Science régionale, ASRDLF et économétrie spatiale - Exercices ...
La même critique des modèles régionaux macro-économiques se retrouve dans
.... se faire, par exemple, par l'usage d'un modèle dit de Lotka-Volterra, dont les ...
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Science régionale, ASRDLF et économétrie spatiale. Jean H.P. Paelinck
Distinguished Visiting Professor
George Mason University
School of Public Policy Communication préparée pour les sessions spéciales en l'honneur de Bernard
Guesnier, Colloque de l'ASRDLF, Grenoble-Chambéry, 11-13 juillet 2007. Table des matières. 1. Introduction. 2. Les années obscures. 3. L'archéologie. 4. L'ère moderne. 5. Défis pour l'avenir. 6. Conclusions. 7. Références.
1. Introduction.
L'économétrie spatiale est un domaine d'étude en expansion extrêmement
rapide au sein des sciences régionales; au colloque annuel de la North
American Regional Science Association (novembre 2006) pas moins de 13
sessions y furent consacrées. Ce développement va de pair avec celui d'un
frère jumeau, la statistique spatiale, les deux disciplines étant en fait
complémentaires l'une de l'autre. Nous ne traiterons ici que de
l'économétrie spatiale comme nous en avons vécu l'évolution - et comme nous
la pratiquons encore maintenant -, renvoyant le lecteur à une publication
récente (Griffith and Paelinck, 2007) pour plus de détails sur la
complémentarité mentionnée plus haut; de plus, nous montrerons comment
l'ASRDLF a été elle aussi un siège favorisé dans le cadre d'une émergence
récente. La section suivante sera consacrée à une époque obscure de notre
discipline, pendant laquelle on s'exerçait essentiellement à une
"économétrie spatiale sans espace"; puis progressivement cette espace
émerge, et des fragments d'exercices réellement spatiaux peuvent être
exhumés d'articles et de livres, comme le montrera la section 3. En 1979, avec notre collègue Léo Klaassen (Paelinck and Klaassen, 1979),
nous avons défini un certain nombre de principes qui - nous l'espérions -
pourraient guider de futurs travaux selon des lignes qui essayaient
d'identifier la spécificité de l'économétrie spatiale, tout en respectant
l'enseignement de l'économétrie générale; cela vaut d'ailleurs aussi pour
l'économie spatiale théorique, qui doit intégrer les principes de
l'économie théorique générale. Plus dangereuse est l'exploration de l'avenir, ce que nous ferons sur base
de nos propres travaux récents; nos vues sont certainement sujets à
controverse, mais nous espérons qu'elles stimuleront une discussion
fructueuse sur certains points délicats de notre discipline. Des conclusions et des références suivent, comme de bonne habitude.
2. Les années obscures.
Commençons par mentionner le fait que nous sommes entré en contact avec des
problèmes spatiaux à l'occasion d'une étude sur le développement régional
d'une région belge. A cette époque, très peu de matériels statistique était
disponible, ce qui impliquait qu'il fallait surtout raisonner
théoriquement, la base étant la théorie du développement polarisé. Mais les
concepts dégagés là (Paelinck, 1963) invitaient déjà à considérer les
développements régionaux conjointement, ce qui devait devenir plus tard le
principe de l'asymétrie des liaisons interrégionales. Les exercices économétriques publiés à cette époque étaient d'un type très
classique, ne considérant que les liaisons entre variables de même indice
régional. Des exemples en sont Thompson and Mattila 1959 (des commentaires
sur cette étude se trouvent dans Paelinck and Klaassen, 1979, page 6), et
Vanhove, 1963; cette dernière étude fut utilisée dans un exercice de calcul
des paramètres d'une politique multirégionale optimale (Paelinck, 1967),
mais nous notions déjà que le modèle sous-jacent était inadéquat pour
représenter proprement le fonctionnement spatial de l'économie, ce qui
devait évidemment se traduire dans les résultats du calcul mentionné plus
haut. Citons de Paelinck, 1967 (actes d'un Colloque de l'ASRDLF!), pages 57-
58:
"...les résultats de l'économétrie régionale, telle qu'elle est souvent
pratiquée, sont fortement affectés par la négligence de deux facteurs
essentiels:
- la localisation relative des régions faisant l'objet de l'étude;
- la localisation intra-régionale des activités sur lesquelles porte
l'analyse.
...De statique et indifférenciée, l'économétrie doit devenir dynamique et
différenciée; des modèles adaptés au caractère spécifique de l'analyse
régionale doivent être mis au point." La même critique des modèles régionaux macro-économiques se retrouve dans
Paelinck, 1973. L'on peut se poser la question pourquoi l'on ne prêtait pas attention aux
activités spatialement interconnectées. Car dans l'analyse de séries
temporelles l'on connaissait la notion de corrélation sérielle, quoique
l'on s'y référait surtout en termes de résidus aléatoires. Par ailleurs,
l'analyse entrées-sorties commençait à développer des variantes multi-
régionales, mais des variables topologiques typiques étaient absentes.
