Fr 12 années 30 - minaudier.com

Ce dont il concluait qu'il fallait se consacrer à « l'exercice transposé de la guerre:
...... en 1927 Julien Benda (1867-1956) avait dénoncé La trahison des clercs, ...

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Chapitre 12: À l'abîme: les crises des années 1930. La crise économique des années 1930 bouleversa tout l'équilibre
européen, tant économique que diplomatique. Contrairement à celle de la fin
du XIXe siècle comme à celle des années 1970, ce fut une crise importée,
née des problèmes internes de la première économie mondiale, l'économie
américaine: surproduction agricole, excès de la spéculation, consommation
trop étroitement liée à l'état général de l'économie en l'absence de tout
système redistributeur de richesse[1]. Qu'elle ait fait tant de ravages en
Europe, par le biais de retraits massifs de capitaux américains et de
l'effondrement des exportations aux États-Unis, est la preuve que les
puissances du vieux monde étaient déjà extrêmement dépendantes du nouveau,
bien plus qu'on ne l'imaginait en France notamment. Mais l'égoïsme dont
l'Amérique fit preuve contribua à l'aggraver dans le monde entier: il n'y
eut aucune concertation internationale, le gouvernement américain renforça
la législation protectionniste, et surtout en 1933 le président Roosevelt
prit la décision de dévaluer le dollar de 40%, ce qui rendit les produits
américains meilleur marché à l'exportation, donc mit en difficulté les
industriels européens. Bref, l'Europe en général et la France en
particulier subirent la crise sans avoir aucune prise sur les événements. La crise toucha la France assez tard et de manière progressive, moins
fort que les États-Unis et l'Allemagne (moins fort aussi que la crise de
1846-1848), mais plus durablement; il n'y eut pas de rémission au milieu de
la décennie comme aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, et en 1938 la
production n'avait toujours pas retrouvé le niveau de 1930. Surtout, le
marasme économique dégénéra presque immédiatement en une très grave crise
politique. Cette crise n'emporta pas le régime comme en Allemagne (il
fallut pour cela la défaite militaire de mai-juin 1940), mais elle
fragilisa grandement une IIIe République impopulaire depuis ses origines,
qui n'avait eu dix ans de répit dans les années 1920 que grâce à la
victoire, puis à la prospérité économique de l'après-guerre. Il est vrai
qu'elle en avait vu d'autres, depuis le boulangisme... Dès que le pays
affronta de nouveau des problèmes sérieux, les tares du régime réapparurent
en pleine lumière: menées par des gouvernements instables, défendues par
des personnnalités ternes (à l'exception de Tardieu et de Blum), les
politiques économiques successives, hésitantes et souvent incohérentes, ne
firent qu'entretenir la crise; le manque de culture économique de la classe
politique se révéla désastreux, à droite comme à gauche - la France n'a pas
eu de Roosevelt[2]. De plus, si aux États-Unis la crise a finalement plutôt
contribué à renforcer les institutions et la foi en la démocratie, dans
notre pays elle se traduisit par un renforcement des courants extrémistes,
à droite (les diverses ligues et autres formations plus ou moins
fascisantes) comme à gauche (le Parti communiste, malgré la conversion
tactique et momentanée de ses dirigeants à la défense de la démocratie
contre le fascisme entre le printemps 1934 et août 1939). Dans l'ensemble donc, une période passablement sinistre: une
atmosphère de plus en plus lourde, tant à l'intérieur (le débat politique
descendit à des niveaux de bassesse et d'hystérie jamais atteints
auparavant, ni depuis à l'exception de la période du régime de Vichy) qu'à
l'extérieur, avec des bruits de bottes de plus en plus insistants en
provenance d'outre-Rhin; l'impression de plus en plus largement répandue
que le pays et le monde allaient inéluctablement à la catastrophe; et les
rares tentatives pour freiner cette évolution, comme le Front populaire, se
soldèrent par des échecs. Et pourtant, une période extrêmement riche sur le
plan culturel (Céline, Bernanos, Claudel, Aragon, Mauriac, Picasso,
Matisse, Poulenc...), sur le plan aussi de l'expérience politique: ce fut
en référence aux leçons des événements traumatisants des années 1930, dont
la mémoire est restée très forte jusque dans les années 1980, que le pays
se reconstruisit après la tourmente de la guerre et l'intermède de Vichy,
tant du point de vue économique et social (la référence à l'expérience du
Front populaire fut essentielle pour les réformateurs de l'après-guerre)
que politique (l'élimination de l'extrême-droite pour une génération,
l'affaiblissement durable de la droite, le triomphe définitif de l'idée
républicaine; mais aussi le ratage de la IVe République, tentative
maladroite de réforme des institutions dans le cadre d'un parlementarisme
inefficace, mais que les attaques que lui avaient prodiguées l'extrême-
droite dans les années 1930 avait rendu presque intouchable). I-Les effets de la crise économique mondiale. A) L'approche de la crise. La crise économique arriva tardivement en France, à la fin de l'année
