Exercices et apprentissages - Hal-SHS
Parallèlement à cela, ceux qui réfléchissaient à la conception d'outils ... Nous
utilisons pour cela un exemple de tâche scolaire (les exercices) dans un
domaine ...
Part of the document
Quels apprentissages sont-ils possibles avec des exerciseurs multimédia en
classe ? Réflexions théoriques et compte rendu d'une expérience Céline Lemercier*, André Tricot**, Isabelle Chênerie***, Didier Marty
Dessus****, Frédéric Morancho***** et Jérôme Sokoloff*** * Laboratoire Travail et Cognition, UMR CNRS et Université de Toulouse 2
** CERFI, IUFM de Midi Pyrénées & Laboratoire Travail et Cognition, UMR
CNRS et Université de Toulouse 2
*** Laboratoire Antennes, Dispositifs et Matériaux Micro-ondes, Université
de Toulouse 3
**** Laboratoire de Génie Electrique, Université de Toulouse 3
***** Laboratoire d'Analyse et d'Architecture des Systèmes, CNRS et
Université de Toulouse 3 Introduction Depuis le début des années 1960, les façons de concevoir les environnements
d'enseignement par l'intermédiaire d'un ordinateur ont été fortement
influencées par deux disciplines : la psychologie, en particulier la
psychologie des apprentissages, et l'informatique, en particulier
l'intelligence artificielle. Ces façons de concevoir ont suivi les modes de
ces deux disciplines (voir la synthèse de Bruillard, 1997). L'enseignement
programmé du début des années 60 était très béhavioriste. Les tuteurs
intelligents des années 70-80 étaient des systèmes experts. Le langage LOGO
était une tentative d'application de l'approche constructiviste de Piaget.
Depuis la fin des années 80, les environnements informatisés
d'apprentissage sont souvent des hypermédias, c'est-à-dire des documents
interactifs et multimodaux, que l'on retrouve principalement sur des
cédéroms ou sur le Web. Parallèlement à cela, ceux qui réfléchissaient à la conception d'outils
informatiques pour l'apprentissage, ou à leur utilisation, étaient
généralement associés à ceux qui réfléchissaient à l'innovation
pédagogique. Ce n'était pas tant qu'il fut nécessaire de s'intéresser à
l'ordinateur pour tenter de réaliser des innovations pédagogiques, mais
tout se passait comme si ceux qui s'intéressaient à l'ordinateur en
pédagogie devaient nécessairement s'intéresser à l'innovation pédagogique.
Par exemple, parmi les pionniers des hypermédias pédagogiques, Spiro et
Jehng (1990) ont proposé une approche où le scénario pédagogique consistait
en un « paysage conceptuel entrecroisé » : les apprenants pouvaient
revisiter le même contenu selon des perspectives conceptuelles différentes
en empruntant des itinéraires différents. Ces auteurs assuraient qu'un tel
environnement d'apprentissage informatisé permettrait le développement de
liens associatifs non linéaires entre des contenus qui rendaient cette
approche d'entrecroisement explicite (Swan, 1994). Jacobson et Spiro (1995)
ont montré que cette approche améliorait le transfert de connaissances
plutôt que l'acquisition de connaissances nouvelles. Ils ont proposé un
second scénario pédagogique du même type où ils montraient explicitement
des relations entre les composantes abstraites et les composantes
particulières de la connaissance à transmettre, dans divers contextes. Pour
eux, ce type de scénario contribuait à préparer des apprenants à utiliser
la connaissance de manière nouvelle dans de nouvelles situations. Bref, ces
auteurs, comme beaucoup d'autres, cherchaient à concevoir des scénarios
pédagogiques innovants pour des technologies nouvelles. De nos jours
encore, cette conception est très répandue. Des années 60 aux années 80 pourtant, on ne peut pas dire que cette
utilisation de l'ordinateur à des fins d'apprentissage ait connu un grand
succès, en dehors des revues ou des ouvrages dans lesquels les chercheurs
publiaient leurs travaux. Si théoriquement ces travaux étaient
passionnants, dans la pratique, peu d'élèves dans peu de classes
utilisaient vraiment l'ordinateur pour apprendre. Ce décalage est sans
doute lié à un problème d'équipement, mais aussi à un problème de
conception. Au début des années 90, quelques auteurs ont commencé à aborder
la conception de ces systèmes selon une approche d'ingénierie cognitive
(voir notamment la série d'ouvrages issus des ateliers de Technologies
Éducatives Avancées de l'OTAN : Jonassen & Mandl, 1990 ; Giardina, 1992 ;
