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C'est en 1665 que le Duc de La Rochefoucauld publie un premier ensemble de
maximes qu'il remanie, corrige, modifie et augmente en permanence jusqu'à ...

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Commentaire de texte François de La Rochefoucauld (1616-1680), Réflexions ou Sentences et
Maximes morales, 1678, maximes 80 à 88 C'est en 1665 que le Duc de La Rochefoucauld publie un premier
ensemble de maximes qu'il remanie, corrige, modifie et augmente en
permanence jusqu'à l'édition de 1678. Il ne développe pas dans cette ?uvre
une pensée tout à fait originale mais s'inspire de l'augustinisme, courant
religieux inspiré de Saint Augustin (354-430) : il s'agissait de montrer
que l'humanisme, confiant dans la raison naturelle de l'homme, prône en
fait de fausses vertus. Selon Saint Augustin et donc La Rochefoucauld,
l'amour de soi (l'amour-propre) fait oublier Dieu à l'homme et celui-ci
s'idolâtre lui-même en des comportements et sentiments (amitié, amour,
sociabilité, honneur, clémence, mérite...) qu'il faut démasquer comme des
vices. La Rochefoucauld s'empare d'un genre mondain, la maxime, pour mettre
à la portée du public la difficile pensée augustiniste et pour lui faire
prendre conscience qu'il s'adonne à une sociabilité marquée par
l'hypocrisie. La maxime est une formule courte, lapidaire qui exprime une pensée morale
ou une réflexion à portée générale. Problématiques possibles : Quelle conception de l'amitié LaR développe-il ?
Comment met-il au service de sa pensée un genre original ? LaR porte-il un
jugement seulement pessimiste sur l'amitié ? Plan : 1 : Une apparente discontinuité 2 : Des énoncés à portée universelle
3 : Un appel à la lucidité 1 : Une apparente discontinuité a : La fragmentation : force ou faiblesse ? Le lecteur peut être gêné par l'aspect fragmentaire, éparpillé du
texte : l'impression de discontinuité et de manque de cohérence pourrait
retarder la compréhension. On relève aussi une diversité apparente des
thèmes (amitié, réconciliation avec les ennemis, défiance) qui perturbe la
perception d'ensemble et la mémorisation de ce qui est dit. Les numéros et
les blancs typographiques matérialisent cette fragmentation. Toutefois la
discontinuité engendre aussi une force argumentative : la brièveté des
maximes semble imposer leur vérité. Le lecteur a à peine le temps de réagir
à ce qui est affirmé, surpris qu'il est par la densité du propos. Il est
souvent amené à procéder à une relecture, à une méditation. Le ton prend un
aspect autoritaire et définitif, non discutable. Une maxime a de ce fait
une qualité incisive et formulaire. b : L'autonomie de la maxime A l'exception de la maxime 85, qui comporte deux phrases, chaque
maxime équivaut à une seule phrase. Le nombre de propositions varie entre 1
et 5. La juxtaposition est favorisée. On s'approche donc de l'asyndète:
l'absence de liaison grammaticale entre plusieurs termes ou de la parataxe
(cas particulier de l'asyndète), juxtaposition de deux propositions entre
lesquelles le lien de dépendance n'est qu'implicite (On ne trouve ni outil
de coordination ou de subordination). Ces procédés donnent aux phrases un
tour elliptique, sans doute plus efficace et obligent le lecteur à fournir
un effort de compréhension pour rétablir les mots de liaison manquants. Ils
rendent le lecteur plus actif (il comprend alors mieux?), ils l'obligent à
fournir un effort intellectuel. Toutefois, certains connecteurs logiques
apparaissent : « et » (valeur d'addition 81, valeur de conséquence, 88),
« néanmoins, (valeur d'opposition 81, renforcée par un « et » 85), « mais »
(opposition 85), auquel on peut éventuellement adjoindre le connecteur
énumératif « enfin » 83 qui relie des propositions mais sans valeur
logique. On peut donc parler d'autonomie de la maxime : chaque maxime est
une unité syntaxique et argumentative que l'on peut lire en et pour elle-
même car elle possède une cohérence interne qui la rend indépendante des
autres maximes. c : Une continuité Une continuité sémantique : La cohérence se lit aussi grâce aux
répétitions lexicales. Le terme amitié à 3 occurrences et s'y ajoute une
forme au pluriel (80) qui lui donne un sens légèrement différent : du
sentiment abstrait, on passe à des relations concrètes, à des amitiés
réelles. Mais on relève de même toute une déclinaison lexicale autour de l'amitié
(on peut parler de paradigme : ensemble des formes différentes que peut
prendre un mot) : le terme amis, le verbe aime ou l'amour-propre ici
considéré comme le contraire d'amitié. On note aussi l'antonyme ennemi. D'ailleurs des couples de termes se
forment : le mot société a quasiment pour synonyme commerce. Tromperie et
dupes sont sémantiquement liés. Défier et défiance sont des dérivés. Commerce, bons offices recevoir, termes qui ont une connotation mercantile,
rejoignent ce vocabulaire de l'amitié pratiquée par les hommes pour
'l'intérêt qu'y trouvent. On relève donc au final une isotopie de l'amitié (plus qu'un champ
lexical) : une isotopie c'est un ensemble de mots qui entretiennent une
parenté au niveau du sens. L'isotopie se distingue de du champ lexical dans
la mesure où elle brasse "plus large" (deux mots apparemment sans rapport
mais que le contexte réunit formeront une isotopie). Ce travail l'auteur sur le vocabulaire vise à tisser une certaine
continuité thématique dans cette série de maximes. Une continuité grammaticale : On remarque aussi des tournures
grammaticales récurrentes comme le clivage : ce qui/que..., c'est (80,
83), l'emploi du présentatif : c'est, et la négation : ne..ne.... Ces
reprises invitent le lecteur à reconnaître dans la succession des maximes
une même manière de pensée, une fidélité à un même type de raisonnement. Conclusion partielle : La Rochefoucauld a choisi donc un savant
désordre : les maximes fonctionnent par séries traitant du même thème, (ici
l'amitié) et elles se succèdent souplement, certaines maximes se faisant
parfois écho. Cet agencement permet de maintenir l'unité tout en offrant
une variété certaine. 2 : Des énoncés à portée universelle a : Le lecteur impliqué et bien davantage... Le pronom nous apparait à plusieurs reprises. Il peut désigner les
hommes en général, mais il inclut d'abord le locuteur et son destinataire.
