Être parent, un rôle et une mission qui se ... - Pierre Moisset

Comment transmettre, comment donner des limites, comment faire exercice ....
Pour rendre les choses plus clairs, voici quelques exemples de parcours ..... elle
fait très souvent référence au contrat de départ qui a été trahi) et ses exigences, ...

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Être parent, un rôle et une mission qui se complexifient Dans cette première partie, nous revenons rapidement sur les évolutions
qui nous ont mené jusqu'à la famille que l'on connaît aujourd'hui.
Famille marquée par l'importance des liens entre ses membres et par la
place centrale qu'y occupe l'enfant. Nous verrons comment, au cours de
cette évolution sociale, le rôle et la fonction de parents se sont
complexifiés à mesure que les regards sur l'enfance et la petite enfance
évoluaient et s'affinaient. Avènement de l'enfance La deuxième moitié du 20ème siècle a vu l'avènement d'un nouveau régime
de relations familiales que l'on désigne par le nom de famille
contemporaine ou famille postmoderne. Ces relations familiales se
caractérisent par la centration des différents membres de la famille sur
les relations. Les personnes ne tiennent plus ensemble, ne construisent
plus leurs liens sur la tenue de rôles, de places et de statuts mais sur
des relations mutuellement gratifiantes. Très grossièrement dit, le
passage de la famille « ancienne » à la famille contemporaine se traduit
par cette centration sur les relations alors qu'avant la centration
portait plus sur les places, rôles et statuts de chacun. C'est notamment
dans le cadre de ce passage d'un régime de relations familiales à un
autre que la complexification du rôle et de la mission des parents prend
place.
Cette complexification peut se lire, selon moi, de deux façons. D'une
part, elle naît d'un regard social porté sur l'enfance et la petite
enfance (depuis la fin du 19ème siècle) un regard qui, en considérant le
jeune enfant comme un bien social à préserver complexifie son approche et
raffine la perception que les adultes en ont. Aussi, les parents doivent
composer leur rôle avec une conception de plus en plus raffinée de la
petite enfance. Au sein de cette « naissance de la petite enfance » qui a
contribué à complexifié la parentalité, on pourra distinguer, avec Gérard
Neyrand, plusieurs périodes. D'autre part, le régime relationnel typique
de la famille complexifie l'approche de l'enfant en la mettant en tension
entre deux objectifs: révéler la personnalité de l'enfant et garantir sa
promotion sociale. L'héritier, l'écolier et l'enfant. Le passage de la famille « ancienne » à la famille « moderne » s'opère
par la médiation d'un changement du rapport à l'enfant. Historiquement,
la naissance de la notion d'enfance, telle qu'on la connaît apparaît avec
la naissance et le développement de l'institution scolaire. Institution
qui isole l'enfant du monde des adultes, le plonge dans un temps de
socialisation et de formation spécifique. « L'école crée une idée
particulière de l'enfance qui réclame une prise de conscience de
l'innocence et de la faiblesse de l'enfance, et par conséquent le devoir
des adultes de préserver l'une et d'armer l'autre. » (Ariès cité par
Singly, 1993). Ainsi, et il est important de le souligner, la naissance
d'un autre rapport à l'enfant vient de sa soustraction à la sphère
familiale et plus largement au monde des adultes par une institution
extérieure qui porte un regard spécifique sur lui. On verra qu'il en est
de même dans le cas de la petite enfance.
Cette transformation du rapport à l'enfant ne repose pas uniquement sur
sa prise en charge scolaire, mais aussi sur ce que cette prise en charge
accrue annonce et accompagne : le changement des modalités de
transmission du capital dans nos sociétés. La transmission d'une
génération à une autre ne se fait plus (principalement) directement par
la transmission de terres, de capitaux, de charges et fonctions. L'enfant
acquiert maintenant, par son propre parcours scolaire un capital qui lui
est propre : le capital scolaire. Or le parcours scolaire ne s'hérite pas
directement des parents. Et cela change toute la donne. Les parents ne
peuvent désigner un héritier qui acquiert par lui-même son capital. La
relation parent-enfant change, elle ne se réfère plus à la nécessité de
désigner un héritier. Dans cette relation épurée des nécessités d'un
certain type de transmission, l'affectivité va prendre une plus grande
importance, la famille se centre sur l'enfant. Genèse de la petite enfance La petite enfance, en tant qu'âge spécifique distingué en fonction de
besoins spécifiques auxquels répondent des soins et donc des personnes et
des institutions spécifiques a, en partie, connu le même type de genèse
que la notion d'enfance. Là encore, il ne s'agit pas de dire que les
familles et plus largement les individus n'avaient pas d'attentions
spécifiques envers les très jeunes enfants avant que ne surgissent écoles
maternelles, salles de garde, crèches collectives etc... Mais outre le
fait que ces attentions étaient - d'après les données historiques dont
l'on dispose - très différentes et pour tout dire beaucoup moins
systématiques et inquiètes qu'aujourd'hui, le sentiment d'une petite
enfance tel qu'on le connaît aujourd'hui c'est aussi formé via une série
de préoccupations sociales et de regards et pratiques institutionnelles,
au moins depuis la fin du 19ème siècle.
