éléments de méthode - Hal
Mots-clés : topogenèse, chronogenèse, mésogenèse, logique interlocutoire,
logique .... Un certain nombre de recherches[3] ont porté sur les discussions ....
pris mon stylo rouge, et puis je me suis dit : allez, je vais corriger les cahiers. .....
Cette affirmation d'une pensée en train de se faire au contact d'autres et l'
exercice du ...
Part of the document
MÉTHODES D'ANALYSE DES INTERACTIONS VERBALES
AU SERVICE D'UNE DIDACTIQUE COMPARÉE Marc Weisser
LISEC / Université de Haute-Alsace
Paru in Revue Française de Pédagogie, n° 158, pp. 103-115, 2007 Résumé : La didactique comparée a pour ambition de distinguer le générique
et le spécifique dans les situations d'apprentissage. Elle s'appuie pour
cela sur un triplet conceptuel alliant topogenèse, chronogenèse et
mésogenèse. L'objectif de cet article est de tester différentes méthodes
d'étude des interactions verbales orales au regard de ces intentions, et de
repérer les liens privilégiés qu'entretiennent logique interlocutoire,
logique naturelle et analyse des trilogues avec l'une ou l'autre genèse.
Mots-clés : topogenèse, chronogenèse, mésogenèse, logique interlocutoire,
logique naturelle, trilogue.
Une précédente livraison de cette revue[i] nous engageait sur la voie d'une
didactique comparée, insistant sur la pertinence d'une approche qui
s'appuie sur la description du "maillage subtile entre dimensions
génériques et spécifiques", les unes pouvant être identifiées dans tout
processus d'apprentissage, les autres relevant de caractéristiques propres
aux savoirs visés (Mercier, Schubauer-Leoni, Sensevy 2002). C'est dire que
les interactions analysées y sont constamment rapportées aux contraintes
exercées par l'existence d'un but proprement didactique, qui légitime la co-
présence des interlocuteurs. Les problèmes récurrents sur lesquels
travaillent les Sciences de l'Education bénéficient dès lors d'une lecture
renouvelée, les enjeux de savoir restant toujours présents comme facteur
explicatif invoqué.
Mais toute tentative comparatiste est vouée à rencontrer des obstacles,
tant conceptuels que méthodologiques (ibid.). Sur le premier de ces plans,
Brousseau pointe la nécessité "de dériver ou de modifier" les emprunts
faits aux disciplines contributives, pour inventer "une variété didactique
des concepts de sens, de mémoire, de décimal, etc., inconnue en
linguistique, en psychologie, en mathématiques" (1986 / 1998, p. 50). Sur
le second, Sensevy et Quilio appellent de leurs v?ux une "pragmatique
didactique" apte à décrire les techniques linguistiques dont l'enseignant
se sert pour entretenir la relation didactique (2002). Ces deux exemples
rapides montrent, si besoin est, l'ampleur de la tâche qui s'offre aux
chercheurs. Ce texte s'inscrit dans le dernier des axes qui viennent d'être évoqués. Il
a pour ambition de repérer les liens privilégiés entre certaines méthodes
d'analyse de corpus linguistiques et quelques-unes des notions
fondamentales de la didactique comparée. Nous commencerons par emprunter à
cette dernière un réseau conceptuel cohérent dont nous définirons les
éléments interdépendants. Nous indiquerons ensuite les bases empiriques et
les résultats sur lesquels s'appuie la présente synthèse. Ce qui nous
permettra finalement de détailler les relations étroites tissées entre les
facettes du processus d'apprentissage et les outils d'analyse mis en
oeuvre.
LIRE LA DYNAMIQUE DE L'ENSEIGNEMENT / APPRENTISSAGE La didactique comparée cherche à marquer la frontière entre ce qui relève
d'une part du didactique, compris comme l'expression de la volonté d'une
personne de transformer le système de connaissance d'une autre personne
(Mercier, Schubauer-Leoni, Sensevy 2002, p. 7), et d'autre part de la
didactique, dans ce qu'elle présente à chaque fois de singulier, de
spécifique à chaque discipline d'enseignement. Les processus
interactionnels y sont étudiés d'un point de vue dynamique triple :
"Enseigner, c'est à la fois gérer l'avancée de la chronogenèse, la
partition topogénétique et le rapport effectif des élèves à la situation
didactique" (Sensevy, Mercier, Schubauer-Leoni 2000, p. 295), dans l'espoir
de décrire les conditions de l'action du professeur. Celui-ci a pour
responsabilité d'aménager un enchâssement de médiations : médiation
cognitive dans "le processus qui s'instaure entre le sujet apprenant et
l'objet d'apprentissage", médiation didactique dans la construction même du
dispositif qui place l'élève en contact avec une succession d'états du
savoir à acquérir (Lenoir 1996, p. 244).
