre aux agissements de
certains hommes d'argent, patriotes au point de manger la patrie, a rappelé
l'attention publique vers l'origine souvent peu honorable - et parfois
infâme - des fortunes acquises dans les fournitures militaires.
Il ne faut point chercher ailleurs la raison d'être de ce livre, où la
question d'argent tient en apparence peu de place, noyée qu'elle est dans
un véritable océan d'aventures. Chacun a intérêt à bien établir qu'aucun
argent volé n'est entré chez lui, soit anciennement, soit depuis peu, en un
temps où les accusations pleuvent, remplaçant la grêle des balles et des
obus.
Le cours des années, en éclaircissant les rangs des compagnons de ma
jeunesse, avait laissé un cher, un excellent ami, seul juge de la question
de savoir s'il fallait taire à tout jamais cette histoire, plus curieuse
que la plupart des romans.
Mon ami a décidé que l'histoire devait être écrite et j'ai pris la
plume.
Geoffroy de R?ux.


P. S. Les noms des personnes et ceux des localités sont, comme de
raison, déguisés.










Première partie




Les ciseaux de l'accusée




Récit préliminaire






I




Comment je retrouvai Lucien - Bureau de M. de Méricourt



(Juillet 1866.) Je connaissais vaguement, par les journaux et aussi par
nos amis communs (qui avaient autant de répugnance à parler que moi à
interroger), l'affreux malheur dont la vie de Lucien Thibaut était
accablée. Jamais il ne m'en avait entretenu lui-même dans ses lettres,
quoiqu'il m'écrivît assez souvent.
Cette réserve, qui pourrait paraître bizarre, car j'étais son meilleur
camarade d'enfance, sera expliquée par les faits.
J'étais à Paris depuis plus d'une semaine, cherchant l'adresse de Lucien
du matin au soir, et ne faisant pas autre chose. Je m'étais enquis partout,
même à la préfecture de police.
Lucien restait pour moi introuvable, lorsqu'on m'indiqua le bureau de M.
Louaisot de Méricourt, rue Vivienne.
Je ne fus pas sans demander ce qu'était ce M. Louaisot. On me répondit
que le quartier Vivienne produisait une certaine quantité de spécialités ou
providences. Il y a le théâtre du Palais-Royal et ses annexes pour les
Anglais, Mme Sitt pour les cors aux pieds, le Coq-d'Or pour rassortir les
morceaux de soie, etc.
M. Louaisot de Méricourt avait la spécialité des renseignements. Il
était providence pour les gens qui cherchent.
Il demeurait au cinquième étage, dans une assez belle maison, dont les
derrières donnaient sur la toiture vitrée du passage Colbert. Son nom était
franchement écrit sur sa porte.
Je fus reçu par une Cauchoise des Bouffes-Parisiens, douée d'un
embonpoint remarquable et d'une fraîcheur vraiment triomphante. Elle
portait robe de soie et coiffe de dentelles ; chacun de ses pendants
d'oreilles devait peser trois louis.
Elle avait l'air brusque, mais gai, d'une servante-maîtresse, et
beaucoup d'accent.
- Bonjour, ça va bien ? me dit-elle, sans me laisser le temps de parler.
Pas mal, et vous ? Le patron est là. Ceux du gouvernement ont du temps pour
déjeuner à la fourchette et le billard ; mais lui, toujours sur le pont.
Est-ce pour affaire de commerce ou plus délicate ?
Elle me coupa la parole au moment où j'allais répondre, et ajouta, en
clignant de l'?il :
- Entrez toujours ; on ne paye qu'en sortant. Ceux du gouvernement,
j'entends les renseignements, sont censés gratis, mais vas-y voir ! Rien
sans pourboire, et des raides ! Ici, au moins, on ne fait pas d'embarras.
Elle ouvrit une porte intérieure et cria à pleins poumons :
- Eh ! patron ! en voilà un nouveau qui n'est pas encore venu, faut-il
le faire entrer ?
Et sans attendre la réponse du « patron », elle me poussa au travers de
la porte, qu'elle referma sur moi.
J'étais seul avec le patron : un vigoureux gaillard d'une quarantaine
d'années, qui faisait assez bien la paire avec sa robuste normande.
Il portait une magnifique robe de chambre écossaise, dont les couleurs