« En plus des questions d'hygiène et de prise en charge de la petite
enfance, le XIXème siècle découvre les questions politiques (à qui
appartient l'enfant : l'Etat ou la famille ?) aussi bien que les
questions psychologiques et pédagogiques ( comment adapter l'enseignement
aux capacités progressives des enfants ?). A partir de ce moment là,
l'enfant se différencie concrètement comme membre d'une classe d'âge
prise en charge par la collectivité des adultes. On s'interroge sur le
moyen d'exercer l'autorité dans le respect de la liberté de l'enfant, et
l'on affronte le problème de la socialisation de la jeunesse. » (Marie-
Claude, Blais). Après l'enfance, l'image et la notion de petite enfance
commencent à se former notamment par la prise en charge des très jeunes
enfants dans un même lieu par un ensemble d'adultes qui portent sur eux -
les enfants - un regard particulier (un regard porteur d'interrogations
psychologiques). Une très brève histoire de la prise en charge de la petite enfance Dans cette exploration de l'arrière fond historique des questions que
l'on se pose aujourd'hui sur la parentalité, il vaut la peine de
s'attarder un instant sur l'histoire des crèches au 19ème siècle. En
effet, à travers ces premières évolutions de ces établissements
d'accueil, plusieurs images de l'enfant se succèdent et se supplantent
et, corrélativement, plusieurs images du parent, du « bon » parent se
dessinent. Si, comme nous le soutenons, une part de l'évolution du rôle
de parent trouve son explication dans l'évolution de la prise en charge
sociale de l'enfance et de la prime enfance, s'intéresser à cette
histoire nous livrera des enseignements utiles.
Les premières crèches, mise en place au sein d'initiatives
philanthropiques, développent une image de l'enfant en tant qu'être de
plaisir et de développement: »Dans ce mouvement des crèches il existe à
l'origine une véritable attention au nourrisson, à ses besoins physiques
mais aussi ludiques et psychiques: le bébé n'est pas un objet insensible
qu'on manipule, un corps sans affectivité, sans intelligence ni
sensibilité. » (Morel, Rollet, 2000, P 333) Cette vision de l'enfant est
corrélative d'une visée de pacification sociale par l'oeuvre
philanthropique: « Derrière ces idées se profile toute une vision de la
société, celle de la bourgeoisie qui souhaite substituer à l'antagonisme
des classes sociales le rapprochement de celles-ci sur la base de
l'estime et de la charité. » (idem, p 334). Aussi, les parents ou plus
précisément les mères n'étaient pas exclus des crèches et l'allaitement
maternel était possible en journée au sein de celles-ci. La délégation de
l'enfant n'impliquait pas la coupure (en journée) d'avec ses parents, la
crèche pouvait être un lieu d'exercice de la parentalité (pour utiliser
un terme anachronique) à travers l'allaitement.
Avec la reprise des crèches par les municipalités, les choses changent,
l'hygiène prend le pas sur la morale au sein des crèches. Il ne s'agit
plus de rapprocher les classes sociales par l'oeuvre de bienfaisance
impliquant l'accueil et la sauvegarde des jeunes enfants, mais de baser
et légitimer cet accueil sur l'hygiène: « L'hygiène, en fait, a servi de
supports à d'autres débats, celui notamment qui, en France, s'est noué au
tournant du 20ème siècle autour de la laïcité. De façon à soustraire les
crèches à l'influence congréganiste, de façon à obtenir l'accueil des
enfants quel que soit leur statut, les républicains ont repris les
exigences hygiénistes, tout en y ajoutant bien d'autres règles qui
n'avaient pas grand chose à voir avec l'hygiène. » (idem, P 338) En effet
l'hygiène, est dans ce contexte de première modernité où la raison
remplace Dieu, un nouveau guide. Mais cette affirmation de l'hygiène
n'est pas sans conséquence sur l'accueil et l'image des parents; « Dans
cette perspective, les parents ont bientôt été perçus comme gênants et
ceci doublement. D'abord on les accuse d'ignorance. Les parents, les
mères ignorent tout de l'hygiène; on doute de leur capacité de changer de
méthodes, on les trouve entêtés, récalcitrants. Ensuite on se méfie d'eux
car, venant de l'extérieur, ils apportent avec eux des microbes. C'est
dans ce