A l'intérieur de ce milieu générateur de possibles et de nécessaires
(Sensevy, Quilio 2002, p. 51), un certain nombre de règles, en général
tacites, conditionnent la signification des problèmes pour les élèves,
induisent leurs conduites, expliquent d'éventuelles réponses de prime abord
absurdes. Mais ce contrat didactique ne s'énonce pas à l'identique pour
tous les membres d'une classe. Pour l'enseignant, il existe différents
types d'élèves qui occupent des positions relatives au sein du groupe. De
ce point de vue, le rapport institutionnel au savoir mis en scène par le
professeur ne correspond pas forcément au rapport personnel au savoir
établi par chaque apprenant (Schubauer-Leoni 1996, pp. 160-162). La
rapidité d'acquisition du savoir, le statut d'actualité ou d'obsolescence
qui sera conféré aux objets didactiques, le degré d'implication dont chacun
accepte de faire preuve dans sa construction, autant de traits
différenciateurs.
C'est par le biais de la dévolution que l'enseignant essaie d'opérer ce
transfert de responsabilité. Dévolution des processus de validation du
savoir et des méthodes adéquates pour y parvenir, dévolution aussi de
l'avancée du temps didactique. Mais traduire les problèmes ainsi posés au
professeur en termes de motivation est impropre ; il convient bien plutôt
d'analyser la signification que revêtent, aux yeux de l'élève, et la
connaissance, et la situation qui engage son évolution (Brousseau 1990 /
1998, p. 303).
Dans ce cadre théorique, la mésogenèse se définit comme l'évolution des
objets meublant le milieu, et de leurs relations, par le biais
d'interactions entre les apprenants et avec le professeur (Mercier,
Schubauer-Leoni, Sensevy 2002, p. 11). Sa progression, si on veut qu'elle
soit assurée par les élèves, exige une suspension de l'évaluation des
résultats intermédiaires obtenus par la classe, lors des phases d'action,
de communication, de validation d'une situation problème (Fluckiger,
Mercier 2002, p. 32). La chronogenèse figure justement cette succession
d'états d'un système d'objets culturels enseignés, marquant le temps
didactique (Mercier, Schubauer-Leoni, Sensevy 2002, p. 10). La topogenèse
enfin souligne l'évolution des positions adoptées par les élèves et leur
professeur tout au long du processus d'enseignement / apprentissage,
l'objet de l'enseignement étant bien de faire changer les rapports au
savoir de chacun (Johsua 1996, p. 155). Ce partage des responsabilités
s'incarne très concrètement dans les tâches qui en relèvent[ii], la
difficulté pour l'enseignant restant de "dire sans jamais tout dire, pour
permettre à l'autre d'éprouver le plaisir de la maîtrise que rend possible
le savoir", selon la belle formule de Sarrazy (2001, p. 172). Un certain nombre de questions de recherche s'imposent à l'intérieur d'un
tel paradigme. D'un point de vue mésogénétique, on peut par exemple se
demander quels ressorts didactiques provoquent tantôt la stabilisation de
certains savoirs (lors des phases d'institutionnalisation en particulier),
tantôt leur évolution, et plus encore, l'orientation de cette évolution.
Comment les nouvelles thématisations apparaissent-elles dans les dialogues
? Quels énoncés, et quels énonciateurs, provoquent les dénivellations ? Ou
encore, la "postulation mimétique" (Sensevy 2001, p. 223), par laquelle
l'enseignant a tendance à sur-interpréter certains comportements
perceptibles de ses élèves, s'imaginant trop tôt qu'ils ont compris ce qui
était requis, pourrait-elle être rendue responsable des brusques
accélérations du temps didactique que l'on constate parfois, l'enseignant
renonçant alors à la dévolution chronogénétique ? Ou encore, comment la
constitution progressive des classes en communautés discursives
disciplinaires (Bernié 2002) se traduit-elle par l'inscription des énoncés
de chacun dans un genre discursif commun ? On le voit, le champ est vaste. Et les besoins méthodologiques de nature
fort diverse. Sensevy et Quilio (2002) retiennent dans le texte déjà cité
la théorie de la pertinence de Sperber et Wilson, au travers principalement
des concepts de contexte et d'inférence, pour élaborer les premières
esquisses d'une "pragmatique didactique". Ils tentent de la sorte de
spécifier ce modèle linguistique aux interactions didactiques considérées
comme "un fait social total". Est reprise en cela l'imbrication du social
et du cognitif : "La communication est dense partout dans le didactique"
(Sensevy, Schubauer-Leoni, Mercier 2000, p. 265), sur laquelle se fonde par
exemple la logique interlocutoire, l'un des modèles théoriques que nous
invoquerons plus bas (Trognon 1994, 1999).
Nous nous proposons de poursuivre ici ce travail de défrichage
méthodologique, en nous référant à trois principes : diversifier les champs
mis à contribution, tant les questions sont variées et requièrent des
grains d'analyse et des objets scientifiques différents ; faire un usage
aussi systématique que possible de ces méthodes d'investigation, l'intérêt
heuristique d'un tel investissement résidant aussi dans ce qu'il nous fait
voir autrement ce que nous avions déjà sous les yeux ; rechercher les
affinités entre certains de ce