éclataient comme des cris d'incendie, par-dessus un pantalon de drap noir,
abondamment crotté. Ses larges et forts souliers, non moins maculés de
boue, étaient commodément posés auprès de lui sur une chaise, et il avait
fourré ses gros pieds dans des pantoufles de drap écarlate, brodé d'or.
Une calotte turque, ornée d'une touffe gigantesque, reposait avec
coquetterie sur ses cheveux très pommadés, mais mal peignés.
Je ne puis prétendre que le premier aspect de M. Louaisot de Méricourt
fût tout à fait à son avantage. Je lui trouvai l'air par moitié d'un
souteneur de libres penseuses, par moitié d'un notaire de campagne
effronté, rusé, âpre à la mauvaise besogne et bravement filou.
Sa face volumineuse, presque aussi fraîche que celle de la Cauchoise,
son nez court, charnu, mais recourbé comme un bec de perroquet entre ses
deux grosses joues, sa petite bouche sans lèvres qui restait volontiers
toute ronde ouverte, comme pour remplir convenablement l'énorme espace que
la brièveté du nez laissait au développement du menton, tout cela aurait
poussé au comique ultra-bourgeois et même un peu à la caricature, sans le
regard de deux yeux bien fendus, deux très beaux yeux, en vérité, qui vous
faisaient subir un examen hardi, tranchant et plein d'autorité, quoi qu'ils
fonctionnassent derrière une paire de lunettes.
Sans ses yeux, M. Louaisot de Méricourt aurait été un pur grotesque.
Avec ses yeux, ce pouvait être un charlatan très déterminé et même un
dangereux coquin.
Assis dans son fauteuil de cuir aux formes ramassées, il paraissait
plutôt petit, mais quand il se leva pour me recevoir, je vis qu'il était de
bonne taille ordinaire, grâce à ses jambes qu'il avait démesurément
longues.
- Vous permettez, n'est-ce pas ? me dit-il, continuant de manger un
morceau de veau rôti, sous le pouce, tout en feuilletant avec la pointe de
son couteau un dossier assez compact qui était devant lui sur la table,
chargée de paperasses en désordre. Si vos journées, à vous, ont plus de
vingt-quatre heures, mes sincères compliments ; moi, je n'ai pas même le
temps de brouter en repos : je mange l'avoine dans mon sac comme les
chevaux de citadine... De la part de qui, s'il vous plaît ?
Il me montra du doigt une chaise, et comme je ne comprenais pas sa
question, il l'expliqua, disant :
- Je me fais l'honneur de vous demander quel est celui de mes honorables
amis ou clients qui vous envoie vers moi.
Je prononçai le nom de la personne qui m'avait indiqué sa maison.
Il prit aussitôt un petit carnet dont la tranche formait un escalier
alphabétique, et l'ouvrit à la lettre voulue.
Pendant qu'il consultait ce livre d'or de sa clientèle, mon regard
parcourut son bureau, qui était une chambre assez grande, mais basse
d'étage, et dont les murailles, du plancher au plafond, se tapissaient de
cartons.
Le mobilier, très simple, avait dû être acheté rue Beaubourg, sauf deux
consoles, ébène et écaille, toutes fleuries de pierres précieuses qui
semblaient fort étonnées de se trouver en pareille compagnie.
De même, parmi les estampes communes que les cartons reléguaient aux
deux côtés de la cheminée, je vis, non sans surprise, deux Théodore
Rousseau de la meilleure manière, et un véritable bijou signé Isabey.
- Fort bien, me dit-il quand il eut consulté son livre : c'est un client
qui doit être content de moi. À qui ai-je l'avantage de parler ?
- Je m'appelle Geoffroy de R?ux.
- Respectable noblesse ! murmura M. Louaisot avec un signe de tête
amateur. Comte, marquis, baron ?...
- Simple chevalier-banneret, s'il vous plaît, interrompis-je un peu
impatienté.
M. Louaisot de Méricourt avait ouvert son livre à la lettre R pour y
inscrire mon nom, mais sa plume, chargée d'encre, resta suspendue au-dessus
du papier, et il me dit avec quelque sévérité :
- Monsieur, la profession exige de la conscience !
Je m'inclinai. Sa plume grinça.
- Impérieusemen