de l'économie internationale à l'économie politique internationale - Tel

Les outils de l'économie internationale (ceux de la théorie du commerce ..... Pour
illustration, et à supposer que les politiques commerciales n'interfèrent pas dans
...... les deux situations (celle du monopole de l'exercice de la puissance et celle
de ...... équivalent de pays [Benaroya & Bourcieu : 2003] ne corrige pas ce biais.

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Intégration économique et gouvernance internationales

Un programme de recherche


en économie politique internationale (epi)


Pierre Berthaud

Maître de conférences, upmf - ufr économie, Stratégies, Entreprise (ese)
et Laboratoire d'économie de la Production et de l'Intégration
Internationale (lepii-cnrs)
pierre.berthaud@upmf-grenoble.fr


Texte hdr

Introduction

L'objet de ce texte est de préciser les problématiques de recherche que
j'ai développées depuis la soutenance de ma thèse en 1992. Intitulée
« Essai sur l'évolution de l'économie globale à partir de l'étude de sa
composante pétrolière » [23][1], cette thèse a décidé de ma spécialisation
dans le champ de l'économie internationale et m'a conduit à m'intéresser
aux défis que pose un thème alors nouveau (la mondialisation) à cette
branche de l'analyse économique. Les outils de l'économie internationale
(ceux de la théorie du commerce international et ceux de la théorie
monétaire internationale notamment) ont été forgés en référence à un
système fractionné en États-nations et à une représentation de leurs
relations économiques en termes d'interdépendance. Cette représentation en
termes d'interdépendance est-elle encore adaptée à l'étude des tendances
nouvelles du système (intégration des marchés, formation de réseaux
transnationaux, etc.) que la littérature commence à l'époque à réunir sous
un seul vocable : celui de globalisation ou mondialisation ? La
mondialisation justifie-t-elle le développement d'une problématique de
l'intégration internationale en lieu et place de la problématique de
l'interdépendance ou, à tout le moins, en complément à elle ? Ce type de
questionnements sur les tendances de la mondialisation et sur les moyens
scientifiques d'en rendre compte et de les expliquer constitue l'attracteur
de mes recherches dans le champ de l'économie internationale. Amorcé dans
ma thèse sur un terrain sectoriel (celui du système pétrolier
international), il a ensuite évolué vers une perspective plus générale :
celle de l'étude de la mondialisation dans ses diverses dimensions
(commerciale, monétaire, financière, productive et industrielle notamment)
et de la recherche des outils analytiques pour en produire une théorie. La
globalisation ou mondialisation (les deux termes sont provisoirement
considérés comme interchangeables[2]) constitue donc l'objet concret de ces
recherches - un objet ou domaine d'études qui réclame qu'on en précise les
formes et le contenu. La question de l'adéquation des outils traditionnels
de l'économie internationale (prise ici au sens d'une sous-discipline ou
d'un champ particulier de l'analyse économique) à l'analyse de ce domaine
d'études, donc aussi celles des aménagements ou des modifications plus
profondes à lui apporter, constituent le pendant analytique de ces
recherches.




Mon travail sur ce plan m'a conduit à retenir deux problématiques
principales et à chercher, pour l'avenir, à développer leurs articulations.


La première est celle de l'intégration internationale. Mes premiers
travaux post-doctoraux sur la mondialisation [8, 11, 17, 19], mais
également mes enseignements, notamment en Master 2 Recherche[3], m'ont
conduit à considérer que les développements qu'à connus la théorie de
l'intégration internationale au cours des dix dernières années forment le
socle d'une théorie de la mondialisation qui manquait jusqu'alors à
l'économie internationale (et, plus largement à l'analyse économique), en
particulier parce qu'elle associe dans le même modèle (en les endogénéisant
donc) le jeu de variables économiques et celui de variables politiques. On
évoque à ce sujet la perspective d'une nouvelle économie politique de la
mondialisation : nouvelle parce qu'elle renoue avec une tradition ancienne
de l'analyse économique (celle qui positionnait la discipline dans le champ
des sciences sociales en considérant que toute économie était
nécessairement politique et réciproquement) mais aussi parce qu'elle
incorpore et retient les progrès réalisés par l'économie « pure » (la
démarche « économico-économique » qui a prévalu au cours des années 1970 et
1980), notamment en matière de définition d'outils d'analyse [Saint-Paul :
2001]. Ce genre de démarche a d'ores et déjà conduit l'économie
internationale à réviser sa définition et son analyse d'objets aussi
essentiels pour l'étude de la mondialisation que la nation, les frontières,
les unions internationales, etc. [McCallum : 1995 ; Bolton & Roland :
1997 ; Alesina & Spolaore : 2003 ; Alesina et alii : 2005 ; Siroën : 2002,
2004, 2006]. Elle converge aujourd'hui sur la modélisation d'un processus
d'intégration économique qui avance « main dans la main » avec
l'intégration politique [Alesina, Spolaore & Wacziarg : 2000] et qui permet
d'expliquer à la fois la tendance au fractionnement du monde (la
mondialisation va de pair avec un accroissement du nombre des États-
nations, de l'hétérogénéité de taille et la diversité de forme de ces pays)
et la tendance à l'unification du monde (unification des marchés, mais
aussi accords régionaux et expériences d'unions politiques entre les
nations ou formation de coalitions à but stratégique...). Les forces qui
nourrissent cette dualité (ou dialectique) de la mondialisation sont mieux
comprises et modélisées qu'il y a dix ans. Elles ouvrent des perspectives
tout à fait nouvelles pour l'analyse à la fois positive et normative de la
mondialisation.


