LA PRUDENCE

Il a échangé le lieu de combat avec la gloire du triomphe, et la palme du ... pour
faire dans la solitude les exercices spirituels avec les pères Jésuites. ..... Cette
charge fut introduite dans les collèges maristes en Chine comme conséquence d'
une loi scolaire en vertu ...... Il a révisé et corrigé cette monographie en juillet
1957.

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LA PRUDENCE 1-Une anecdote
C'étaient les années pendant lesquelles le Frère Basilio, avec le Père
Lombardi, faisaient connaître en Amérique Latine l'idéal du Mouvement
pour un monde meilleur. Sa renommée s'était déjà répandue et il eut
l'occasion de visiter la Province d'Amérique Centrale au cours d'un de
ses voyages, en 1965.
« Etant impossible au Frère Provincial de réunir tous les Frères au
Guatemala, il convoqua les Frères directeurs de l'époque, afin qu'ils
puissent recevoir une aide sérieuse sur le plan de la mission. En ces
années, le directeur d'une ?uvre était aussi le supérieur de la
communauté et souvent aussi l'économe. Je me rappelle bien qu'au cours
de la conférence, il nous posa une question pour un auto-examen :
'D'après vous, quelle est la vertu la plus importante pour un supérieur-
directeur ?'
Nous voilà, nous les illustres supérieurs de la Province face à un
examen sérieux... Nous nous sommes tous trouvés déplacés... Pour les
uns, c'était la présence dans la communauté, la ponctualité dans les
exercices communautaires ; pour d'autres, la capacité d'organisation,
la planification de tout le complexe scolaire et communautaire. Les
Frères plus attentifs à l'école défendirent comme prioritaire
l'attention à l'?uvre, avec des buts clairs, des objectifs bien définis
dans l'ensemble du projet de l'?uvre.
Devant notre échec, le Frère Basilio prit la parole et, avec la
simplicité qui le caractérisait, mais avec une profonde connaissance de
toutes les richesses et de toutes les pauvretés humaines, il déclara :
'C'est la vertu de prudence... et si parmi vous il y en a qui ne la
possèdent pas à un haut degré, il serait mieux qu'ils remettent leur
démission au Fr. Provincial.'
Je me rappelle que, bien que nous ayons tous échoué à l'examen,
personne ne renonça à sa charge. Le Seigneur, en effet, travaille avec
des personnes bien limitées.
Mais cela, à moi personnellement, m'indiqua des routes claires pour le
style de vie. Ce n'est pas toujours que nous pensons à la valeur de
cette vertu qui est le fruit de l'intelligence, d'un jugement sain, de
la capacité de l'écoute de l'Esprit, des personnes et des événements
pour arriver ensuite à la prise de décision. »[1] Bien avant de devenir
Supérieur Général, Basilio était alerté sur l'importance de la vertu de
prudence.
2-A peine élu Supérieur Général
Les pages d'introduction de la première circulaire du Fr. Basilio
révèlent ses sentiments dans les jours qui ont précédé et suivi
l'élection. La vertu de prudence occupe tout de suite l'avant scène de
ses préoccupations et cela nous dit l'importance qu'il accordait à
cette vertu. Nous découvrons un jeune Supérieur Général clairvoyant
quant à sa responsabilité et avec un c?ur ouvert à l'Esprit. Sa
première circulaire trace son programme d'action qui se veut tout
entier sous l'éclairage de la prudence.
1-La prudence, vertu essentielle du Supérieur
« Responsabilité confuse ; telle était bien celle qui se présentait à
moi. J'étais loin de connaître avec exactitude à quoi je m'engageais,
la portée et les limites de mes obligations, les moyens réels pour m'en
acquitter... En présence d'une route à prendre, en face des exigences
de l'Evangile, du concile, du monde d'aujourd'hui, de la conscience, il
n'est pas simple de choisir entre oui et non. Dire oui, c'est avancer
vers l'imprévu : motif sérieux d'inquiétude. Autre chose l'obéissance
enthousiaste et joyeuse aux ordres d'un supérieur responsable, et autre
chose devenir responsable soi-même de tout l'Institut...
Toujours est-il que, le moment venu, j'ai fait mon choix, j'ai
accepté. Pas de façon improvisée, car une âme charitable m'avait averti
que j'étais sur les rangs des candidats. J'avais donc dû prévoir et
réfléchir plusieurs jours à l'avance. Et c'est après avoir quelque
temps hésité intérieurement, beaucoup prié et médité que j'ai dit mon
Fiat. Dieu est le seul juge des intentions des hommes. Je me suis mis
dans ses mains paternelles, lui demandant que le choix dont j'étais
l'objet ne me rende pas victime de l'illusion de conduire un peuple, si
je devais être inapte à guider dans des chemins nouveaux les âmes
vraiment en quête d'une nourriture spirituelle authentique.
