EN MISSION AU GABON 1956 ? 1967 PREFACE J'ai reçu vocation ...

Des idées anciennes, ne pas vivre « à l'africaine » sous prétexte d'être plus prés
des gens, avec des tas de raisons sur la nourriture, l'état sanitaire, nos besoins,
etc. ...... Manifestement, je suis chez un notable, qui me reçoit avec sa femme sur
le pas de la porte, ma salue d'un majestueux "samba" en me serrant la main.

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EN MISSION AU GABON 1956 - 1967 PREFACE
J'ai reçu vocation pastorale dans les mouvements de jeunesse. J'ai
alors entrepris mes études de Théologie. Pendant ces études, a Montpellier,
j'ai participé à l'édition de l'
Almanach des Missions, avec deux ou trois étudiants, Gipouloux, Lenhbach.
Correspondance avec la Société des Missions, avec des missionnaires , avec
des gens compétents, comme on dit. Puis gros travail de mise en page, avec
la collaboration très compréhensive de l'imprimeur. Ainsi, petit à petit,
une autre vocation se faisait jour dans ma tête. Puis j'ai obtenu une
bourse d'études pour la Faculté de Genève où j'ai passé une très bonne
année... avec la rencontre de la perle qui allait devenir ma compagne, mon
amie, ma collaboratrice, celle que j'aime, Michèle avec qui nous vivons
ensemble depuis 58 ans ! Nous avons bien sur parlé de mes vocations, que
Michèle a immédiatement partagées. Puis nous nous sommes mariés, fabuleuse
fête à Lescoutet, découverte des Cévennes à moto. Un an de proposanat à
Poitiers, où nous avons été merveilleusement accueillis, et bien dirigés et
guidés par le Pasteur Rivièrre. Et puis six mois de formation à la Maison
des Missions, à Paris, sous la direction éclairée et amicale du Pasteur
Roux. On nous a demandé, bien sur où nous aimerions aller. J'ai suggéré la
Nouvelle Calédonie... Des missionnaires venaient nous parler de leur
travail, et l'un d'eux nous a raconté que « le Gabon, c'est le tombeau des
européens! » Puis est venu la soirée des affectation, et Monsieur Bonzon
nous dit, « vous, les Hutter, vous irez au Gabon ! » Bon ! Entre temps,
j'ai été « consacré » pasteur, comme on disait à l'époque, à Poitiers Je
dois ajouter que dans mon enfance à Malo, nous avons été bercé par les
missions. Papa était membre du Comité et nous passait parfois des diapos en
noir blanc. Des missionnaires venaient aussi et faisaient des conférences A
l'une d'entre elles, on voyait sur une photo une famille, avec leurs
enfants, sous un bananier, en train de manger des bananes Je devais avoir 7
ou 8 ans, et j'ai dit « je serai missionnaire pour manger des bananes sous
le bananier ! Et voilà pourquoi, en Juillet 1956 nous nous sommes retrouvés
sur le Mangin, grand paquebot à destination de Libreville, avec Magali dans
son youpala et Mireille dans son lit valise, sans trop réaliser ce qui nous
arrivait, ni ce que nous allions trouver et vivre. Enfin nous profitons de
cette croisière le long des côtes ouest de l'Afrique. Cabine confortable,
repas abondant et excellent, quelques rencontres avec les autres passagers.
Nous descendons à toutes les escales, où nous sommes accueillis par les
collègues. Descente mouvementée à Lomé et Sassandra, dans un panier
suspendu à la grue du bateau ! Et nous voilà à Libreville. Plusieurs années de préparation, de recherches, de
travail, en quelques lignes... Et c'est bien d'une certaine façon ce qui
nous reste en cet instant où nous découvrons au loin les côtes du Gabon, et
une ville à l'aspect européen. Un collègue est venu nous chercher, nous
embarquons dans un remorqueur et nous arrivons enfin sur cette terre
africaine où nous allons vivre une aventure tout à fait inconnue ! Je
souligne quand même que si nous sommes dans l'inconnu, nous ne sommes pas
tout à fait dans l'aventure. Nous arrivons dans une structure, nous aurons
un logement, un salaire, la compagnie de collègues missionnaires et
africains, la sécurité d'un retour en cas d'urgence. Nous restons trois jours à Libreville, chez les
Seidenbinder pour nous acclimater
et discuter de ce qui nous attend. Puis nous prenons l'avion pour Bitam, un
vieux DC 3, mais malgré tout assez confortable. Et, pendant une heure et
demis de vol, c'est la forêt, la forêt...Par instant, une rivière; sur une
rive une petite tache jaune, un village. De là haut, il semble que le seul
accès à ce village soit la rivière. Là bas, un long et mince trait couleur
de rouille : une route, puis un village. Nous sentons que l'avion descend.