Oliveira, 1992). En bref, on semble progressivement renoncer depuis une
dizaine d'années aux approches « descendantes » (i.e. concevoir c'est
appliquer une théorie pour réaliser un artefact) au profit d'approches
d'ingénierie (i.e. concevoir est un procédé méthodique de prise en compte
d'un ensemble de contraintes et de connaissances au service de buts à
atteindre, pour réaliser un artefact). Dans ce rapport, nous voudrions montrer qu'il y a un intérêt à concevoir
des environnements d'apprentissage informatisés à partir de tâches
scolaires. Nous utilisons pour cela un exemple de tâche scolaire (les
exercices) dans un domaine de contenu (l'électricité) et avec certains
apprenants (étudiants en 1ère année de DUT). Nous montrons, à partir d'une
évaluation de différentes versions d'un exerciseur en travaux pratiques
d'électricité, l'apport de technologies rudimentaires aux apprentissages
réalisés et aux conditions de réalisation de ces apprentissages. Selon
nous, une application éducative n'a pas à être obligatoirement innovante au
niveau de son scénario pédagogique. Elle doit plutôt être :
- utile : faire réellement apprendre ce que l'on veut faire apprendre ;
- utilisable : facile à utiliser, ne posant pas de problèmes de prise en
main, ne faisant pas perdre de temps, ne produisant pas des erreurs ou
des bugs ;
- acceptable : compatible avec les pratiques, les contraintes, les
objectifs de la situation d'enseignement de référence.
Nous voudrions maintenant montrer en quoi notre approche se distingue
d'autres. Nous insisterons en particulier sur le statut des théories de
l'apprentissage dans le domaine des environnements informatisés
d'apprentissage et sur le statut que nous leur donnons. Théories de l'apprentissage, artefacts et situations d'enseignement L'importance des théories de l'apprentissage dans le domaine des
environnements informatisés d'apprentissage est réelle. D'après Erica de
Vries (sous presse), on peut catégoriser les principaux types de
« logiciels éducatifs » relativement à leur fonction pédagogique, à la
théorie à laquelle ils se réfèrent, aux tâches qu'ils proposent aux élèves
et aux connaissances qu'ils sont censés permettre de construire. |Fonction |Type de |Théorie |Tâche |Connais-sa|
|pédagogique |logiciel | | |nces |
|Présenter de |Tutoriel |cognitivist|Lire |présentati|
|l'information | |e | |on |
| | | | |ordonnée |
|Dispenser des |Exercices |béhaviorist|Faire |associatio|
|exercices |répétés |e |des |n |
| | | |exercice| |
| | | |s | |
|Véritablement |Tuteur |cognitivist|Dialogue|représenta|
|enseigner |intelligent|e |r |tion |
| | | |entre | |
| | | |autres | |
|Captiver |Jeu | |Jouer | |
|l'attention et la |éducatif | | | |
|motivation de | | | | |
|l'élève | | | | |
|Fournir un espace |Hypermédia |cognitivist|Explorer|présentati|
|d'exploration | |e | |on en |
| | |constructiv| |accès |
| | |iste | |libre |
|Fournir un |Simulation |constructiv|Manipule|modélisati|
|environnement pour| |iste |r, |on |
|la découverte de | | |observer| |
|lois naturelles | | | | |
|Fournir un |Micro-monde|constructiv|Construi|Matériali-|
|environnement pour| |iste |re |sation |
|la découverte de | | | | |
|domaines abstraits| | | | |
|Fournir un espace |Apprentissa|cognition |Discuter|constructi|
|d'échange entre |ge |située | |on de |
|élèves |collaborati| | |l'élève |
| |f | | | | Tableau 1. Les huit fonctions pédagogiques et leurs caractéristiques, selon
De Vries Les situations scolaires ou périscolaires où les élèves font des exercices
correspondent à un type de logiciel. Pour De Vries : « Ce type de logiciel
est connu sous le nom d'exercices répétés (drill en anglais). Le rôle joué
par l'ordinateur est celui de stockage et de distribution de multiples
exercices. La tâche proposée à l'élève est de faire des exercices. Selon
Alessi et Trollip (1991), les exercices répétés ne sont appropriés qu'après
avoir suivi un enseignement classique. L'objectif est que l'élève
s'entraîne pour obtenir aisance et vitesse dans une matière. Le point de
vue théorique sous-jacent est béhavioriste. Cette théorie postule une
relation directe entre les conditions d'enseignement et le résultat de
l'apprentissage (sans processus intermédiaires, Mayer, 1987). Les items
(exercices) sont considérés comme des stimuli et les actions de l'élève
comme des réponse