Comment pouvais-je dès lors, pour être trouvé fidèle, envisager les
graves devoirs de ma charge ? Il m'a paru qu'ils prenaient les
principaux aspects suivants :
-Manière de gouverner aussi universelle que possible, et non
pas marquée par des habitudes et des mentalités de race ou de
pays ;
-respect de la décentralisation qu'établira le Chapitre ;
-Gouvernement collégial conçu selon les méthodes de travail en
équipe ;
-recherche de motivations animatrices d'action enthousiaste,
-attitude de service et de dévouement ;
-sincérité et franchise :
-fidélité à Dieu, cherchant toujours sa vérité et sa volonté.
Cette volonté, cette vérité, je dois les aimer et les communiquer
plutôt que celles des hommes, et accepter que cette préférence
établisse parfois, entre eux et moi, séparation ou impopularité, exige
des démarches qui font saigner le c?ur.
L'Evangile m'apprend cependant que la vérité sait s'adapter aux
situations et aux personnes, non par faiblesse, mais par pédagogie
surnaturelle... C'est dans des attitudes adultes qu'un supérieur doit
servir ses frères.
Je souhaite et je demande au bon Dieu que mes désirs deviennent une
heureuse réalité et que, pour mener à bien cette tâche délicate du
gouvernement, Notre Dame, Trône de la Sagesse, m'obtienne la vertu de
prudence, vertu essentielle du Supérieur.[2] 2-Mais quelle prudence ?
Vous me permettrez, en terminant cette longue introduction, de vous
faire, sur cette vertu de prudence, quelques réflexions doctrinales,
d'autant plus nécessaires qu'elles donneront son sens au reste de la
circulaire et situeront mon action par rapport à la vôtre.
Quand je parle de prudence, je parle de celle qui est une vertu
positive, voire une technique de l'efficacité, du discernement et de
l'emploi des moyens qui permettent d'atteindre une fin. Selon les
critères qui déterminent une personne dans la poursuite des buts et le
choix des moyens, il faut distinguer quatre sorte de prudences.
La première, tournée vers les biens que la Sainte Ecriture appelle la
chair, se caractérise par une aptitude spéciale à obtenir plaisirs,
richesses, honneurs. Lorsque cette recherche devient la fin d'une vie,
tout l'activité de l' « enfant du siècle » est pervertie ; mais enfin
reconnaissons qu'il est bien rare de trouver dans la vie religieuse, au
moins de façon généralisée, cette prudence de la chair.
La prudence naturelle, elle, est une authentique vertu cardinale. Son
champ d'action est la morale ; elle cherche toujours le bien honnête,
individuel ou social, le bien digne de ce nom. Ceux qui la possèdent
aiment l'authenticité, la loyauté, la droiture. Ils ont des aptitudes
pour bien remplir leurs fonctions, pour gouverner ou conseiller. Sur le
plan humain, il y a là une vraie bénédiction et, une pierre d'attente
pour des biens et des vertus d'ordre supérieur.
Supérieure, en effet, est la vertu chrétienne de prudence. Elle
s'ordonne à la réalisation du mystère du salut et elle oriente toute
entreprise humaine, à la lumière du grand mystère de Jésus, selon le
signe de sa révélation. Fruit de la foi et de la grâce, elle est
absolument nécessaire pour la direction des ?uvres de Dieu. Une
institution, une ?uvre, fondée en vue du mystère chrétien, une société
surgie sous l'élan charismatique du Saint-Esprit seraient en sérieux
danger, si elles étaient gouvernées par des hommes de la deuxième
prudence. Celle-ci n'est que le vestibule, qui, s'il n'est pas dépassé,
maintient l'?uvre à un niveau strictement humain et lui interdit de se
hisser au plan évangélique.
Mais l'Esprit peut par contre apporter à la prudence chrétienne une
réalisation en plénitude ; c'est le don du Conseil, la prudence des
saints. Là, nous sommes au plan tellement supérieur à la simple
prudence chrétienne que les hommes ne comprennent plus. Même les
meilleurs d'entre eux vont peut-être, comme à l'égard du Père
Champagnat, parler de folie. C'est pourtant cette prudence qui a animé
la réalisation des grandes ?uvres chrétiennes, parfois d'ailleurs au
prix d'une crise des mentalités et des structures bien disposées et
bien organisées pour un service de Dieu un peu trop rassurant, au sein
de son Eglise. Action surprenante de l'Esprit sur certains membres du
Corps Mystique mettant à dure épreuve le rachitisme des sagesses
humaines. Les grandes rénovations de l'Eglise, de François d'Assise à
Jean XXIII sont un ébranlement qui suscite dans les âmes sincères une
floraison de bien et de sainteté, mais qui scandalisent les prudents de
ce monde, et égare ceux qui ne voulaient suivre que par opportunisme.
Vous comprenez mieux, peut-être maintenant, Mes Bien Chers Frères, les
préoccupations d'un Supérieur. Elu à cause de certaines qualités
humaines, il peut bien