Enfin dans les études de mouvements inter-régionaux et internationaux
(migrations interrégionales ou inter-zonales, commerce international) l'on
faisait usage de modèles de gravitation, ce qui impliquait l'usage de
certaines mesures de distance. La réponse est probablement que le pont entre l'analyse économique spatiale
et l'économétrie proprement dite devait encore être construit. Exposer
comment cela a eu lieu progressivement va faire l'objet de la section
suivante.
3. L'archéologie.
Le tableau va en effet changer à la fin des années soixante et pendant les
années soixante-dix. En 1966 (voir aussi Lebart, 1969) Ludovic Lebart appliquait l'indicateur de
Geary (Geary, 1954) à des données départementales françaises; le
généralisant, il étudiait l'autocorrélation spatiale à différents degrés de
contiguité, mesurant en fait des effets de distance, car le degré de
contiguité est une authentique métrique. Une étude similaire fut publiée dans Paelinck and Nijkamp (1975, pages 223-
234 et 243-246); elle utilisait cinq groupes de variables (nombre
d'habitants par kilomètre carré, taux de croissance de la population,
emploi par kilomètre carré, valeur ajouté brute par tête aux prix des
facteurs, revenu disponible par tète). La première variable montrait une
autocorrélation spatiale positive systématique, les seconde et troisième
une autocorrélation négative, les deux dernières variables de nouveau de
l'autocorrélation positive, excepté au degré deux; ces résultats, pour 1960
et 1965, donnaient une idée claire de la structure spatiale des variables
considérées dans l'étude. Pendant cette période l'indice I de Moran (Moran, 1948, 1950) gagnait de la
popularité, le volume de Cliff and Ord (1973) sur l'autocorrélation
spatiale complétant le tableau. Mais au sein de l'ASRDLF, des tables rondes permettaient de ventiler de
nouvelles idées d'analyse spatiale quantitative; mentionnons le volume des
tables rondes de 1974 et 1975 que nous éditions en 1976, et celui de la
table ronde de Besançon de 1977, édité par Antoine Bailly et Jean-Marc
Holz, et dans lesquels sont publiés Hordijk et Paelinck (1976) et Paelinck,
Smit et Stijnen (1977). Ce qui manquait encore, cependant, était une complète intégration de
l'économie spatiale théorique et de l'économétrie proprement dite; telle
était l'ambition de "Spatial Econometrics" (1979).
4. L'ère moderne.
La vision initiale de ce que l'économétrie spatiale pourrait être, nous
l'avons exprimé dans notre allocution à la Société Néerlandaise de
Statistique à l'occasion de son Assemblée Générale le 2 mai 1974 à Tilburg.
L'intégration dont il vient d'être question s'exprimait par cinq principes
que nous rappellerons rapidement (voir aussi l'ouvrage collectif stimulé
par l'ASRDLF: Bailly et. al., 1987, pp.28-31).; ces principes s'appliquent
d'ailleurs aussi à une autre discipline née des activités de l'ASRDLF, la
médicométrie régionale (voir Paelinck, 1983; Bailly et Périat, 1995, pour
l'économétrie des services en général, voir Bailly, Paelinck and Polèse,
1992). Le premier était déjà introduit par les considérations précédentes, savoir
l'interdépendance spatiale. La nouvelle vision, cependant, était qu'il
fallait dériver cette interdépendance à partir du fonctionnement même des
économies spatiales. Deux modèles ont fait fonction de figures de proue, un
modèle de génération de revenus, et un modèle dit d'attraction; le premier
représentait une généralisation du modèle keynésien macro-économique de
consommation-investissement, introduisant des comportements d'achat et
générant des propensions à consommer spatiales, qu'il fallait estimer; le
second était un modèle de localisation Wébérien généralisé, basé sur des
choix de localisation en fonction des profits espérés. L'auteur continue à
utiliser ces modèles avec ses étudiants de la School of Public Policy à la
George Mason University; sans entrer dans les détails, notons bien que les
principes économétriques classiques - spécification, homogénéité
dimensionnelle, identification, test - sont systématiquement traités, mais
alors dans leur contexte spatial. Le second principe est celui de l'asymétrie spatiale des spécifications
considérées, spécialement les interdépendances spatiales. Ces deux principes sont en contraste évident avec la simple mesure de
moyennes mobiles spatiales ou les paramètres de processus d'autocorrélation
spatiale. Le troisième principe, nous l'avons baptisé d' "allotopie", à partir des
mots grecs ((((( et (((((, signifiant respectivement "autre" et "site"; ce
principe concerne l'influence à distance de variables exogènes, le modèle
Wébérien de localisation - déjà mentionné plus haut - étant une parfaite
illustration de ce principe. Des problèmes de choix dans l'espace mènent très souvent à des solutions
non-linéaires; ceci devrait se refléter dans les spécifications de modèles
spatiaux, surtout s'ils doivent décrire des choix ex-ante, par exemple des
modèles de localisation (citons le cas du modèle FLEUR; Ancot and Paelinck,
1983), mais des comportements ex-post qui en résultent (par exemple des
flux de transpor