1930; fin 1929, la prospérité était à son apogée, et le "jeudi noir" de
Wall Street ne fut pas ressenti en France comme un tournant historique - on
le prit pour un événement purement américain: une correction des excès
spéculatifs des années 1920, un accident conjoncturel comme il s'en était
déjà produit maintes fois sans conséquences à long terme, par exemple en
1907[3]. L'excédent budgétaire atteignait quatre milliards de francs; les
stocks d'or de la Banque de France s'accroissaient régulièrement. Le
chômage était à peu près nul (il y avait douze mille chômeurs recensés en
décembre 1930 - selon des critères il est vrai bien plus étroits
qu'aujourd'hui). Les salaires avaient donc tendance à augmenter, puisqu'il
y avait pénurie de travailleurs, même si le patronat, pour limiter ces
tensions sur le marché de l'emploi, avait recours à l'immigration (voyez au
chapitre 11). De ce fait la consommation était euphorique, ce qui
contribuait à la bonne santé du secteur productif. Toutes les branches de
l'économie progressaient, à l'exception de l'agriculture. En fait, c'étaient paradoxalement les archaïsmes de l'économie
française qui la protégeaient momentanément de la crise. Le commerce
extérieur jouait un rôle assez faible: l'économie française était moins
extravertie que celles du Royaume-Uni et de l'Allemagne, ce qui fit que les
entreprises françaises furent moins vite touchées par les effets de
l'effondrement de la consommation aux États-Unis et par ceux des
dévaluations "compétitives" des monnaies anglo-saxonnes[4]. Le
protectionnisme forcené de la IIIe République empêcha la baisse des prix
mondiaux, notamment agricoles, de se répercuter immédiatement. Mais à
terme, une économie introvertie croît toujours moins vite qu'une économie
extravertie[5], car depuis l'Antiquité le commerce a toujours été une
activité plus rentable que l'extraction ou la production, et le marché
français était de taille réduite. De même, il y avait peu d'investissements
américains en France et les entreprises françaises dépendaient peu des
banques, nationales ou étrangères, et de la Bourse, car elles avaient
largement recours à l'autofinancement: de ce fait, elles furent peu
affectées par les faillites en chaîne qui se succédèrent aux États-Unis,
puis en Europe centrale, et les retraits de capitaux américains; mais à
terme, toute enteprise a besoin de capitaux pour se développer, et le
système bancaire français n'y suffisait plus. Le sous-peuplement relatif de
notre pays, et le manque de jeunes, protégeaient momentanément du chômage,
mais à terme ces facteurs représentaient une menace pour la consommation et
pour le dynamisme de l'économie en général. Seuls facteurs réellement
positifs, dans les années 1920 la France n'avait pas connu les mêmes excès
spéculatifs que l'Amérique; et grâce aux mesures prises par Poincaré en
1926-1928, le système monétaire et financier était sain. Des facteurs conjoncturels jouèrent aussi. Une série de commandes
publiques passées en 1928-1929 dans l'euphorie de la prospérité (et dans le
contexte de la dernière campagne électorale en date) fournissaient de
l'emploi et des débouchés à certains secteurs de l'économie qui, sinon,
eussent commencé à s'essouffler à cause de la fin de la reconstruction:
c'était le cas notamment du bâtiment et la sidérurgie, grâce à la loi
Loucheur sur les habitations à bon marché et à la construction de la ligne
Maginot. La mauvaise récolte de 1930 maintint les prix agricoles à un
niveau élevé; surtout, la dévaluation de 1928, qui avait abouti à une
sensible sous-évaluation du franc, permettait aux produits français d'être
très compétitifs à l'exportation, tant que les autres monnaies ne furent
pas dévaluées à leur tour. Tout cela contribuait à camoufler momentanément
les inconvénients d'une faible productivité due à des structures
économiques archaïques. Des industries comme le textile, pourtant en
retard, bénéficièrent même de la crise américaine dans un premier temps:
comme de nombreuses entreprises d'outre-Atlantique firent faillite pour des
raisons purement financières, c'est-à-dire sans que la qualité ni la
rentabilité de leur production ne fût en cause, les entreprises françaises
gagnèrent des parts de marchés sans avoir à faire d'efforts pour améliorer
leur compétitivité. Par ailleurs, lorsque commença la tourmente monétaire
dans les autres grands pays, des capitaux flottants viennent se réfugier en
France, pays dont la monnaie forte et la gestion budgétaire rigoureuse
inspiraient confiance; mais c'étaient par nature des capitaux fort
instables. Politiquement, le pays était calme en apparence; pourtant on sentait
la situation se tendre et "pourrir" peu à peu. En 1931 le radical Doumer
remplaça le radical Doumergue à la présidence de la République; c'était un
ancien ministre des Finances et un ancien gouverneur général de l'Indochine
française, un politicien de second rang pour qui la présidence de la
République représentait un bâton de maréchal, après celle du Sénat, dans la
plus exaltan