Nous survolons un gros village, quelques toits de tôles, une grande piste
en latérite, et nous atterrissons à Bitam. Un grand rassemblement de
gabonais nous acclame. Un blanc mal rasé et vêtu d'un short trop long nous
accueille. Jacques Wildi sera un mentor compétent et agréable pour nos
premiers jours au Gabon. On embarque dans un vieux pick-up Chevrolet,
vraiment vieux et nous prenons le route pour Oyem. Route.!..Plein
d'ornières, de chaos, enfermée dans la forêt. Ici et là quelques cultures
de cacaoyers, un village. En fait nous nous arrêtons dans chaque village
où des foules nous attendent en chantant, merveilleux accueil. Soudain, on
se sent attendus. Enfin nous arrivons à Mfoul, le lieu de nos futurs
exploits...à la nuit tombée On nous explique qu'ici, la nuit tombe à 6
heures du soir, tous les jours ! A la lueur d'une lampe tempête, on nous
fait visiter notre case, grand bâtiment en briques, avec des terrasses tout
autour, toit de « paille » et quelques seaux plein d'eau... la provision
d'arrivée ! Sur la table de la salle à manger grouillent des dizaines de
gros cafards... »Rassurez-vous, nous dit on, ils disparaissent le jour ! »
Les demoiselles d'Ebeigne nous ont préparé un bon repas chez Wildi. On
bavarde un moment, on, nous parle des orages, du palu, des fourous, de
toutes ces choses africaines, puis nous allons nous coucher, morts de
sommeil. Lits peu confortables, paillasses en guise de matelas. Demain est
un autre jour !
* * * * * *
Nous ne savons pas encore ce que nous allons faire, ce qui
nous attend, mais je dois à la vérité de dire que nous n'arrivons pas « la
tête vide » Mon travail à l'Almanach des Missions, les rencontres, les
lectures, les « idées et thèses » du moment, ce que l'on nous a enseigné à
la Maison des Missions forment un certain nombre d'images, d' « idées
reçues » (ou que l'on découvrira comme telles) mais qui sont des
connaissances intellectuelles, et bien évidemment,t non vécues. Quand nous
avons su que nous allions au Gabon, nous avons fait quelques recherches sur
ce pays, sur la mission. Nous avons lu les livres de Lavignotte et de
Faure. C'est une époque où l'on croit encore à la supériorité de la
civilisation occidentale, à l'unique vérité du Christianisme - et c'est
bien l'une des raisons qui fasse que nous soyons là ! (d'une certaine
façon...) Il y a encore des traces de racismes, les blancs plus
intelligents, de toute façon supérieurs aux noirs... Des idées anciennes,
ne pas vivre « à l'africaine » sous prétexte d'être plus prés des gens,
avec des tas de raisons sur la nourriture, l'état sanitaire, nos besoins,
etc. Pas trop de familiarité. Une dame, à la maison des missions, a dit
aux demoiselles et aux dames « vous devrez vous changer au moins trois fois
par jour, à cause de la chaleur. Prévoyez alors plusieurs robes identiques
pour qu'on ne voit pas que vous avez une trop grande garde robe ! ... (Je
me souviens que les élèves ont fait grève du cours de couture su ce sujet
!) Sur la rambarde de la terrasse de Wildi sont plantées des aiguilles de
phono « Ma femme, nous dit-il, ne supportait pas que le boy s'y accoude »
Sur la terrasse de la case d'une demoiselle missionnaire, qui a fait un
travail considérable et remarquable, il y a une chaise réservée au visiteur
africain. Il s'assied là, et n'entre pas dans la maison. Cependant, circulent quelques idées nouvelles. La colonisation
touche à sa fin. Nous n'allons pas aider les gens et travailler pour eux,
mais nous allons travailler avec eux. Le pasteur Aeschiman, une des figures
du protestantisme français me dit : « vous allez découvrir bien des
aspects de l' universalité de l'humanité » On cite le proverbe chinois :
"si quelqu'un a faim, ne lui donne pas un poisson, mais apprends-lui à
pécher" Nous voici donc à pieds d'?uvre, la tête vide d'un côté, avec
toutes nos interrogations, et la tête pleine de l'autre, remplie de toutes
les informations reçues mais qui pour l'heure ne sont pas ancrées dans la
vie. * * * * * *
Je fais ce travail un peu à la demande de Simone
Piguet, qui vient d'éditer les notes d'André. Elle aimerait que lui donne
mon avis sur ce livre et que de mon côté, j'écrive aussi quelque
chose...Michèle aussi m'y pousse fermement ! Je me lance. J'ai présenté l'état d'esprit dans
lequel nous étions. Pour la suite, je ne vais pas faire un « journal » mais
je décrirais quelques grandes lignes de nos découvertes, de notre travail,
de l'église, de la Mission, des pasteurs, évangélistes,catéchistes, et
autres responsables des églises, comme les « bebaghle » (j'expliquerai en
son temps ) des écoles et des enseignants. Je parlerai de l'indépendance de
l' Église, et du Pays, qui ont coïncidé dans le temps. Je parlerai de la
langue, du peuple avec lequel nous travaillons, des coutumes. Je parlerai
du travail effectué par mon épouse. Et encore, le travail et les relations
avec les collègues missionnaires et gabonais . Je ferai chaque fois que
cela se présentera une sorte d'analyse de mes idées de départ, puis leurs
critiques et quelquefois de ce qui se passe au bout du cheminement. Vous
verrez ( ou plutôt, vous lirez) bien !
PREMIERS PAS