Le lecteur se trouve par conséquent inclus dans l'argumentation de la
maxime, ce qui en augmente la force persuasive. Le lecteur ne peut que se
sentir concerné par le blâme de La Rochefoucauld qui, en s'incluant lui-
même, semble faire preuve de bonne foi et de modestie, et ne pas se
considérer nécessairement différent et vertueux. b : Des vérités universelles Le genre de la maxime vise à énoncer des vérités universelles, c'est
pourquoi on trouve quasiment exclusivement le présent de l'indicatif à
valeur gnomique (ou de vérité générale). Seule la maxime 87 fait exception
car elle utilise un système hypothétique (si + imparfait, conditionnel
présent). . En outre, on relève l'emploi de nombreux groupes nominaux avec
articles définis à valeur générique : les hommes (83, 87), l'âme, l'esprit,
l'amitié. On peut noter aussi des constructions impersonnelles (il est
...80, 84). qui concourent au même effet : un propos abstrait peut
s'appliquer universellement. Conclusion partielle : Le terme de " maxime " vient de la forme
latine maxima (sententia), littéralement la " sentence la plus grande, la
plus générale ". Cette forme brève, tout comme l'aphorisme, ou le proverbe,
tient un discours universel à propos de l'homme. " Voici un portrait du
c?ur de l'homme que je donne au public, sous le nom de Réflexions ou
Maximes morales. Il court fortune de ne plaire pas à tout le monde, parce
qu'on trouvera peut-être qu'il ressemble trop, et qu'il ne flatte pas
assez. " écrit La Rochefoucauld dans son avis au lecteur. La maxime se
définit bien comme une appréciation ou un jugement très général. La
Rochefoucauld a bien compris que l'adhésion du lecteur ne pouvait aller de
soi. C'est la raison pour laquelle dans l'avis au lecteur des Maximes, il
ménage la susceptibilité du lecteur, sans pour autant renoncer à l'enjeu
didactique, en lui proposant un mode d'emploi de ses maximes: " En un mot,
écrit-il, le meilleur parti que le lecteur ait à prendre est de se mettre
d'abord dans l'esprit qu'il n'y a aucune de ces maximes qui le regarde en
particulier, et qu'il en est seul excepté, bien qu'elles paraissent
générales ; après cela, je lui réponds qu'il sera le premier à y souscrire,
et qu'il croira qu'elles font encore grâce au c?ur humain. " 3 : Un appel à la lucidité a : Une réalité décevante Le moraliste ne propose de l'amitié qu'une définition déceptive,
marquée par exemple par la restriction : ne...que (83), la réduisant ainsi
à peu de choses, si ne n'est de l'intérêt. Par leur connotation mercantile,
certains termes, tels que gagner ou intérêts, démasquent les compromis
déguisés en amitié. Certaines formules sont construites sur un bouclage par le pronom nous (81,
85 et 88). Un tel bouclage, répété, peut signifier la difficulté de
s'ouvrir aux autres et donc la puissance de l'amour-propre. L'auteur blâme
avec énergie cet amour de soi qui domine dans la société. De plus, l'amitié est dénoncée comme un mot mal employé (83), comme une
apparence de fausse vertu (81, 83) et comme variable et instable (85, 88). L'amitié est donc proposée par le moraliste comme une réalité
décevante. Il n'y a aucune idéalisation, aucune transfiguration de ce type
de relations. b : Une réalité ambigüe En fait, la pensée de La Rochefoucauld s'avère plus nuancée. Certes à
la première lecture se dégage un léger