article.doc

Le Sénégal est, à ce sujet, l'exception qui confirme la règle. ... double mission d'
enseignement et de recherche suppose une grande liberté dans l'exercice ..... au
fil de son histoire, la France a préféré l'universitaire au fonctionnaire »[29] alors
que dans ...... Selon les autres, cette absence de statut législatif est corrigée par ...

Part of the document


Le statut de l'enseignant - chercheur en droit comparé. Contribution à
l'analyse des politiques publiques en Afrique[1]


Le statut des fonctionnaires constitue avec la carrière les deux éléments
importants du système de « structure fermée » hérité par les Etats
africains francophones du droit français. Il désigne un ensemble de règles
qui fixent la situation juridique des agents de la fonction publique,
gouvernent le déroulement de leur carrière notamment en fixant leurs
obligations et leurs droits et garantissent ainsi leur spécificité par
rapport aux travailleurs régis par le Code du Travail. Comme en droit
français, le droit des fonctions publiques africaines distingue les
fonctionnaires régis par le statut général de la fonction publique, des
fonctionnaires régis par des statuts particuliers ou spéciaux selon la
nature de leurs activités ou de leur situation stratégique dans l'exercice
des fonctions régaliennes de l'Etat. L'une des conséquences juridiques de
cette distinction est le choix législatif ou réglementaire qui préside à
leur élaboration.

Parmi les agents de la fonction publique régis par des statuts
particuliers, les enseignants - chercheurs occupent une place à part en
raison de la nature hybride de leur statut qui à l'image de Janus, présente
d'un côté la face « conservatrice » du fonctionnaire et de l'autre la face
« révolutionnaire » de l'universitaire intellectuel : ce sont des
fonctionnaires pas comme les autres. Cette double spécificité qui contribue
à définir le référentiel des politiques statutaires des universitaires ne
saurait faire l'économie de la situation juridique des assistants
d'université dont l'incertitude peut être perçue comme une des conséquences
imprévues de la "massification" des universités. L' « espace de
pertinence »[2] de l'analyse comparée des politiques statutaires articulé
autour de ses moyens et de ses fins permet d'en esquisser quelques enjeux.

Première partie : Controverses juridiques autour des politiques statutaires

Les politiques statutaires s'entendent ici comme un ensemble construit de
décisions prenant en charge le statut de l'enseignant-chercheur, par des
voies constitutionnelles, législatives, réglementaires ou
jurisprudentielles. La particularité ou la spécificité de ce statut réside
dans l'improbable équilibre entre d'une part, l'exigence de libertés
académiques nécessaires à la mission d'enseignement et de recherche, et
d'autre part le respect des obligations liées à la qualité de fonctionnaire
de l'universitaire.




Chapitre premier : l'analyse des politiques statutaires de l'enseignant-
chercheur

L'élaboration du statut juridique de l'enseignant-chercheur en Afrique est
prise en charge par des politiques juridiques particulières dominées par le
recours à l'instrument réglementaire au détriment de la voie législative.
Le fameux principe constitutionnel de la répartition des matières relevant
du domaine de la loi et du règlement ne résiste pas à l'intelligence des
situations statutaires dont la variété dans les champs universitaires
considérés met tantôt en exergue les droits et libertés de l'universitaire,
tantôt ses devoirs. Dans tous les cas, l'introduction de solides garanties
dans les statuts illustre les difficultés soulevées par l'application des
articles 34 et 37 de la constitution française de 1958 repris par les
constituants africains. L'absence d'une tradition affirmée des franchises
universitaires explique en partie pourquoi les cours constitutionnelles
n'ont pas encore consacré comme en France l'indépendance et la liberté
d'expression des professeurs d'université.[3]

Dans tous les cas, les raisons du choix de l'un ou l'autre instrument
juridique pour régler toutes les questions relatives à la situation
juridique de l'enseignant - chercheur sont essentiellement liées à des
considérations d'ordre politique alors qu'en France selon un formalisme
établi, les statuts particuliers peuvent être élaborés par voie
réglementaire ou par voie législative tandis que les statuts spéciaux ne
peuvent l'être que par voie législative. En se limitant à une approche
exclusivement conceptuelle de ces classifications corporatistes identiques,
on élude leurs fonctions respectives qui sont différentes dans les droits
africains. Le décret présidentiel souvent contresigné par les Ministres
compétents ou en Conseil de Ministre semble y être l'instrument privilégié
pour fixer les statuts particuliers, voire le Statut général de la Fonction
publique. Les exemples camerounais et burkinabé illustrent cette pratique
courante dépendante du sentier institutionnel de la pratique antérieure
marquée par le rôle décisif du législateur colonial[4].