La seconde est celle de la gouvernance mondiale et, par extension, de la
gouvernance de la mondialisation. Selon le rapport que le Conseil d'analyse
économique a consacré à ce sujet [Jacquet, Pisani-Ferry & Tubiana : 2002],
ce néologisme ouvre à « une réflexion sur la façon dont l'économie mondiale
est gouvernée » qui évite la connotation excessivement centralisatrice du
terme de « gouvernement » et « exprime le problème de base de
l'organisation de l'économie internationale : comment gouverner sans
gouvernement ? » (p. 12). La problématique de la gouvernance mondiale
renvoie à l'étude de l'architecture des règles collectives, des normes et
des politiques publiques qui encadrent, guident et contraignent l'activité
des acteurs de marchés mais également celle des États. Elle conduit à
« s'aventurer aux confins de l'expertise économique, au lieu de s'en tenir
à l'analyse des conditions de l'intégration internationale et à la mesure
de ses bienfaits » (idem p. 12). Il y a effectivement un risque pour
l'économiste à se porter sur un terrain (celui de l'étude des « sciences du
gouvernement ») qui n'est pas « naturellement » le sien. Mais ce risque
doit être mis en balance avec celui de confiner le rôle de l'analyse
économique à la production de modèles « purs », qui feraient abstraction du
facteur politique et qui renonceraient du même coup à mesurer leur pouvoir
interprétatif sur les faits. Posé ainsi, le problème n'est pas, pour
l'économiste, de choisir entre se réfugier dans la tour d'ivoire de
l'économie pure et s'aventurer sans guide sur un terrain politique qui
n'est pas le sien. Il est de produire des outils qui lui permettent
d'endogénéiser le facteur politique et ainsi, de construire des modèles
d'économie politique qui n'amputent pas leur pouvoir interprétatif (leur
capacité à interpréter le réel). Nous avons déjà signalé que la nouvelle
économie politique ouvrait une voie de ce genre au sujet des phénomènes
d'intégration internationale. Dans cette étude, nous faisons l'hypothèse
que la problématique de l'économie politique internationale (épi) trace une
perspective similaire au sujet des problèmes de gouvernance accompagnant
ces processus d'intégration. L'épi est une problématique originale qui
s'est développée au cours des trente dernières années avec le projet
d'étudier les interactions entre la logique de la puissance (le pouvoir des
États notamment) et la logique de la richesse (celle des intérêts
économiques) dans l'économie mondiale [Kébabdjian : 2006a]. Cette
problématique a été forgée à l'origine par des chercheurs en sciences
politiques [Keohane & Nye : 1971, etc.] jugeant que l'importance croissante
prise par les enjeux économiques dans l'arène des relations internationales
(l'interdépendance croissante des nations, l'accélération des processus de
transnationalisation de la production et des firmes, etc.) justifiait d'un
programme de recherche qui soit plus étroitement arrimé au socle analytique
produit par l'économie internationale - d'où les emprunts à des économistes
internationalistes comme Kindleberger (sur la fonction du pays leader dans
la fourniture de biens publics internationaux), Vernon (sur l'analyse des
relations entre les firmes transnationales et les États-nations) ou Cooper
(sur le pouvoir monétaire international). Ce positionnement initial de
l'épi n'a cessé ensuite de se confirmer à l'égard de ses deux sous-
disciplines souches : les relations internationales (branche des sciences
politiques) dont elle se distingue par le poids qu'elle accorde à
l'économie (comme objet d'étude et comme boîte à outils) et l'économie
internationale (branche des sciences économiques) qu'elle entend ouvrir à
l'analyse du pouvoir (un « banni récalcitrant » selon la formule de Perroux
[1971]) et du rôle des institutions