Le statut spécial ou particulier selon les Etats africains n'échappe pas à
ce régime des décrets[5] sauf au Sénégal où le statut particulier du
personnel enseignant des universités du 9 novembre 1981 est un statut
législatif même si ses applications ont été prévues par des statuts
réglementaires. Ces exemples montrent que l'identité conceptuelle des
catégories juridiques de classification ne préjuge pas de la similitude des
fonctions différentes : d'une part, si en droit positif français, les
statuts particuliers peuvent être établis par la loi ou le règlement, dans
les droits africains considérés ici, ces derniers ne le sont que par le
règlement, d'autre part, si le statuts spéciaux sont exclusivement établis
par la loi en droit français et se distinguent des autres par le retrait du
droit de grève aux fonctionnaires dont ils régissent la situation
juridique, en droit camerounais, le statut spécial des personnels de
l'enseignement supérieur de janvier 1993 est un statut réglementaire dont
on imagine mal qu'il puisse priver les universitaires du droit de grève
même si ces derniers en font plutôt un usage pudique[6]. Dans une certaine
mesure, à en croire le Recteur de l'université Gaston Berger, l'exercice du
droit de grève peut même être une menace pour l'épanouissement des
franchises universitaires. Dans les droits africains, l'ordre public pèse
plus lourd que le respect des libertés académiques sur la balance de
Thémis. C'est un ordre public davantage instrumentalisé qu'instrumental
dans le cadre d'une gestion plus ou moins autoritaire du corps enseignant.
Cette posture critique est bien le corollaire de « la fonction subversive
du droit comparé »[7]. Le choix de l'une ou l'autre option n'est jamais
gratuit comme l'illustre le débat doctrinal français opposant les partisans
du statut législatif et défenseurs du statut réglementaire de l'enseignant
- chercheur[8].

Le pouvoir politique dans les fonctions publiques africaines ne
s'embarrasse pas toujours de scrupules constitutionnels pour écarter
l'option législative, jugée coûteuse en temps, notamment dans un contexte
d'urgence ou risquée, pour régir la situation juridique d'un corps dont il
veut contrôler la fidélité politique ou à défaut assurer une certaine
docilité[9]. L'élaboration du statut du corps des enseignants-chercheurs,
« super corps » selon certains qui forme les autres corps de la fonction
publique, ne saurait par conséquent être livrée à l'appréciation et aux
spéculations passionnelles d'un parlement d'autant plus imprévisible qu'il
est de moins en moins ou pas toujours dominé par le parti au pouvoir. Le
Sénégal est, à ce sujet, l'exception qui confirme la règle. Le recours à la
loi pour élaborer le statut du personnel enseignant en novembre 1981 est le
résultat d'un rapport de forces entre d'une part le ministère de la
fonction publique, de l'emploi et du travail et celui de l'Economie et des
Finances défendant un statut réglementaire pris en application de la loi
n°61-33 du 15 juin 1961 relative au statut général des fonctionnaires et
d'autre part le ministre de l'Education nationale soucieux de garantir un
statut dérogatoire au droit commun de la fonction publique. Selon André
BAILLEUL, le choix de la loi était une manière pour le gouvernement
sénégalais d'affirmer avec solennité le statut juridique du personnel
enseignant d'un établissement public dont le régime juridique spécial
nécessitait une telle protection[10]. L' Assemblée Générale consultative
de la défunte Cour suprême, à la suite de l'examen du projet de loi, a
donné un avis qui conforte la position de l'université. Des tensions
comparables avaient déjà accompagné l'élaboration par voie décrétale du
statut financier africanisé d'octobre 1971[11]. Les réserves suscitées par
le statut législatif dans les autres systèmes juridiques francophones, à
l'époque du parlement monocolore dont l'agenda était contrôlé exclusivement
par le pouvoir exécutif notamment à travers les projets de loi, paraissent
aujourd'hui injustifiées depuis le multipartisme parlementaire des années
90.

Une des conséquences imprévues de cette fonctionnarisation excessive des
universitaires africains est l'idéologie du mutisme et de la soumission qui
explique en partie que l'auto - limitation du corps dans ses
revendications, surtout lorsqu'elles sont imprudemment assimilées à des
soupçons de coup d'Etat[12] et que la majorité des frustrations accumulées
bien que relayées par les syndicats soient exprimées le plus souvent
confidentiellement. Aussi peut - on attribuer la faiblesse des politiques
jurisprudentielles prenant en charge le statut de l'enseignant - chercheur,
d'une part à la préférence des ad